mercredi 10 septembre 2014

LE CHATON D'UNE SAGESSE DIVINE DANS UN VERBE D'ADAM (1 ) - Ibn'Arabi

Dès lors que Dieu voulut - gloire à Sa transcendance !-, en Ses Noms Excellents dont la multitude est innombrable, voir les essences - si tu veux, tu peux dire "voir Son Essence" - dans un être qui renferme la réalité totale car il est qualifié par al-wujûd, afin de rendre manifeste par lui Son propre secret à Lui-même...

- La vision qu'une chose a d'elle-même par elle-même n'est pas comparable à celle qu'elle a d'elle-même dans une autre qui lui tient lieu de miroir, car sa vision s'opère alors dans la forme que lui confère le support de son regard; sans l'existence de ce support, elle ne pourrait, ni se manifester, ni apparaître à elle-même -

- Dieu a existencié le monde dans sa totalité comme une ébauche harmonieuse, (mais) dépourvue d'esprit; semblable à un miroir non poli. Il est dans la nature de l'Ordre Divin de ne jamais disposer harmonieusement un réceptacle si ce n'est en vue d'accueillir un esprit Divin, ce qui est évoqué par l'(idée d') "insufflation"; et ce n'est rien d'autre que le fruit de la prédisposition inhérente à cette forme ainsi disposée afin que l'Effluve (sanctissime des déterminations primordiales) puisse recevoir la théophanie permanent qui n'a jamais cessé et qui ne cessera jamais. En effet, il ne subsiste (en réalité) qu'un réceptacle, et il n'est pas de réceptacle qui ne procède de l'Effluve sanctissime; l'Ordre (manifesté) tout entier fait partie de lui, dans son commencement et dans son terme : Et à Lui est ramené l'Ordre tout entier (Cor., 11, 123), tout comme il procède de Lui à son origine -

... L'Ordre impliquait le polissage du miroir du monde et Adam est l'essence de la pureté transparente de ce miroir, ainsi que l'esprit de cette forme.

Les anges représentent certaines des facultés de cette forme qui est celle de l'univers, et que les Initiés désignent, dans le langage qui leur est propre, comme le "macrocosme". Les anges sont pour celui-ci ce que les facultés spirituelles et sensibles sont dans la constitution de l'homme. Chacune d'elle est voilée par elle-même et ne voit rien de meilleur que sa propre essence ! Chacune prétend être digne des rangs les plus élevés, des degrés les plus sublimes auprès d'Allâh, du fait qu'elle participe à la qualité Divine synthétique par les différents aspects qu'elle régit : celui qui se rapporte à Dieu, celui qui se rapporte à la Vérité des vérités et - dans la condition (d'existence) qui comporte ces qualifications - celui qui se rapporte à la Nature totale qui inclut l'ensemble des réceptacles de l'univers, de sa cime à son tréfonds.

Tout ceci, l'intellect ne peut le comprendre par la voie de la spéculation rationnelle. Une "saisie" de ce type ne s'opère qu'au moyen d'une intuition Divine qui permet de connaître l'origine des formes de l'univers, qui sont les réceptacles des esprits qui les régissent.

Cet être que nous venons de mentionner porte les noms d'"Homme" et de "Calife".

"Homme" par l'universalité de sa constitution qui inclut toutes les vérités principielles. Il est à Dieu ce que la pupille est à l'œil, qui est l'organe du regard. C'est parce que cette faculté est désignée comme étant "la vue", que la pupille porte (également) le nom d'"homme" : par lui, Dieu regarde les créatures et leur fait miséricorde.

Il est l'homme nouveau et éternel, le généré sans commencement ni fin, le Verbe qui sépare et qui unit.

Le monde est achevé par son être qui en fait partie de la façon dont le chaton fait partie de l'anneau. Il est la gravure et le signe sur le sceau que le Roi oppose sur Ses trésors. Le Très-Haut l'a appelé "calife" pour cette raison. Il préserve par lui Ses créatures, comme le sceau préserve les  trésors. Tant que le sceau du Roi demeure opposé, personne n'aurait l'audace d'ouvrir Ses coffres sans Sa permission. Il l'a préposé à la garde du Royaume. Le monde ne cesse d'être préservé tant que l'Homme Parfait y demeure.

Ne le vois-tu donc pas ? Quand il disparaîtra, quand (le sceau) sera brisé sur le coffre de ce monde, ce que Dieu y thésaurise n'y demeurera plus et en sortira; chaque partie rejoignant celle qui lui correspond, l'Ordre (manifesté) se transportera dans la vie future. (Le Calife) sera alors le Sceau des trésors de cette vie (à venir), leur Sceau pour toujours.



L'ensemble des Noms liés aux formes Divines est manifesté dans la condition humaine qui englobe et qui unit au moyen de cet être (adamique). Grâce à lui, Allâh le Très-Haut l'a emporté dans Son argumentation contre les anges. Prends garde, car c'est toi qu'Il admoneste par l'exemple d'autrui ! Considère l'origine de leur déroute : les anges ont perdu de vue la constitution privilégiée de ce Calife, ainsi que l'adoration essentielle requise par la Dignité Divine; car personne ne peut connaître de  Dieu  que ce que lui confère sa propre essence, et les anges ne possédaient pas la qualité synthétique d'Adam. Ils ont perdu de vue que les Noms Divins au moyen desquels ils célébraient la transcendance et la sainteté Divines leur étaient particuliers; ignoré qu'Allâh possède des Noms dont la science ne leur était pas parvenue, de sorte qu'ils ne pouvaient célébrer Sa transcendance et Sa sainteté de la même manière qu'Adam. Dominés par les limitations que nous avons mentionnées, sous l'emprise de leur état et de leur propre condition, ils ont dit : " Vas-Tu établir quelqu'un qui va y semer la corruption ?" (visant par là) uniquement l'opposition (impliquée par la nature d'Adam) alors que c'étaient eux-mêmes qui la manifestaient ! Leur accusation contre Adam s'appliquait à leur propre attitude à l'égard de Dieu ! C'était leur nature qui la leur faisait porter, et ils n'en avaient pas conscience ! S'ils s'étaient connus eux-mêmes, ils auraient su; et s'ils avaient su, ils auraient été préservés. Ils ont ajouté la prétention à la diffamation en évoquant leur propre manière de célébrer la transcendance et la sainteté, alors qu'il y' avait dans la constitution d'Adam des Noms Divins ignorés d'eux de sorte qu'ils ne pouvaient rivaliser avec lui dans cette célébration.

Allâh nous a fait ce récit afin que nous nous y arrêtions, que nous apprenions le sens des convenances avec Lui et que, compte tenu de notre condition, nous n'émettions aucune prétention à l'égard de ce que nous avons réalisé et maîtrisé.
D'ailleurs, comment pourrions-nous nous permettre d'énoncer une prétention qui s'étendrait à ce dont nous n'avons ni l'état (correspondant) ni la science sans nous couvrir de ridicule ? Cet enseignement est de ceux au moyen desquels Dieu éduque Ses serviteurs qui ont le sens des convenances, les Hommes de confiance, les Califes.
à suivre...

Source: Le livre des chatons de la sagesse (Ibn'Arabi)