jeudi 18 décembre 2014

LE CHATON D'UNE SAGESSE DIVINE DANS UN VERBE D'ADAM (2 ) - Ibn'Arabi

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Cela dit, revenons à la Sagesse. Sache que les idées universelles sont dépourvues de réalité propre; néanmoins, elles peuvent, sans aucun doute, être conçues et connues dans le mental. Elles demeurent sans cesse intérieures par rapport à l'existence déterminée, tout en exerçant leur pouvoir et leur effet sur tout ce qui en fait partie; ou plutôt, elles ne sont rien d'autre qu'elles, je veux dire : que les qualifications de cette existence. Elles ne cessent pas d'être intelligibles par elles-mêmes : elles sont "extérieures" au point de vue des déterminations existentielles et "intérieures" sous l'aspect de leur intelligibilité.

Toute (qualification de l') existence déterminée dépend des Idées universelles qui ne peuvent, ni être séparées de l'intellect, ni cesser d'être intelligibles du fait de leur actualisation en mode déterminé; peu importe que cette qualification soit soumise ou non à la condition temporelle car, dans les deux cas, sa relation à l'Idée universelle est la même. D'autre part, celle-ci est régie à son tour par les qualifications de l'existence déterminée, selon ce que requièrent les réalités principielles correspondantes. Par exemple, la science dans sa relation avec le savant ou la vie dans sa relation avec le vivant. La vie est une réalité principielle intelligible et la science en est une autre, distincte de la vie tout comme la vie est distincte d'elle.
Or, nous disons du Très-Haut qu'Il possède science et vie, et qu'Il est " le Vivant, le Savant", et nous disons exactement la même chose de l'ange et de l'homme. Les notions de science et de vie demeurent identiques (dans tous les cas), de même que la relation de la première avec le savant et de la seconde avec le vivant. Néanmoins, nous disons de la Science de Dieu qu'elle est  éternelle et la science de l'homme qu'elle est éphémère. Considère ce pouvoir de l'attribution sur la réalité intelligible ! Considère cette connexion entre les (principes) intelligibles et les (qualifications) de l'existence déterminée : d'une part, la science "régit" celui auquel elle se rapporte et en fait un savant; de l'autre, celui-ci "régit" la science en la rendant éphémère dans le cas d'un être éphémère, éternelle dans le cas d'un être éternel. Chacun est donc, à la fois, "régissant" et "régi".



Il est bien connu qu'en dépit de leur intelligibilité les Idées universelles sont dépourvues de réalité propre et qu'elles n'existent que par leur fonction attributive. Elles sont régies par les êtres déterminés auxquels elles s'appliquent, sans être soumises pour autant à la séparation ou à la divisibilité, ce qui leur serait impossible. Leur essence est présente dans tout être qu'elles qualifient; par exemple, la "qualité humaine" est présente dans toute personne qui fait partie du genre humain sans être, ni divisée, ni soumise au nombre parce qu'elle concerne une pluralité de personnes; et sans cesser d'être intelligible.

Si on peu affirmer ainsi une connexion entre ce qui est pourvu de réalité actuelle déterminée et ce en qui en est dépourvu puisqu'il s'agit  de relations purement conceptuelles - a fortiori pourra-t-on en concevoir une, les uns par rapport aux autres, entre des êtres qui en sont pourvus, puisqu'il y' a toujours entre eux un élément commun - qui est la réalité déterminée - absent dans le premier cas. Si la connexion existe en l'absence d'élément commun, elle sera plus forte et plus vraie lorsque cet élément existe. Or, il est indubitable que l'être éphémère est un être "produit" qui, du fait de sa contingence, est sous la dépendance d'un être "producteur". Sa réalité actuelle vient d'un autre que lui, auquel il est lié par sa dépendance. En revanche, la réalité de Celui dont il dépend ne peut être que nécessaire, car elle lui est essentielle; Il Se suffit à Lui-même dans Sa Réalité et n'est assujetti à rien. C'est plutôt Lui qui, par Son Essence, confère la réalité actuelle à cet être éphémère qui tire de Lui son origine. Comme Il implique cet être par Son Essence, celui-ci est "nécessaire par Lui"; comme, d'autre part, sa dépendance à l'égard de Celui dont procède sa manifestation est due (aussi) à Son Essence, cette dépendance implique qu'il soit selon Sa Forme dans tout ce qui lui est attribué, qu'il s'agisse d'un nom ou d'un attribut; à l'exception, toutefois, de la nécessité essentielle, qui est incompatible avec l'être éphémère. Bien que celui-ci soit nécessaire, il l'est, non par lui-même, mais par autre que lui.

Puisqu'il en est ainsi; puisque, comme nous venons de le dire, l'être éphémère est manifesté selon Sa Forme, sache encore que le Très-Haut nous a invités, pour obtenir la science à Son sujet, à regarder cet être; Il a mentionné, en effet, qu'"Il nous avait fait voir Ses Signes" en Lui, de sorte que nous recherchions en nous-même les indications qui Le concernent; les qualifications que nous Lui donnons ne sont autres que nous, à l'exception du privilège de la nécessité essentielle. Comme la science que nous avons de Lui est obtenue par nous et à partir de nous, nous Lui attribuons tout ce que nous attribuons à nous-mêmes.

C'est de cette façon que nous parviennent les Notifications Divines (communiquées) par la bouche des "interprètes". (Dieu) Se décrit pour nous par nous : quand nous Le contemplons, nous nous contemplons nous-mêmes et quand Il nous contemple, c'est Lui-même qu'Il contemple.

Pourtant, nous ne doutons pas que nous sommes nombreux, en tant qu'individus et en tant que types. Nous savons très bien qu'en dépit de notre appartenance à une réalité principielle qui nous réunit, il existe un facteur de séparation qui rend les individus distincts les uns des autres; sans quoi, du reste, il n' y aurait pas de multiplicité dans l'unité. De même, bien qu'Il nous attribue les qualifications qu'Il se donne à Lui-même sous tous les aspects, il existe nécessairement un facteur de séparation qui n'est autre que le besoin que nous avons de Lui au sein de la réalité actuelle. Notre existence dépend de Lui du fait de notre contingence, alors qu'Il est libre de tout besoin comparable au nôtre : l'éternité Lui revient, ainsi que la "primordialité principielle" qu'il ne faut pas confondre avec ce commencement qui définit le début de l'existence à partir d'un état de non-manifestation.

Bien  qu'Il soit le Premier, on ne peut Lui attribuer aucun commencement; et c'est d'ailleurs pour cela que l'on dit (aussi) de Lui qu'Il est le Dernier. Si Son commencement était celui qui marque l'existence d'un conditionnement, Il ne pourrait être " le Dernier " par rapport à la réalité conditionnée, car il n'y a pas de dernier dans le domaine de la contingence; les êtres contingents sont une multitude indéfinie qui ne peut avoir de fin. Il est donc "dernier" uniquement par le fait que toute la réalité Lui revient après nous avoir été attribuée : Il est le Dernier dans ce qui est l'essence de Sa qualité de Premier, et Il est le Premier dans ce qui est l'essence de Sa qualité de Dernier.

Sache également que Dieu S'est décrit comme Extérieur et Intérieur; de là, Il a existencié le monde caché et comme manifeste, afin que nous comprenions "l'Intérieur" par notre aspect caché et "Extérieur" par notre aspect manifeste. Il S'est qualifié par la satisfaction et la colère; de là, Il a existencié le monde doué de crainte et d'espoir : la crainte de Sa Colère et l'espoir de Sa Satisfaction. Il S'est décrit encore comme Beau et doué de Majesté; de là, Il nous a existencié (à la fois) dans la crainte révérentielle et dans l'intimité familière. De même pour tout ce que le Très-Haut S'est attribué et par quoi Il S'est désigné. Ces qualifications complémentaires sont représentées par les deux Mains tendues par Lui en vue de la création de l'Homme Parfait, car celui-ci réunit aussi bien les réalités universelles du monde que ses éléments.

Le monde est manifesté et le Calife est (le mystère) caché. C'est pour cela que le souverain demeure invisible et que Dieu Se décrit (comme caché) par les "voiles d'ombre..." qui sont les corps grossiers "... et de lumière" qui sont les esprits subtils. Le monde est composé de ces deux aspects; il est à lui-même son propre voile et ne peut comprendre Dieu comme il se comprend lui-même; il demeure voilé à tout jamais, bien qu'il sache qu'il est distinct de son Existenciateur du fait de sa dépendance; il n'a aucune part à la nécessité essentielle qui est propre à la Réalité de Dieu et ne pourra jamais Le comprendre. Cette vérité essentielle rend Dieu inconnaissable pour toujours par le "goût" et la contemplation directe; l'éphémère ne peut y accéder.

Allâh a réuni Ses deux Mains pour la création d'Adam uniquement en vue de montrer son excellence; c'est pour cela qu'Il a dit à Îblis : Qu'est ce qui t'empêche de te prosterner devant ce que J'ai créé de Mes deux Mains ? (Coran 38, verset 75), ne désignant par là rien d'autre que la réunion des deux formes : la forme du monde et la Forme de Dieu, qui sont les deux Mains d'Allâh. Iblîs est un élément du monde; il ne possède pas cette qualification synthétique.

C'est pour cela qu'Adam est Calife. S'il n'avait pas été manifesté dans la Forme de Celui qui l'a préposé et investi, il n'aurait pas été Calife; s'il n' y avait pas eu en lui tout ce que recherchent ses sujets - car c'est de lui qu'ils dépendent, de telle sorte qu'il doit nécessairement réaliser tous leurs besoins - il n'aurait pas été établi sur eux comme Calife. Seul l'Homme Parfait est digne du Califat car le Très-Haut a constitué sa forme extérieure à partir des réalités essentielles du monde et à partir de ses formes, et sa forme intérieure selon Sa propre Forme. C'est pour cela qu'Il a dit à son sujet : "Je suis son ouïe et sa vue" (hadith prophétique) , Il n'a pas dit : " Je suis son œil et son oreille"; Il a distingué les deux formes. Du reste, il en est ainsi pour tout être existencié qui fait partie du monde, à la mesure de ce que requiert l'essence particulière de cet être. Néanmoins, personne ne possède la réunion synthétique de ce qui appartient au Calife : c'est par la synthèse qu'il l'emporte.

Si Dieu n'était pas omniprésent dans les êtres existenciés, au moyen de la Forme (totale), le monde n'aurait aucune réalité actuelle; de même que, sans ces réalités intelligibles et universelles (que nous avons mentionnées plus haut), aucune fonction attributive ne pourrait se manifester dans (les qualifications de) l'existence déterminée. Telle est la vérité principielle qui explique la dépendance du monde à l'égard de Dieu dans sa réalité actuelle.

Le tout est dépendant. Rien ne peut se suffire
Telle est la vérité que nous disons sans détour
Si tu mentionnes un " Être qui Se suffit ", sans aucune dépendance,
Tu sais fort bien Celui dont nous parlons
Le tout est lié au tout; aucune séparation
n'est possible. Faites vôtre ce que je vous dis là !

Tu connais à présent la sagesse de la constitution d'Adam, je veux dire de sa forme extérieure; tu connais la constitution de l'esprit d'Adam, je veux dire de sa forme intérieure, car il est Dieu-créature; tu connais la constitution de son degré qui est la "réunion synthétique" qui le rend digne du Califat.

Allâh est l'"âme unique" à partir de laquelle le genre humain a été créé, selon la Parole du Très-Haut : O hommes, ayez la crainte de votre Seigneur qui vous a créés à partir d'une âme unique, qui a créé à partir d'elle son épouse, et qui a produit à partir de ce couple une multitude d'hommes et de femmes (Coran 4, verset 1). Sa parole "ayez la crainte de votre Seigneur" signifie : " faites de votre extérieur une sauvegarde pour votre Seigneur et de votre intérieur, qui est votre Seigneur Lui-même, une sauvegarde pour vous; car l'Ordre comporte blâme et louange. Soyez Sa sauvegarde pour le blâme et faites de Lui votre Sauvegarde pour la louange, vous serez ainsi de ceux qui respectent les convenances et possèdent la science (véritable).

Ensuite, le Très-Haut lui a montré ce qu'Il lui avait confié, et qu'Il avait placé dans Ses deux Mains fermées : dans l'une, il y' avait le monde; dans l'autre, Adam et sa descendance. Il a montré en détail les degrés qu'ils occupaient en lui.

Lorsqu' Allâh me montra, dans mon "secret", ce qu'Il avait confié à cet Imâm, le géniteur suprême, je transcrivis dans ce livre la part dont Il me traça les limites, non celle dont j'eus la connaissance, car celle-là aucun livre, ni le monde présent, ne pourraient les contenir.

Parmi ce que j'ai contemplé et transcrit dans ce livre dans les limites qu'avait tracées pour moi l'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - il y'a :

une Sagesse Divine dans un Verbe d'Adam : c'est le présent chapitre;
ensuite une Sagesse du souffle incantatoire dans un Verbe de Shîth;
ensuite une Sagesse transcendante dans un Verbe de Nûh;
ensuite une Sagesse très-sainte dans un Verbe d'Idrîs;
ensuite une Sagesse éperdue d'amour dans un verbe d'Ibrâhim;
ensuite une Sagesse de vérité dans un Verbe d'Ishâq;
ensuite une Sagesse sublime dans un Verbe d'Ismâ'îl;
ensuite une Sagesse spirituelle dans un verbe de Ya'qûb;
ensuite une Sagesse lumineuse dans un Verbe de Yûsuf;
ensuite une Sagesse d'unité dans un Verbe de Hûd;
ensuite une Sagesse des ouvertures dans un verbe de Sâlih;
ensuite une Sagesse du coeur dans un Verbe de Shu'ayb;
ensuite une Sagesse de la force intense dans un Verbe de Lût;
ensuite une Sagesse de l'assignation existentielle dans un Verbe de 'Uzayr;
ensuite une Sagesse prophétique dans un Verbe de 'Isâ;
ensuite une Sagesse toute-miséricordieuse dans un Verbe de Sulaymân;
ensuite une Sagesse de la réalité actuelle dans un Verbe de Dâwûd;
ensuite une Sagesse de l'âme dans un Verbe de Yûnus;
ensuite une Sagesse secrète dans un Verbe de Ayyûb;
ensuite une Sagesse majestueuse dans un Verbe de Yahyâ;
ensuite une Sagesse royale dans un Verbe de Zakariyyâ;
ensuite une Sagesse intime dans un Verbe d'IIyâs;
ensuite une Sagesse de l'accomplissement parfait dans un Verbe de Luqmân;
ensuite une Sagesse de l'Imâm dans un Verbe de Hârûn;
ensuite une Sagesse de l'éminence dans un Verbe de Mûsâ;
ensuite une Sagesse du soutien universel dans un Verbe de Khâlid;
ensuite une Sagesse incomparable dans un Verbe de Muhammad.

Le chaton de toute Sagesse est le  Verbe auquel elle correspond. Je me suis borné, dans tout ce que j'ai mentionné au sujet de ces Sagesses dans ce livre, à la limite fixée dans la Mère du Livre. J'ai obéi à ce qui m'a été prescrit; j'ai respecté les limites qui m'ont été fixées. Aurais-je désiré y ajouter, je ne l'aurais pas pu, car la Présence m'en aurait empêché.

Et Allâh accorde la réussite.
Il n'est d'autre Seigneur que Lui.
En fait partie : *

* C'est à dire : fait partie de ce que je puis dire au sujet de ces Sagesses en respectant les limites qui m'ont été fixées.

Source : Le livre des Chatons de la Sagesse - Ibn'Arabi

mercredi 10 septembre 2014

LE CHATON D'UNE SAGESSE DIVINE DANS UN VERBE D'ADAM (1 ) - Ibn'Arabi

Dès lors que Dieu voulut - gloire à Sa transcendance !-, en Ses Noms Excellents dont la multitude est innombrable, voir les essences - si tu veux, tu peux dire "voir Son Essence" - dans un être qui renferme la réalité totale car il est qualifié par al-wujûd, afin de rendre manifeste par lui Son propre secret à Lui-même...

- La vision qu'une chose a d'elle-même par elle-même n'est pas comparable à celle qu'elle a d'elle-même dans une autre qui lui tient lieu de miroir, car sa vision s'opère alors dans la forme que lui confère le support de son regard; sans l'existence de ce support, elle ne pourrait, ni se manifester, ni apparaître à elle-même -

- Dieu a existencié le monde dans sa totalité comme une ébauche harmonieuse, (mais) dépourvue d'esprit; semblable à un miroir non poli. Il est dans la nature de l'Ordre Divin de ne jamais disposer harmonieusement un réceptacle si ce n'est en vue d'accueillir un esprit Divin, ce qui est évoqué par l'(idée d') "insufflation"; et ce n'est rien d'autre que le fruit de la prédisposition inhérente à cette forme ainsi disposée afin que l'Effluve (sanctissime des déterminations primordiales) puisse recevoir la théophanie permanent qui n'a jamais cessé et qui ne cessera jamais. En effet, il ne subsiste (en réalité) qu'un réceptacle, et il n'est pas de réceptacle qui ne procède de l'Effluve sanctissime; l'Ordre (manifesté) tout entier fait partie de lui, dans son commencement et dans son terme : Et à Lui est ramené l'Ordre tout entier (Cor., 11, 123), tout comme il procède de Lui à son origine -

... L'Ordre impliquait le polissage du miroir du monde et Adam est l'essence de la pureté transparente de ce miroir, ainsi que l'esprit de cette forme.

Les anges représentent certaines des facultés de cette forme qui est celle de l'univers, et que les Initiés désignent, dans le langage qui leur est propre, comme le "macrocosme". Les anges sont pour celui-ci ce que les facultés spirituelles et sensibles sont dans la constitution de l'homme. Chacune d'elle est voilée par elle-même et ne voit rien de meilleur que sa propre essence ! Chacune prétend être digne des rangs les plus élevés, des degrés les plus sublimes auprès d'Allâh, du fait qu'elle participe à la qualité Divine synthétique par les différents aspects qu'elle régit : celui qui se rapporte à Dieu, celui qui se rapporte à la Vérité des vérités et - dans la condition (d'existence) qui comporte ces qualifications - celui qui se rapporte à la Nature totale qui inclut l'ensemble des réceptacles de l'univers, de sa cime à son tréfonds.

Tout ceci, l'intellect ne peut le comprendre par la voie de la spéculation rationnelle. Une "saisie" de ce type ne s'opère qu'au moyen d'une intuition Divine qui permet de connaître l'origine des formes de l'univers, qui sont les réceptacles des esprits qui les régissent.

Cet être que nous venons de mentionner porte les noms d'"Homme" et de "Calife".

"Homme" par l'universalité de sa constitution qui inclut toutes les vérités principielles. Il est à Dieu ce que la pupille est à l'œil, qui est l'organe du regard. C'est parce que cette faculté est désignée comme étant "la vue", que la pupille porte (également) le nom d'"homme" : par lui, Dieu regarde les créatures et leur fait miséricorde.

Il est l'homme nouveau et éternel, le généré sans commencement ni fin, le Verbe qui sépare et qui unit.

Le monde est achevé par son être qui en fait partie de la façon dont le chaton fait partie de l'anneau. Il est la gravure et le signe sur le sceau que le Roi oppose sur Ses trésors. Le Très-Haut l'a appelé "calife" pour cette raison. Il préserve par lui Ses créatures, comme le sceau préserve les  trésors. Tant que le sceau du Roi demeure opposé, personne n'aurait l'audace d'ouvrir Ses coffres sans Sa permission. Il l'a préposé à la garde du Royaume. Le monde ne cesse d'être préservé tant que l'Homme Parfait y demeure.

Ne le vois-tu donc pas ? Quand il disparaîtra, quand (le sceau) sera brisé sur le coffre de ce monde, ce que Dieu y thésaurise n'y demeurera plus et en sortira; chaque partie rejoignant celle qui lui correspond, l'Ordre (manifesté) se transportera dans la vie future. (Le Calife) sera alors le Sceau des trésors de cette vie (à venir), leur Sceau pour toujours.



L'ensemble des Noms liés aux formes Divines est manifesté dans la condition humaine qui englobe et qui unit au moyen de cet être (adamique). Grâce à lui, Allâh le Très-Haut l'a emporté dans Son argumentation contre les anges. Prends garde, car c'est toi qu'Il admoneste par l'exemple d'autrui ! Considère l'origine de leur déroute : les anges ont perdu de vue la constitution privilégiée de ce Calife, ainsi que l'adoration essentielle requise par la Dignité Divine; car personne ne peut connaître de  Dieu  que ce que lui confère sa propre essence, et les anges ne possédaient pas la qualité synthétique d'Adam. Ils ont perdu de vue que les Noms Divins au moyen desquels ils célébraient la transcendance et la sainteté Divines leur étaient particuliers; ignoré qu'Allâh possède des Noms dont la science ne leur était pas parvenue, de sorte qu'ils ne pouvaient célébrer Sa transcendance et Sa sainteté de la même manière qu'Adam. Dominés par les limitations que nous avons mentionnées, sous l'emprise de leur état et de leur propre condition, ils ont dit : " Vas-Tu établir quelqu'un qui va y semer la corruption ?" (visant par là) uniquement l'opposition (impliquée par la nature d'Adam) alors que c'étaient eux-mêmes qui la manifestaient ! Leur accusation contre Adam s'appliquait à leur propre attitude à l'égard de Dieu ! C'était leur nature qui la leur faisait porter, et ils n'en avaient pas conscience ! S'ils s'étaient connus eux-mêmes, ils auraient su; et s'ils avaient su, ils auraient été préservés. Ils ont ajouté la prétention à la diffamation en évoquant leur propre manière de célébrer la transcendance et la sainteté, alors qu'il y' avait dans la constitution d'Adam des Noms Divins ignorés d'eux de sorte qu'ils ne pouvaient rivaliser avec lui dans cette célébration.

Allâh nous a fait ce récit afin que nous nous y arrêtions, que nous apprenions le sens des convenances avec Lui et que, compte tenu de notre condition, nous n'émettions aucune prétention à l'égard de ce que nous avons réalisé et maîtrisé.
D'ailleurs, comment pourrions-nous nous permettre d'énoncer une prétention qui s'étendrait à ce dont nous n'avons ni l'état (correspondant) ni la science sans nous couvrir de ridicule ? Cet enseignement est de ceux au moyen desquels Dieu éduque Ses serviteurs qui ont le sens des convenances, les Hommes de confiance, les Califes.
à suivre...

Source: Le livre des chatons de la sagesse (Ibn'Arabi)

jeudi 1 mai 2014

La naissance de l'univers suivant le Très Saint Coran (partie 2) - Pierre Soumarey

... Mais l'Archétype n'est pas simplement une réalité informelle, elle est codifiée en la forme d'une Écriture. Il existe une Écriture Primordiale qui fixe le projet Divin, dans un Livre bien gardé et Évident. L'existence sensible incorpore en elle, cette intention sous forme d'information codée, pour s'y conformer.  Cette précision nous est rapportée par la révélation d'un autre verset, où ce Livre est mentionné sous l'appellation d' OMMOU AL KITABI (le Livre Primordial, mère et matrice de toute existence)

" Et, il y' a auprès de Lui, l'Écriture Primordiale " Sourate 13:39

" Il, est dans l'Original devant Nous, sublime et plein de sagesse " Sourate 43:4

L'obéissance de la nature (l'Univers et son contenu) à " l'Intention Archétypale" trouve en science, son application dans le principe de la " non-localisation" attestée par l'une des théories de la physique quantique, dans le cadre d'un système parfaitement intriqué, comme nous l'avons déjà vu à propos de l'Archétype, qui forme avec l'Univers sensible un système imbriqué, global, et général. L'Univers fait partie intégrante et indissociable, d'un " Grand Tout" : l'espace-temps infini de l'existence. Il représente la partie visible et observable de ce dernier. Dès lors nous avons affaire à un ensemble, donc un groupe d'éléments constituant un tout, formant un système, avec ses inclusions, ses relations et ses fonctions. Les éléments de ce système ont des propriétés et des liens communs, dont l'espace, qui dès lors leur devient inséparable.

" Des systèmes peuvent être intriqués de sorte qu'une interaction en un endroit du système a une répercussion immédiate en d'autres endroits. Ce phénomène contredit en apparence la relativité restreinte pour laquelle il existe une vitesse limite à la propagation de toute information, la vitesse de la lumière"

Ce concept peut paraître plutôt étrange, très inhabituel, en tout cas assez éloigné de notre expérience de la vie quotidienne, mais comme la mécanique quantique a passé avec succès tous les tests expérimentaux auxquels ses théories et propositions ont été soumises, nous devons l'accepter comme une description exacte de la réalité. Cette science choque encore nos habitudes de pensée, malgré sa formalisation mathématique, alors qu'elle ouvre de nouveaux horizons à la connaissance et la conception de l'Univers.

" Personne ne comprend vraiment la physique quantique." (Richard Phillips Feynman (1918-1988), Prix Nobel de physique, 1965)
L'Atome

Nous aurons l'occasion de revenir plus en détail sur cette cette notion ultérieurement, notamment en ce qui concerne les aspects relatifs à la transférabilité et au transport de l'information, ainsi que dans la partie réservée à " la construction de l'être adamique". Nous traiterons également la question de savoir s'il existe dans le monde du vivant des phénomènes obéissants aux mêmes règles, que celles de l'infiniment petit, puisque le Très Saint Coran précise qu'elles s'appliquent à toute chose, qu'elle soit "du poids d'un atome, plus petit ou plus grand". Proposition qui semble à priori, aller à l'encontre de l'idée généralement admise, que le monde macroscopique est trop complexe et chaotique, pour permettre des effets de cohérence quantique.

Le Très Saint Coran apporte donc une révélation révolutionnaire par rapport à l'histoire des religions, mais aussi, de celle de la science. En effet, si la religion à eu l'intuition d'un Archétype, elle n'a jamais soupçonné qu'il était fixé par écrit. Par rapport à notre intelligence de l'Univers et de l'histoire, nous n'avons jamais pensé un seul instant, tant en religion qu'en science, que ces éléments étaient régis par une Écriture Primordiale. Nous n'avons jamais envisagé auparavant, la matière avec la notion nouvelle d'un "infiniment petit" introduite par le Très Saint Coran au VII ème grégorien. Tout ceci est révolutionnaire, et très en avance sur l'humanité. La notion d'Archétype ne fait pas de doute en Islam. La notion coranique est cosmique, elle est complétée par la " sunna " qui en donne une notion matérielle. Ces deux aspects forment une réalité qui lui donne par cette nature, la capacité de se manifester dans le monde de façon sensible, donc observable.

" Al Hâfiz Al Qâsim At Tabarâni (qu'Allah lui fasse miséricorde) rapporta d'après Sayyidunâ 'Abdu Llâh Ibn Al 'Abbâs (qu'Allah l'agrée ainsi que son père) que le Messager d'Allah (que le Salut et la Paix d'Allah soient sur lui) a dit: " Allâh a créé la Table bien gardée (Al Lawh Ul Mahfûz) à partir d'une perle blanche. Ses feuilles sont faites en hyacinthe rouge, sa plume est faite de lumière tout comme son livre. Chaque jour, en 360 secondes, Allâh crée, dispense des ressources, fait mourir et fait vivre, donne la puissance et avilit. Il fait ce qu'Il veut."

Et Al Imâm Ismâ'îl Ibn Kathîr (qu'Allâh lui fasse miséricorde) rapporta dans son ouvrage intitulé Al Bidâyah wa An Nihâyah que Sayyidunâ Ibn Al 'Abbâs (qu'Allâh l'agrée ainsi que son noble père) a dit:

" La Table bien gardée est faite à partir d'une perle blanche. Sa longueur est pareille à la distance entre le ciel et la terre, et sa largeur est pareille à la distance entre l'Est et l'Ouest. Ses extrémités sont faites de perles et de hyacinthe, ses battants sont faits de hyacinthe rouge, sa plume est faite de lumière, ses propos sont liés au Trône et son origine se trouve dans le giron d'un Ange."

Et il rapporta que Sayyidunâ 'Abdu Llâh Ibn Al 'Abbâs (qu'Allâh l'agrée ainsi que son noble père) a dit également :
" Au centre de cette Table, on trouve cette inscription : " Il n'y a de divinité qu'Allâh, l'Unique. Sa religion est l'Islam et Muhammad est Son serviteur et Son Messager" (Al Muwahhidûn)

Nous avons affaire incontestablement à un archétype, qui est au sens étymologique du terme un modèle général (du grec arkhetupon, "modèle primitif", par l'intermédiaire du latin archetypum).
Qu'est-ce qu'il faut entendre par modèle ? " Du latin populaire modellus variante du latin classique modulus, diminutif de modus ("manière" ou "mode"). Le mot "modèle" serait un emprunt à l'italien "modello" du XVIème siècle. Il est alors employé dans le sens d'une représentation miniature de ce qui sera construit en grand, au sens de "modèle-réduit" ou de "prototype", de "maquette". Il prendra au cours des siècles suivant le sens d'"objet référent", puis d'"idéal à imiter"."



En philosophie il est représentatif du sujet. En psychologie analytique il est depuis Carl Gustav Jung, le symbole universel d'un type ou d'une personne, servant de modèle à un groupe. Au cas d'espèce, il servirait de modèle général à l'humanité, aux mondes, et à l'univers tout entier.

Le symbole peut être un objet, une image, une écriture, un son ou une marque particulière qui représente quelque chose d'autre par association, ressemblance ou convention. Sans nous engager dans les théories développées par la sémiologie et la sémiotique quant aux division du symbole en tant que signe, comportant un signifié et un signifiant, nous pouvons dire au cas présent, et au regard de l'histoire de la religion, que le sens de l'archétype n'est pas dévoilé à partir de la représentation mentale que nous faisons de la relation entre le véhicule du signe, agissant comme signe matériel, et l'interprétant, en occurrence la religion, qui lui donnerait une signification à travers la pensée qu'elle exprime.

Ici, l'Archétype, en tant que référent, se définit sur une base objective comme étant un symbole-modèle, perceptible et concevable, qui s'exprime dans la nature, le Cosmos, et l'homme. Son sens réside dans la proposition coranique, qui invite à observer les signes que dévoilent et expriment d'une part, les effets et les lois du prototype Primordial de la Création en œuvre dans l'Univers, pour se convaincre de l'existence d'une Déité, et d'autre part, à découvrir une des réalités de la Déité, se présentant comme une Intelligence Pure et Toute-Puissante, en qui tout subsiste et qui gouverne à toute chose, à partir d'un modèle prédéfini, qu'Il a arrêté par Décret Divin : l'Archétype, lequel est fixé dans une Écriture Primordiale diffusée dans tout l'espace-temps de l'existence, sous forme d'instruction à exécuter et d'informations à observer. Ici, le Très Saint Coran nous dévoile une représentation nouvelle du mode d'être de Dieu (Allâh). Son intention et Ses décrets sont consignés dans l'Écriture Primordiale, une structure par laquelle Il manifeste une partie de Son Être, Sa pensée, son Plan et l'Architecture de Sa Création, dont l'Archétype sert de modèle général pour orienter le devenir de tout l'Univers et de tous les êtres  (vivants et inanimés).

Dès lors l'on peut conclure que l'Univers est doté au départ de toutes les propriétés requises pour aboutir à l'équilibre de ses structures, l'harmonie de la nature, l'apparition de la vie, une dynamique de progrès continue des "êtres subdivisionnaire" vers " l'Être". Tel est la réalité profonde du progrès de l'homme. Ce scenario d'évolution est écrit dans l'Archétype, ainsi que celui de la survenance des évènements qui affectent sensible. Le Prophète nous enseigne aussi que l'Archétype n'est pas figé, il est constamment actualisé, en ce qui concerne la prédestinée individuelle, et qu'il a une modalité matérielle d'expression, donc observable : une écriture. Tout l'enjeu de notre travail est de détecter la présence de cette écriture dans le monde matériel, de la décoder avec l'aide de la science.

L'image de l'Archétype Primordial de Dieu est profondément enfouit dans l'inconscient de l'homme, comme l'affirme la tradition musulmane, et comme le démontre l'histoire des religions. Nous aurons l'occasion d'expliquer plus tard comment et pourquoi. En effet, en psychanalyse, la notion d'archétype recouvre une signification propre, elle se réfère à des préformes vides qui organisent la vie instinctive et spirituelle, structurent les images mentales (pensées, fantasmes, rêves, inspirations, révélations subliminales...). Il sera le ressort de toute la démarche religieuse, des faits et phénomènes religieux, qui ont jalonnés l'histoire de l'humanité. C'est peut-être aussi l'origine du sentiment religieux en l'homme, l'écho d'un appel informel profondément ancré dans son subconscient. La résurgence d'une mémoire enfouie en lui, depuis " Le Commencement".
...

Source : L'homme face à sa finalité (Pierre Soumarey)
Publié aux éditions du Panthéon à Paris



jeudi 24 avril 2014

La naissance de l'univers suivant le Très Saint Coran (partie 1) - Pierre Soumarey

La théorie d'une création "ex nihilo" de l'Univers, par un Créateur Tout-Puissant et Omniscient, suivant le modèle d'un Archétype ontologique.

Le Saint Prophète de l'Islam, Mohammad SAAWS (Sala Allehi, Allehou wa Salam) a légué à la postérité le surprenant enseignement selon lequel, "au commencement était la plume".

En recevant ce Hadith (un hadith désigne une communication orale du Prophète de l'Islam Mohammad SAAWS, et par extension un recueil qui comprend l'ensemble des traditions relatives aux actes et aux paroles du Prophète et de ses compagnons, considérés comme des principes de gouvernance personnelle et collective pour les musulmans, que l'on désigne généralement sous le nom de "tradition du Prophète" ou "Sunna"), je me suis longtemps interrogé, sur la signification profonde de cette phrase, de cette affirmation. Que voulait-elle dire ? Qu'est ce qui était avec cette plume ? Qui avait écrit avec cette plume ? Quel est le support de cette écriture ? Comment est-elle révélée ? Comment prouver son existence ? Comment se manifeste-t-elle ?

Les premières réponses me sont venues de la lecture du Très Saint-Coran, et j'ai compris qu'il s'agissait des livres célestes, au nombre de quatre: La Table bien gardée "AL LAWH UL MAHFUZ", le livre-mère et matrice de toute chose, dans lequel est déployé le détail sur toute chose, "OUMMOU ou OUMMI AL KITABI", ensuite viennent le Livre de la Prédestinée, le Livre des comptes dans lequel sont inscrits, tous les actes et paroles des hommes jusqu'au détail le plus insignifiant, et enfin le Livre de la Révélation qui en termine la liste. Cette écriture est-elle écrite uniquement sur ces Livres ?  De quelle nature sont ces Livres ?



Ce qui retiendra notre attention est le premier Livre, pour son importance évidente et pour sa portée, qui servira les besoins de notre démonstration ultérieure. Tentons d'en savoir plus sur ce Livre Sacré, qui contient le Prototype Céleste de l'existence sensible, le Livre Évident, dont la garde renforcée, trahit la présence d'une chose de la plus haute importance, cachée et bien sécurisée, un secret inaccessible, contenant les Lois et Décrets immuables, qui gouvernent aux mondes (7 dans la tradition musulmanes). L'ébauche  de tout ce qui sera produit dans l'existence. Le Très Saint-Coran se réfère en de nombreux endroits à ce Livre, sous l'expression de " La table bien gardée" ou en le désignant la plupart du temps, sous le vocable arabe de " Kitabin" (le mot Kitab signifiant livre) :

"Nul être marchant sur la terre, nulle volaille volant de ses ailes, qui ne soit comme vous en communauté. Nous n'avons rien omis d'écrire dans le Livre. Puis, c'est vers leur Seigneur qu'ils seront ramenés." Sourate 6: 38

Cette sourate, essentiellement mecquoise, attire l'attention sur les éléments de l'Univers, pour attester l'omniscience et l'omnipotence de son " Créateur ". Bien évidemment, à ce stade très prématuré du développement de notre propos, le lecteur devra accepter l'existence d'un " Créateur" comme un postulat, qui sera démontré ultérieurement. Pour l'instant, il s'agit simplement d'une première approximation, qui nous invite à une prise de conscience de l'étendue infinie des qualités du "Créateur" de l'Univers, tout en signalant à notre attention que tout ce qui existe et survient dans l'Univers est connu d'avance et inscrit dans l'Archétype Primordial, qui a arrêté la genèse, le mode d'être et le devenir de toute chose. C'est ce dernier qui est identifié dans le contexte Coranique, comme étant le " Livre Mère" avec des termes équivalents.

" Et auprès de Lui sont les clés de l'invisible. Ne les connaît que Lui. Et Il connaît ce qui est dans la terre ferme, comme dans la mer. Et pas une feuille ne tombe qu'Il ne le sache. Et pas une graine dans les ténèbres de la terre, et rien de frais et de sec, qui ne soit dans le Livre Évident." Sourate 6:59

Les versets qui se réfèrent au Livre dans lequel sont consignées les prescriptions de Dieu, relatives au devenir des chose, avant même qu'elles ne surviennent à l'existence, sont nombreux. Cet enseignement a fait dire à certains que l'Islam était fataliste. Nous verrons plus loin que ce jugement est erroné, et relève d'une profonde méprise sur l'essentiel de son enseignement.

" Ni sur terre, ni dans le ciel, n'échappe à ton Seigneur, chose du poids d'un atome. Et de plus petit, ni de plus grand, rien qui ne soit dans un Livre Évident" S. 10:61 (cf. 57:22; 23; 27:75, 34:3)

"Pas de mystère dans les cieux et sur la terre qui ne soit noté dans l'Écrit Évident." S. 27:75 (Trad. A. Chouraqi)

Il est remarquable que le Très Saint-Coran, nous apprenne au détour de cette information relative à l'existence d'un Livre pré-existentiel où tout est écrit, que l'atome, n'est pas la plus petite particule de la matière. En effet, nous savons désormais, et depuis peu, qu'il existe d'autres éléments de dimension encore plus réduite que celle de l'atome, comme les photons ("grains" de lumière) et les gluons (qui n'ont pas de masse), les bozons de Higgs (qui transportent certaines forces), les neutrinos et quarks (6 types connus par la physique des particules). Il est encore plus remarquable que le Très Saint Coran mentionne cette réalité, treize siècles avant que la science ne la découvre. Ce n'est pas un effet de style dans le Texte Sacré, mais une vérité scientifique qui est soulignée ici. Ceci est la caractéristique de la science du Très Saint Coran, une science très en avance sur celle de l'humanité.

Pour nos citations du Livre Saint, nous avons choisi de suivre la traduction du professeur Muhammad Hamidullah (nouvelle édition corrigée et augmentée 1989, Amana Corporation), seulement pour son autorité en la matière, mais surtout pour sa parfaite maîtrise de la langue d'origine (l'arabe) et de la langue de destination (le français). Lorsqu'une expression nous paraîtra plus appropriée ou plus proche de notre entendement, nous procéderons à une modification partielle de la traduction ou une substitution entière, sans le signaler, pour ne pas alourdir inutilement notre travail, dans la mesure ou le sens demeure strictement identique.

Ces versets, outre qu'ils mettent en évidence l'omniscience d'Allah (Dieu) pour le fait que sa science embrasse toute chose, nous relèvent deux choses centrales: 1 - l'existence d'autres réalités, au-delà du sensible : l'invisible. 2 - L'existence d'un Livre où  tout est consigné dans sa latente, son actualité et sa potentialité, qui établit suivant une planification arrêtée d'avance, l'activité et le devenir de toute chose.

Certains auteurs, dont le Professeur Hamidullah, parlent de "prédestination", cette équivalence n'est acceptable que dans la mesure où elle s'appliquerait à toute chose, et non seulement au destin de l'homme, comme le serait une fatalité au sens théologique et anthropologique du terme. Il s'agit d'avantage d'un déterminisme, au sens d'un devenir programmé d'avance, s'appliquant à l'Univers tout entier et à tous les éléments qui le composent. L'état des choses dans leur mode d'existence, ainsi que leur devenir sont contenus dans ce déterminisme, avant leur surgissement à la réalité sensible, de sorte qu'ils sont prédictibles, par celui qui en a la parfaite connaissance. Ce qui explique qu'elle soit le privilège exclusif de la Déité, et soit aussi un secret bien gardé.

"Dans un tourbillon de poussière qu'élève un vent impétueux; quelque confus qu'il paraisse à nos yeux, dans la plus affreuse tempête excitée par des vents opposés qui soulèvent les flots, il n'y a pas une seule molécule de poussière ou d'eau qui soit placée au hasard, qui n'ait sa cause suffisante pour occuper le lieu où elle se trouve, et qui n'agisse rigoureusement de la manière dont elle doit agir. Un géomètre qui connaîtrait exactement les différentes forces qui agissent dans ces deux cas, et les propriétés des molécules qui sont mues, démontrerait que, d'après les causes données, chaque molécule agit précisément comme elle doit agir, et ne peut agir autrement qu'elle ne fait." (Paul Henry Thiry d'Holbach, "Système de la nature")



Le déterminisme pose une nécessité causale non spéculative comme en philosophie, selon laquelle la succession des événements et des phénomènes est due à un principe de causalité. Il y'a un lien de dépendance à des lois, que seule une science supérieure rend possible et prédictible. En l'espèce, celle de Dieu selon le Très Saint-Coran. Le sens des versets précité est d'affirmer qu' Allâh est omniscient et que toute contingence dans les cieux comme sur la terre, et dans ce qu'il y a entre les deux, est connue d'avance de Lui et inscrite dans un Livre. Il a la capacité à partir de cette connaissance de les prédire, rien de ce qui existe ou se produit dans l'existence ne peut Lui échapper de ce fait. Cela s'applique à tous les éléments de l'Univers entier. Ceci démontre l'étendue de Sa Science, car elle procède également d'une connaissance approfondie des propriétés déterminant chaque chose, Lui permettant de prévoir la chaîne des réactions qui sont nécessaires pour parvenir aux résultats désirés dans son projet. Il maîtrise parfaitement tous les paramètres et aléas, de cet enchaînement de causes à effets, qui produisent les résultats que nous observons dans la nature et l'Univers, dans leur état et leur devenir.

Ceci nous conduit à la conclusion que rien n’apparaît ou ne se produit dans l'existence et dans l'univers qui ne soit rigoureusement planifié. A l'inverse, le hasard est un aveu d'ignorance. C'est l'impuissance  de la raison à saisir cette science, qui traduit notre incapacité à comprendre la complexité de ces phénomènes pour les expliquer, à un point tel que la raison y renonce. C'est ce mécanisme et cette attitude, que nous appelons communément le hasard. Le Très Saint Coran affirme que l'origine de l'Univers et de la vie qui s'y exprime est le résultat de la mise en œuvre d'une science supérieure que Lui seul possède, et répond à une intention et un projet. C'est un pan du mécanisme et des modalités de cette mise en œuvre qu'Il dévoile.

C'est cela la grande Révélation : le devenir de toute chose est inscrit, et programmé d'avance. La Prescription mère est le Livre où sont écrits d'avance (pré-scrits), non seulement les "Commandements d' Allâh", mais aussi les décrets particuliers qui font des événements et des êtres ce qu'ils sont. La programmation de toute existence, celle de l'Univers et de ce qu'elle contient. Tout est écrit : le destin des hommes et des choses.

Nous avons sélectionné quelques versets pour confirmer et renforcer ce qui précède :
"... Il n'y a rien de caché dans le ciel et la terre qui ne soit dans un Livre Évident..." Sourate 27:75

"... Aucune existence n'est prolongée ou abrégée sans que ce ne soit dans un Livre..." Sourate 35:11

"Pas une atteinte de malheur n'atteint n'atteint, - ni en la terre, ni en vous-même, - que ce ne soit dans un Livre, avant même que Nous l'ayons créée - oui, c'est facile à Dieu." Sourate 57:22

Il est une évidence manifeste, que si rien de ce qui est  dans l'Univers, n'échappe à ce Livre, il ne peut être que l'Archétype. En effet, de l'infiniment petit à l'infiniment grand, il englobe toute chose et toutes les contingences. Celui-ci sera d'ailleurs désigné avec plus de précisions dans  le Saint Coran sous le vocable de " IMAMIN", qui le qualifie comme tel.

" Nous avons dénombré toute chose dans un Archétype évident" Sourate 36:12

à suivre

Source: L'homme face à sa finalité (Pierre Soumarey)
Publié aux éditions du panthéon à Paris

jeudi 27 mars 2014

Une sagesse éperdue d'Amour dans un verbe d'Ibrahim - Ibn'Arabi



La Mecque
L'ami-intime (1) a été désigné par ce nom (2) parce qu'il pénètre et renferme (3) tout ce qui qualifie l'Essence Divine. Le poète a dit:

Tu m'as pénétré comme chemine (4)  l'Esprit en moi
C'est pour cela que l'Ami-intime a été désigné par ce nom :

de la façon dont la couleur pénètre l'objet coloré (5), l'accident épousant la forme de la substance, non de la façon dont un être étendu occupe un espace.

Ou bien (6) parce que Dieu a pénétré la réalité actuelle de la forme d'Ibrâhim - sur lui la Paix !

A partir de là (7), toute attribution est valable; chacune se manifeste à sa place et en respecte les limites. Ne vois-tu pas que Dieu se manifeste avec les attributs des êtres éphémères (8) - Il nous en a informé Lui-même - y compris celles qui impliquent le défaut et la blâme ? Et ne vois-tu pas que l'être créé (9) est manifesté avec les Attributs de Dieu, du premier jusqu'au dernier ? Tous lui appartiennent véritablement (10), tout comme les attributs des êtres éphémères appartiennent véritablement à Dieu (11).

La Louange est Allâh (12) : c'est à Lui que reviennent (finalement) toutes les louanges, en tout louangeur et en tout louangé (13) : C'est à Lui que revient l'Ordre tout entier (14), ce qui comprend aussi aussi bien ce qui est blâmable que ce qui est louable :
tout entre dans ces deux catégories.

Sache qu'une chose ne peut pénétrer une autre sans y être comprise. Celui qui pénètre est caché par celui qu'il pénètre. Ce dernier est l'apparent, alors que le premier est caché à l'intérieur: il est sa nourriture (15), tout comme l'eau, lorsqu'elle imprègne (16) la laine, en fait croître le volume. Si c'est Dieu qui est (considéré comme) l'Extérieur, la créature est cachée en Lui; elle est l'ensemble des Noms Divins : Son Ouïe, Sa Vue, l'ensemble des aspects qui Lui sont attribués (17) et Ses perceptions. Au contraire, si c'est la créature qui est (considéré comme) l'extérieur, Dieu est caché et intérieur en elle: Il est son ouïe, sa vue, sa main, son pied et l'ensemble de ses facultés, ainsi que le rapporte un hadîth authentique (18).

De plus, si l'Essence était dépourvue de ces attributions, elle ne serait pas " Dieu " (19). Or, ces attributions proviennent de nous (20); c'est nous, par le fait que nous sommes nécessairement soumis à une Divinité, qui Le faisons Dieu. Il ne peut être connu que si nous le sommes nous-même, car il a dit (21) - sur lui la paix ! - " Celui qui se connaît soi-même connaît son Seigneur ", lui qui est la créature qui possède la science la plus grande au sujet d'Allâh. Pourtant certains penseurs (22), dont Abû Hamîd,  prétendent qu'Allâh peut être connu sans que l'on considère le monde, mais c'est là une erreur. Certes, on peut savoir qu'il y a une Essence principielle et éternelle, mais non que celle-ci est " Dieu " tant que l'on ne connaît pas ce qui est soumis à la fonction Divine, et qui est l' "informateur" (23) à Son sujet.

Puis, à un deuxième degré (24) de connaissance, le dévoilement intuitif nous apprend que c'est Dieu Lui-même qui est cet informateur à Son propre sujet et au sujet de Sa Divinité; et que le monde n'est rien d'autre que Sa théophanie dans les formes revêtues par les (25) essences immuables dont l'existenciation (26) serait impossible sans Lui; et qu'Il se diversifie en de multiples formes (27) en fonction des réalités principielles de ces essences, et de leurs états passagers (28). (Tout) ceci vient après la science à Son sujet provenant de nous et qui L'a établi comme "Dieu" pour nous.

Enfin, un autre dévoilement se produit, qui te fait apparaître nos formes en Lui (29) : nous apparaissons   les uns aux autres en Dieu; nous nous connaissons les uns les autres, et nous nous distinguons les uns des autres. Certains d'entre nous savent que cette connaissance que nous avons de nous-mêmes s'opère en Dieu; d'autres ignorent la Dignité Divine en laquelle elle s'opère. Je prends refuge en Allâh pour ne pas être d'entre les ignorants !

De la réunion de ces deux dévoilements, (il résulte qu') Il nous juge (30) par nous. Non ! C'est plutôt nous qui nous jugeons nous-mêmes, mais en Lui (31). C'est pour cela qu'Il a dit : Allâh détient l'argument décisif... (32); c'est à dire à l'encontre des êtres voilés lorsqu'ils diront à Dieu (33) : " Pourquoi as-Tu fais de nous ceci ou cela ?" (c'est à dire ce) qui ne convenait pas à leurs désirs individuels. Alors le fondement (leur) sera dévoilé (34) : c'est à dire la réalité même (35) dont les Connaissants ont ici- bas le dévoilement intuitif. Ils verront alors que ce n'est pas Dieu qui a fait d'eux ce qu'ils prétendaient qu'Il avait fait, et que cela venait d'eux-mêmes : Il les connaît uniquement tels qu'ils sont (36). Dès lors leur argument ne tiendra pas (37), et l'argument décisif demeurera en faveur d'Allâh le Très-Haut.

Si tu rétorques : " Quelle est alors l'utilité de Sa Parole ...S'Il avait voulu, Il vous aurait tous guidés ? (38)", nous répondrons : dans (l'expression) "s'Il avait voulu", la particule law (39) indique le rejet d'une impossibilité (40); (autrement dit :) Il veut la chose uniquement telle qu'elle est. S'il est vrai que, pour l'intellect créé, l'essence de la contingence (41) est d'admettre une chose aussi bien que son contraire (42), néanmoins (43) celui des deux termes (de l'alternative) qui se réalise effectivement est celui-là même que l'être contingent comporte dans son état principiel. " Il vous aurait tous guidés" signifie (en réalité) " Il vous aurait (tous) rendu à l'évidence". Mais Allâh (ne l'a pas voulu, car Il) n'ouvre pas la vue subtile de tout être contingent faisant partie de ce monde pour lui faire voir la réalité telle qu'elle est en elle-même : certains possèdent la science, d'autres sont ignorants (44).

Dieu "n'a pas voulu" : Il ne les a donc pas "guidés tous". Il ne veut pas. De même, "s'Il voulait" (45), mais pourrait-Il vouloir (pareille chose) ? Cela ne peut pas être (46) car la Volonté principielle est "une" dans ses applications : elle est une relation conceptuelle (47) qui "suit" la science; et la science est une relation conceptuelle qui "suit" l'objet connu; et l'objet connu, c'est toi et tes états passagers. La science est sans effet sur son objet; au contraire, c'est son objet qui a un effet sur elle et qui lui communique à partir de lui-même ce qui lui appartient en propre (48). Le discours Divin tient compte de la compréhension de ceux auxquels il s'adresse (49) et s'exprime selon la raison, non selon le dévoilement intuitif; c'est pourquoi les croyants sont nombreux alors que les Connaissants doués d'intuition ne le sont pas.

Il n'est aucun d'entre nous qui ne possède une Station faisant l'objet d'une science (Divine) (50) :
il s'agit de ce que tu es dans ton état immuable et que tu manifestes par ton existence (51), du moins si l'on maintient que tu possèdes une réalité propre. (Du reste), même si l'on maintient que la réalité actuelle appartient à Dieu et non à toi, c'est encore indubitablement à toi qu'appartient la détermination de ton statut au sein de la Réalité Divine. (A plus forte raison) en sera-t-il ainsi si l'on maintient que l'être doué de réalité actuelle (52), c'est toi; car bien que cette détermination soit opérée par Allâh (53), seule lui revient (en cela) l'effusion de la réalité actuelle sur toi. C'est à toi qu'appartient la détermination du statut qui t'est applicable : il n'y a que toi-même qui mérites la louange, il n'y a que toi-même qui mérites le blâme. La seule louange qui reste à Dieu est celle qui est celle qui est inhérente à l'effusion sur toi de la réalité actuelle, car c'est à Lui qu'elle revient, et non à toi. C'est toi qui est Sa nourriture par les déterminations statutaires et c'est Lui qui est ta  Nourriture par la réalité actuelle (54) : ta propre détermination Le détermine. L'ordre existencié (55) va de Lui à toi et de toi à Lui. Sauf que c'est toi qui est désigné comme étant "soumis à l'astreinte légale", et Il ne t'y a soumis que parce que ton propre état (56) Lui disaient : "Soumets-moi à l'astreinte !"; Lui-même ne peut être désigné ainsi.

Il chante ma louange et je chante la Sienne
Il est mon serviteur (57) comme je suis le Sien.
Dans un certain état je Le reconnais, et
dans les êtres (produits) je Le renie.
Il me connaît et je Le rejette,
Le connais et Le contemple.
Où est Son "indépendance",
alors que je Lui apporte assistance et faveur ? (58) 
C'est pour cela que (59) Dieu m'a donné l'existence :
afin que je Le connaisse et Lui donne à mon tour la Sienne.
Le hadîth nous l'apprend :
Il a réalisé en moi ce qu'Il recherchait.

Comme l'Ami-intime possédait ce degré (60) - qui lui a valu son nom - il prescrivit la Règle traditionnelle (61) de servir un repas (à l'hôte). Ibn Massara (62) l'a préposé avec Mîkâ'îl à l'octroi des nourritures qui assurent la subsistance de ceux à qui elles sont destinées. La nourriture pénètre totalement (63) celui qui l'absorbe et envahit tous ses membres. Certes, il n'y a pas à envisager de parties en Dieu (64); néanmoins (65), il faut nécessairement pénétrer l'ensemble des "Stations Divines" exprimées par les Noms, afin que Son Essence soit rendue manifeste - que Sa Majesté soit exalté !

Nous sommes à Lui comme le montrent
nos preuves et nous sommes à nous.
Il ne possède que mon Etre (66)
Nous sommes à Lui et nous sommes par nous (67).
J'ai deux faces : Lui et moi
Il n'a pas de Moi en moi.
Mais c'est en moi qu'est le lieu de Sa manifestation :
nous sommes à Lui à la façon d'un  récipient.

Allâh dit le Vrai et Il guide sur la Voie (68).
Source: Le livre des chatons des sagesses (Ibn Arabi)





  1. Al-khalîl. C'est l’appellation emblématique traditionnelle d'Abraham, fondée sur le verset: et Allâh a pris Ibrahim comme Ami-intime (cor. 4, 125). Le sens de pénétration est exprimé par le verbe takhallala, de la même racine que khalil; nous l'avons traduit aussi par "imprégner" (§2) et on le retrouve à la fin du texte (§6) à propos de la nourriture.
  2. Littéralement: a été appelé "ami intime".
  3. La notion d'intimité implique une réciprocité: on a pour ami-intime celui dont on est l'ami-intime; il y a donc "interpénétration" de sorte que l'on "pénètre" et que l'on "renferme". Faute d'avoir saisi cette nuance, Austin traduit erronément le début du vers par "Je T'ai pénétré".
  4. Maslak. L'image est celle de l'"esprit vital" qui se répand, à partir du centre de l'être, dans toutes les facultés et les membres de son corps.
  5. Al-mutalawwan. Bâlî est seul à lire al-matalawwin: "de la façon dont pénètre la couleur d'un colorant".
  6. Aw. Jâmî indique la variante wa (et) qui supprime l'alternative en introduisant l'idée qu'Abraham, en tant qu'"ami-intime", réunit les deux aspects.
  7. La plupart des commentateurs comprennent: du fait de cette alternative. Jâmî rapporte plus spécialement l'attribution au second terme: à partir du moment où Dieu revêt la forme d'Abraham, toutes les attributions peuvent Lui être rapportées. Cette interprétation se justifie plutôt par le contexte immédiat que par l'ensemble du passage.
  8. Suivant les données traditionnelles, le Très-Haut rit, s'étonne, éprouve la faim et la maladie, etc.
  9. Il s'agit de l'Homme Universel qui réalise initiatiquement ces Attributs.
  10. Haqqun la-hu.
  11. Haqqun li-l-Haqq.
  12. Formule coranique dont le sens est expliqué par le verset cité ensuite.
  13. La même idée a été exprimée en des termes semblables, et avec une référence plus précise à Cor. 1,2, dans le chapitre précédent ($1, dernier alinéa).
  14. Cor. 11, 123.
  15. Ce symbolisme sera développé plus loin ($4 et 6).
  16. Yatakhallalu, de la même racine que khalil.
  17. Nisab. Il s'agit de relation conceptuelle sans réalité propre, qui proviennent de l'homme individuel et n'ont de raison d'être que pour  lui.
  18. Ce Hadith a été cité dans le premier chapitre (cf. n. 81).
  19. Ilâhan; c'est le terme qui désigne la "fonction Divine".
  20. A'yumu-; littéralement: de nos êtres.
  21. Il s'agit du Prophète.
  22. Hukamâ. Burckhardt traduit par "sages" et en conclut qu'il s'agit d'une simple "différence de perspectives" car "les sages ne se trompent pas" ! Tel n'est sûrement pas l'avis d'Ibn Arabi lorsqu'il mentionne Abû Hamîd, c'est-à-dire Ghazâli.
  23. Dalîl; littéralement: l'indication, l'indicateur.
  24. Littéralement: dans un deuxième état.
  25. Littéralement: leurs essences, c'est à dire celles qui constituent le monde.
  26. Wujûdu-hâ; littéralement: la réalité actuelle.
  27. Ces précisions développent la distinction initiale de l'alinéa: en tant que "le monde n'est rien d'autre que Sa théophanie, Il est l'informateur à Son propre sujet; en tant qu'"Il se diversifie en de multiples formes", Il est l'informateur au sujet de Sa Divinité.
  28. Les formes de Sa théophanie varient suivant les haqâ'iq, c'est-à-dire les différenciations principielles et immuables, et les ahwâl, c'est-à-dire les états passagers et changeants.
  29. C'est à dire dans le miroir de la réalité actuelle (wujâd).
  30. Yahkumu. Cette traduction est en accord avec le contexte, mais l'on pourrait traduire aussi par "détermine". La notion de hukm, "détermination (statutaire)", considérée en opposition avec wujûd, "réalité actuelle", joue un rôle essentiel dans la suite du texte (cf. §4). Le jugement effectif n'est que l'application particulière de la détermination principielle.
  31. La première affirmation correspond au premier dévoilement, et la correction faite ensuite au second.
  32. Cor., 6, 149. Sur la doctrine exposée ici, cf. L'Esprit universel de l'Islam, chap. VIII.
  33. Le jour de la Résurrection.
  34. Yukshafu ' an sâqin (Cor., 68, 42) : littéralement "une jambe sera mise à nu". Allusion au fait qu'au Jour de la résurrection la réalité véritable des êtres sera dévoilée à tous. Sâq pouvant désigner aussi le tronc d'un arbre, les commentateurs de ce chapitre en font un équivalent de asl, terme qui désigne lui-même la racine ou le tronc et qui comporte, de ce fait, le sens abstrait de "principe", "fondement".
  35. Al-Amr.
  36. Dans leur état de non-manifestation.
  37. Y compris à leurs propres  yeux.
  38. Cor., 6, 149. Il s'agit de la suite du verset cité au début de ce paragraphe.
  39. Traduite pas "si".
  40. Imtimâ' li-intimâ'; cf. Futûhât, chap. 17 cité dans les sept Etendarâs, p. 58.
  41. Littéralement: de l'être contingent, mais il s'agit ici d'une définition de la contingence.
  42. C'est à dire, en l'occurrence, que l'ensemble des hommes sont guidés.
  43. Sous-entendu: selon la réalité véritable.
  44. Ibn Arabi interprète la fin du verset qui met en cause la bonne compréhension de la doctrine de la mashi'a (la Volonté principielle dont il sera question dans l'alinéa suivant) à laquelle fait allusion son début.
  45. La Volonté Divine est envisagée successivement dans le passé, le présent et l'avenir, ce dernier étant indiqué par l'expression "s'Il voulait" (sous-entendu: Il vous guiderait tous) qui intervient dans plusieurs passages coraniques.
  46. Fa-hal yachâ' hâdhâ mâ lâ yakûna. La plupart des commentateurs n'introduisent aucune séparation dans la phrase et considèrent hâdhâ comme le complément direct de yachâ'; ils comprennent alors: "De même s'Il voulait; car pourrait-Il vouloir ce qui n'est pas ?" Jandî, suivi par Ismaël Haqqî et Afîfî, introduit cette séparation et considère que le complément direct de yachâ' est sous-entendu. De sorte que hâdhâ devient le sujet de la fin de la phrase: "Mais pourrait-Il vouloir (pareille chose) ?", c'est à dire opérer une existenciation qui contredirait ce que l'être comporte dans son état principiel.
  47. Nisâ, singulier de nisab; cf. supra, n.17.
  48. Mâ huwa 'alay-hi fi 'ayni-hi.
  49. Cette remarque finale clôt le développement incident donné en réponse à l'objection formulée au début de l'alinéa 2 par référence au verset " s'il avait voulu".
  50. Cor., 37, 164. Il s'agit d'une parole dite par les anges mais dont Ibn Arabi étend ici par la signification à l'ensemble des créatures.
  51. Fî wujûd-ka par opposition à fî thubûti-ka (état immuable). Wujûd est traduit ici par "existence", "réalité propre" et "réalité actuelle".
  52. Al-mawjûd.
  53. Qâchâni considère que cette phrase peut se rapporter à ce qui précède; on comprend alors: "A plus forte raison en sera-t-il ainsi si l'on maintient que l'être doué de réalité, c'est toi, même si c'est Allah qui opère la détermination (de ton être principiel en vertu de Sa Toute-Possibilité); car (s'agissant de ton existenciation) seule Lui revient, etc. "En ce cas, il s'agit d'une détermination Divine opérée avant l'existenciation de l'être, alors que, selon l'interprétation que nous avons retenue, il s'agit plutôt d'une détermination théophanique inhérente à cette existenciation.
  54. Ce symbolisme sera repris et développé au §6.
  55. Al-amr.
  56. Mâ anta 'alay-hi.
  57. L'expression est très forte puisque l'on peut aussi comprendre : "Il est mon adorateur".
  58. Usâ'idu-Hu fa-as'adu-Hu. Il s'agit de la IIIème et de la IVème forme du même verbe.
  59. C'est à dire parce que je Lui apporte assistance et faveur. Nâbulusî et Jâmî adoptent la variante ka-dhâlika qui introduit une analogie : De même, Dieu m'a donné l'existence, etc.
  60. Tel qu'il a été décrit au début du chapitre et expliqué aux §4 et 5.
  61. Sunna.
  62. Muhammad b. Abdallâh Masarra al-Jabalî (269H. - 319 H.) est un  Maître andalou. Sur la doctrine mentionnée ici, cf. Futûhât, chap. 13; vol. II, p. 348 de l'éd. O. Yahya.
  63. Takhallala, terme de la même que khalîl. Littéralement : pénètre l'essence (dhât) de celui qui est nourri, de sorte que rien n'échappe à cette pénétration.
  64. Cf. R. Guénon, les états multiple de l'Être, chap. I.
  65. Sous-entendu : dans une perspective proprement initiatique. Selon Jâmî, cette phrase finale peut être considérée comme la principale annoncée par le début du paragraphe : "Comme l'Ami-intime possédait ce degré, il fallait nécessairement qu'il pénètre, etc."
  66. Kawnî. La majuscule se justifie par le fait qu'il s'agit de l'Homme Universel.
  67. Bi-nâ. Selon Bâlî, bi a ici le sens de lî: "et nous sommes à nous".
  68. Expression coranique (cor., 33, 4) par laquelle Ibn Arabi conclut un grand nombre de ses textes, notamment dans les Futûhât.