mercredi 21 août 2013

L'IMÂMA ABÛ BAKR (4ème partie et fin) - IBN'ARABI

Allâh le Nom de DIEU
... Si sa supériorité, son autorité, son rang spirituel (littéralement: "son rang du point de vue de la religion"), la considération de l'Envoyé de DIEU à son égard, n'avaient pas été bien ancrés dans l'esprit des Compagnons, ils ne se seraient pas empressés à lui faire acte d'allégeance sans avoir eu besoin de réfléchir et ils n'auraient pas été unanimes sur la parfaite sincérité de son attention et sur les qualités (que nous venons de mentionner) entre beaucoup d'autres semblables, telles que : sa science des  secrets de la Prophétie (nubuwwa) et la Mission (risâla) de Mohammed et du Livre qui apporte la Lumière, le degré de l'état spirituel de " Servitude" qui lui était indissolublement attaché et au sommet duquel il se tenait, sommet qui est "l'ombre de la Prophétie". Il y a aussi, rappelons-le, le fait que l'Envoyé de DIEU  l'avait nommé son remplaçant pour diriger la Communauté à la prière, et cela à juste titre. Il avait dit à son sujet : " Une assemblée au de laquelle se trouve Abû Bakr ne doit pas placer à sa tête pour diriger la prière quelqu'un d'autre que lui." Et il avait confirmé cela par une autre de ses paroles : " Quiconque place à la tête d'une assemblée un homme, alors qu'il sait qu'il y a au milieu d'elle quelqu'un de meilleur, commet une injustice et une iniquité." Egalement lorsqu'il a dit au Pèlerinage d'Adieu ; " Musulmans ! prenez comme imâm le meilleur d'entre vous, car il est votre intercesseur (shafî), considérez donc qui vous choisirez comme intercesseur !" Ce qu'il y a derrière toutes ces paroles suffit à indiquer la faveur que représente sa désignation pour la direction de la prière ! C'est à lui que le Prophète donna l'ordre de diriger la prière, malgré les interventions de l'une de ses femmes, qui l'avaient fait s'emporter et s'écrier : " Vous êtes comme les "petites femmes" de Joseph (1) ! DIEU et Son Envoyé refusent sauf à Abû Bakr." Ensuite il dit : " Versez de l'eau pour m'asperger, afin que je puisse sortir et faire connaître au peuple celui que je leur recommande." On lui versa donc de l'eau et il sortit, appuyé sur Ali et al-Fadl ibn al-Abbâs, en se traînant (littéralement: " ses pieds rayaient la terre") sous l'effet de la faiblesse. Lorsque les Musulmans, qui étaient en train de prier, le virent s'avancer vers la mosquée, ils s'écrièrent : " Gloire à DIEU !". Cela attira l'attention d'Abû Bakr qui aperçut alors l'Envoyé de DIEU. Celui-ci s'assit à sa droite, et Abû Bakr termina la prière en la dirigeant pour lui et le peuple. Quand la prière eut été achevée, le Prophète tourna son visage vers les fidèles, et sa recommandation fut la suivante : " Musulmans ! nul Prophète ne meurt sans avoir mis à sa place le meilleur de sa communauté qui devient ainsi son imâm et celui de sa communauté (littéralement : "qui le dirige en se plaçant devant lui".)
Mais quand il sortit pour désigner au peuple celui qu'il leur recommandait, cette désignation n'était pas autre que celle de son remplacement pour la prière par Abû Bakr, et il n' y avait dans ses paroles rien d'autre que ce qu'il a dit. S'il a agi ainsi uniquement de son propre avis, de sa propre décision et de son propre jugement, c'est déjà une chose d'une importance considérable, et si c'est sous l'effet d'une inspiration venue de DIEU, qui lui en aurait donné l'ordre, c'est encore bien plus extraordinaire, voire même s'il n'est pas établi que c'était une inspiration Divine, car il a fait savoir que la coutume des Prophètes qui l'ont précédé était de ne pas mourir sans avoir mis à leur place le meilleur de leur communauté qui devenait ainsi leur imâm, or tous les Prophètes ne disent rien concernant les questions religieuses sans une inspiration venant de DIEU et une instruction Divine.





C'est là un degré extraordinaire dans la précellence, pour lequel personne ne peut rivaliser avec Abû Bakr et que personne ne peut lui disputer ! C'est aussi le dernier acte accompli par l'Envoyé de DIEU, son ultime commandement en matière de religion et son testament. C'est là-dessus que se sont basé les Compagnons, pour donner la préférence à Abû Bakr et l'élire à la direction de la Communauté, puisque le dernier acte accompli par l'Envoyé de DIEU avait été de le préférer à eux et de le choisir pour diriger la prière. Ils ne pouvaient pas passer outre à la décision de l'Envoyé de DIEU ni de préférer (à Abû Bakr) quelqu'un d'autre, en aucune façon et pour aucune raison. Et ils proclamèrent : " La prière est la base de la religion, et celui que le Prophète a agréé pour notre religion, nous l'agréons pour nos affaires temporelles (dunyâ)."

Celui qui prétend, après cet exposé et ces éclaircissements sous une forme abrégée, qu'un autre qu'Abû Bakr était plus digne que lui d'être préposé (taqdima) à l'Imâma, porte dans son for intérieur un jugement défavorable sur l'acte de l'Envoyé de DIEU et sur son ultime recommandation (ahd), il conteste sa décision et sa prescription, et se permet de tourner en dérision l'opinion des Compagnons et de discréditer (littéralement: "affaiblir" : ihân) leur jugement (ijtihâd), quand il s'est agi de lui prêter serment d'allégeance et de le suivre fidèlement.
DIEU a placé trop haut leurs mérites pour qu'ils aient pu, en matière de religion, se laisser aller à des opinions subjectives et passionnelles (hawâ), et Il a mis trop haut leur dignité pour qu'ils aient été de connivence dans des machinations, alors que ce sont des hommes dont la gloire et les louanges ont été proclamées (dans le Coran et la Tradition), "la meilleure Communauté apparue pour les Hommes" (Coran, III, 110), qui ont agi sainement et unanimement quand ils ont mis à leur tête Abû Bakr, en le choisissant librement et non pas sous l'effet de la contrainte. Nous savons que les premiers Musulmans (Ahl al-sâbiqa), Muhâjirûn aussi bien que Ançar, ne l'ont placé à leur tête qu'à cause de sa supériorité sur eux en mérites et parce qu'ils étaient convaincus qu'il était plus digne qu'eux de commander. Je témoigne formellement que l'homme égaré est celui qui se sépare d'eux, qui attaque leurs opinions et prétend qu'un autre était plus digne que lui d'être préposé à l'Imâma.
Méditez donc ce que je vous ai rapporté et expliqué concernant sa précellence, et prenez-le comme base !

Que la paix la plus complète soit sur celui qui s'est amélioré, qui est devenu bon, et à qui il a été donné de comprendre ce qu'on lui dit !

source: La profession de Foi (Ibn'Arabi)







  1. Ou encore çawâhib Yûsuf selon les traditions rapportées par Bukhâri : I, 169, 172 à 174, 182-183. Les femmes auxquelles Ibn'Arabi ne fait qu'une allusion étaient Aïcha et Hafça, celle-ci poussée par Aïcha. Elle craignait qu'Abû Bakr, trop sensible et trop ému, ne puisse remplacer le Prophète. Quant à la comparaison avec les "petites femmes" ou les "compagnes" de Joseph, sans doute s'explique-t-elle en référence à la sourate de Joseph, XI, 23-33, par l'insistance de jolies femmes pour détourner un homme de ce qu'il a décidé.

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