jeudi 21 novembre 2013

L’imam al-haddâd et l’école Malékite | Spiritualité musulmane

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jeudi 7 novembre 2013

Voyage vers le Maître de la Puissance ou Explication de la retraite absolue 2 - Ibn'Arabi

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle le monde de la dignité, de la sérénité et de la fermeté; la ruse (makr), les énigmes et les secrets, et d'autres choses de ce genre. Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le monde de la confusion, de l'impuissance, de l'incapacité et les trésors du labeur; et cela est le ciel suprême (1).

Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révélera les Jardins : les degrés des marches qui montent jusqu'à eux, la manière dont ils se joignent, et dont ils se comparent l'un à l'autre par les plaisirs qu'ils offrent. Et tu es arrêté sur le chemin étroit et emporté au bord de l'Enfer, et d'en haut tu regardes les marches qui y descendent, la manière dont elles se joignent, et dont elles se comparent l'une à l'autre par leur dureté. Il te révèle les œuvres qui correspondent à ces deux lieux. Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle l'un des sanctuaires où les esprits s'absorbent dans la Vision Divine. En elle ils sont enivrés et égarés. Le pouvoir de l'extase les a conquis, et leur état te fait signe.

Et si tu ne t'arrêtes pas à ce signe, une lumière se révèle, dans laquelle tu ne vois rien d'autre que ton propre reflet. Dans cette lumière tu es saisi d'un extrême ravissement et des transports de l'amour, en elle tu trouves une félicité Divine qui t'était jusqu'alors inconnue. Tout ce que tu as vu précédemment t'apparaît petit, et tu te balances comme une lampe (2).


Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle la forme originelle des fils d'Adam. Et les voiles se soulèvent. Et les voiles descendent (3). Et ils lancent une louange particulière que tu reconnais en l'entendant, et tu ne succombes pas (4). Tu vois ta forme au milieu d'eux, et c'est elle qui te permet d'identifier le moment où tu te trouves.

Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le Trône de miséricorde (sarir al-rahmaniyya). Tout s'y trouve. Si tu le considères tu y trouveras la totalité de ce que tu connaissais, et plus encore : il ne reste aucun monde, aucune essence, que tu n'y reconnaisses. Cherche-toi : si cela  convient, tu trouveras ta destination, le lieu où tu te trouves et la limite de ton degré, et le Divin Nom de ton Seigneur et où résident ta part de gnose et de sainteté - la forme de ton unicité.

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle la Plume, le premier Intellect, le maître et l'enseignant de toute chose. Tu examines sont tracé et connais le message qu'elle porte et témoignes de son inversion, de la réception et de la particularisation des vastes [connaissances] qui découlent de l'ange al-Nuni (5).

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il  révèle celui qui fait se mouvoir cette Plume, la main droite de la vérité (6).

Et si tu ne t'arrêtes pas, tu es déraciné (7), puis retiré (8), puis effacé, puis écrasé (9), puis oblitéré.

Quand les effets du déracinement et de ce qui le suit sont achevés, tu es affirmé (10), puis rendu présent, puis rendu capable de demeurer, puis réuni, puis assigné. Et les robes d'honneur que [ton degré] requiert te sont conférées, et elles sont nombreuses.

Puis tu reprends ton chemin et examines tout ce que tu as vu sous des formes différentes jusqu'à ton retour au monde de tes sens terrestres et limités. Ou [tu te tiens solidement] là où tu as été absent; et la destination du chercheur dépend de la route qu'il suit.

Parmi [ceux qui terminent ce voyage] se trouvent ceux à qui a été confiée Sa Parole, et parmi eux se trouvent ceux à qui Sa Parole n'a pas été confiée. Et tous ceux à qui une Parole a été confiée, qu'elle qu' Elle soit, deviennent héritiers du prophète de ce langage*. C'est ce que veulent dire les gens de cette voie lorsqu'ils disent que tel homme est Moïse ou Abraham ou Enoch. Parmi eux se trouve quelqu'un à qui l'on a confié deux, trois ou quatre Paroles, ou même plus. Celui qui a été rendu parfait se voit confier la totalité des Paroles, et il procède particulièrement de Mohammed.

Alors qu'il est à sa destination, aussi longtemps qu'il n'entreprend pas le retour, le chercheur est appelé "celui qui s'arrête" (waqif). Ceux qui s'arrêtent incluent ceux qui sont absorbés par cet état, comme par exemple Abu-'Iqal et d'autres. En lui [Dieu] les prend et en lui ils sont ressuscités (11). La classification waqif inclut également ceux qui sont renvoyés (mardudun). Ceux-là sont plus parfaits que ceux qui sont absorbés (mustahlikun). Si [un chercheur] se trouve absorbé dans une position supérieure à celle d'où revient [un autre chercheur], alors on ne dit pas que celui qui revient est supérieur. La condition qui permet d'établir une comparaison est la ressemblance mutuelle entre eux deux. Si cette condition existe, celui qui revient vit, après être descendu de la position de celui qui a été absorbé, de telle sorte qu'il atteint le degré de celui-là même, et le surpasse en approchant, le surpasse en descendant, et la surpasse dans le développement et la réception du savoir.

En ce qui concerne ceux qui reviennent, on distingue parmi eux deux types d'hommes.
Il y' a celui qui retourne à lui-même seul; il est celui qui descend, dont nous avons parlé. Ce type d'homme est le gnostique, 'arif, parmi nous. Il revient vers le perfectionnement de soi par une autre route que celle qu'il avait prise. Parmi eux se trouve aussi celui qui est renvoyé à la Création avec le langage du chef et du guide. Il a hérité son savoir, il est L' 'alim.

Les convocateurs  et les héritiers ne sont pas tous en la même position, mais la position de leur convocation les réunit, et certains surpassent les autres en degré. Comme l'a dit : Dieu le Très-Haut : " Nous avons fait en sorte que certains de ces messagers excellent plus que les autres" (Coran 2: 253). Au nombre des héritiers se trouvent des convocateurs qui expriment la Parole de Moïse, de Jésus, de Sem, de Noé, d'Isaac, d'Ismaël, d'Adam, d'Enoch, d'Abraham, de Joseph et d'Aaron, et d'autres encore; ce sont les soufis. Ils sont les adeptes des états, comparés aux maîtres que nous comptons parmi nous (12). Parmi [les héritiers] on trouve aussi des convocateurs qui expriment la Parole de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient sur lui); ce sont les Malamiyya, les adeptes de la permanence et de la réalité.

Et quand ils convoquent la Création devant Dieu le Très-Haut, parmi eux se trouve celui qui les appelle de la porte de fana' dans la réalité de la servitude, ('ubudiyya) (13). [Il est fait allusion à ce fana'] lorsqu'Il dit (puisse-t-Il être exalté) : " Je t'ai créé auparavant quand tu n'étais rien" (Coran 19: 9). Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la servitude, qui est humilité et indigence, et que l'étape de servitude requiert. Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature miséricordieuse; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature conquérante; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature Divine, qui est la quatrième porte et la plus sublime (14).

Sache que la prophétie et la sainteté participent à trois choses : une, à la connaissance sans savoir acquis; deux, à l'action faite par l'himma, l'intention du cœur, en ce qu'on a coutume de croire seulement réalisable par le corps, ou qui est même irréalisable par le corps; trois, à la vision du monde des images dans le monde sensoriel. Les deux diffèrent uniquement dans le mode par lequel elles s'adressent aux gens, car le discours du saint est autre que le discours du prophète (15).

Ne suppose pas que l'ascension du saint est égale à l'ascension du prophète. Il n'en est rien, parce que l'ascension requiert des actions particulières. Si les saints et les prophètes prenaient part aux mêmes affaires en vertu d'une ascension identique, les saints seraient identiques aux prophètes, ce qui n'est pas notre cas (16). Bien que les deux classes aient un point commun - les étapes de la prise de conscience Divine - l'ascension des prophètes se fait par la lumière fondamentale elle-même, tandis que l'ascension des saints se fait par ce que cette lumière accorde providentiellement (17).
Quoique, par exemple, ils [un saint et un prophète] puissent tous deux se trouver à l'étape de la Confiance, cette étape ne présenterait pas le même aspect dans les deux cas. La supériorité ne se trouve pas dans la prise de confiance, mais dans l'aspect qu'elle revêt. Les aspects de la confiance dépendent de ceux qui exercent cette confiance, et le cas reste le même dans chaque état et dans chaque étape de fana' et de baga', l'union et la séparation, l'harmonie et la discorde, et ainsi de suite.

Et sache que chaque saint de Dieu le Très-Haut reçoit ce qu'il reçoit par la médiation spirituelle du prophète dont il suit la Voie sacrée, et c'est en cette étape qu'il se livre à la contemplation. Et il y a ceux qui le savent, et ceux qui l'ignorent et disent : " Dieu m'a dit"; mais ce n'est rien d'autre que la nature spirituelle [de leur prophète]. Et il y a des secrets propres à Sa subtilité mais ces pages, qui ne visent qu'à fournir une introduction, sont trop brèves pour en traiter.

Parmi les saints de la communauté de Mohammed - le Rassembleur des états des prophètes, la paix et la bénédiction soient sur lui - il peut se trouver un héritier de l'état de Moïse, mais il tient son héritage de la lumière de Mohammed, non de la lumière de Moïse.
Son état procède de Mohammed, tout comme l'état de Moïse procédait de Mohammed. Parfois un saint, à l'approche de la mort, semble prêter attention à Moïse ou à Jésus. Les gens ordinaires et ceux qui ne détiennent pas la connaissance imaginent qu'il est devenu juif ou chrétien, puisqu'il mentionne ces prophètes au moment de mourir, mais [en fait cette allusion] découle de la prise de conscience puissante qui caractérise cette étape. Toutefois le qutb appartient directement au cœur de Mohammed. Et nous avons rencontré des hommes appartenant au cœur de Jésus - parmi lesquels compte le premier cheikh que tu as rencontré - et des hommes appartenant au cœur de Moïse, et d'autres appartenant au cœur d'Abraham, et d'autres [ayant des appartenances similaires]. Et cela demeurera un secret pour tous sauf pour nos amis.

Sache que Mohammed (la paix et la bénédiction soient avec lui) est celui qui a donné à tous les prophètes et les messagers  la position qu'ils occupent dans le Monde des Esprits, jusqu'à ce qu'il soit envoyé dans le corps (18). Nous l'avons suivi, [héritant ainsi sa conduite directe dans le monde temporel]. Les prophètes qui en ont porté témoignage, ou qui descendent après lui (19), se joignent à nous, et les saints des prophètes qui ont précédé [sa naissance physique] reçoivent également [leur héritage spirituel] de Mohammed. Ainsi les saints de Mohammed partagent avec les prophètes une transmission directe qui vient de lui. A cause de cela il est dit dans le hadith : " Ceux de cette communauté qui ont la connaissance sont comme les prophètes d'Israël."
Et Dieu le Très-Haut a dit à notre propos "... afin que vous soyez  les témoins du peuple" (Coran 22: 78); et Il a dit, au sujet des Messagers: " Et en ce jour nous susciterons dans chaque communauté un témoin qui se lèvera d'entre eux et contre eux" (Coran 16: 89).
Aussi sommes-nous, les prophètes et nous, les témoins de leurs successeurs. Aussi, dans la retraite, consacre l'himma à l'héritage entier de Mohammed.

Sache que le sage véritable, longanime et parfait, est celui qui traite chaque condition et chaque moment de la manière appropriée, et ne les mêle pas. C'est l'état de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient avec lui) car il se trouvait à deux portées de flèches ou moins de son Seigneur; et alors il s'éveilla parmi ses gens et en parla à ceux qui étaient présents; les polythéistes ne le crurent pas, car il ne portait aucune trace [de son ascension], et son apparence était la  même que la leur. Ce fut impossible même pour Moïse qui, quand la marque de la [Révélation Divine] lui apparut, se voila la face.

Tout chercheur connaîtra inévitablement l'impact des états, et la fusion des mondes entre eux, mais le développement, à partir de cette étape, vers l'étape de la sagesse Divine apparaissant dans les principes extérieurs habituels est pour lui une obligation. La transcendance de l'ordre habituel deviendra son secret, si bien que les événements qui dépassent l'ordinaire l'accompagneront naturellement. Il ne cessera de dire à chaque souffle : " Seigneur, accrois mon savoir pendant que la sphère céleste se meut grâce à Ton souffle," (20) et doit s'efforcer de faire en sorte que ce moment soit Son souffle. Lorsque l'influence du Moment se manifeste, il la recevra. Qu'il se garde de s'éprendre de [l'influence du Moment], mais qu'il s'en  souvienne, car cela lui sera nécessaire s'il instruit. La plupart des cheikhs se voient retirer le rôle de professeur parce qu'ils ont simplement négligé de se souvenir de ce que nous avons mentionné, et qu'ils s'en abstiennent totalement.

Le Moment (21) s'allonge et se rétrécit selon la présence de celui qui y prend part. Il y a ceux dont le Moment est une heure, un jour, une semaine, un mois ou une année, ou à qui cela n'arrive qu'une fois en toute une vie. Et, [inclus] dans l'humanité, se trouve celui qui ne connaît aucun Moment. Car celui qui tourne son attention vers les souffles tient les heures en son pouvoir, et tout ce qui est au-delà; et celui dont le Moment est la présence des heures perd la notion des souffles; et celui dont le Moment est les jours perd les heures; et celui dont le Moment est les semaines perd les jours; et celui dont le Moment est les années perd les mois; et celui dont le Moment est l'existence perd les années; et quiconque n'a pas de Moment n'a pas d'existence et perd sa vie après la mort. Il ne prolonge pas son himma animale. Et l'élévation personnelle indique l'étroitesse du Moment et la petitesse du savoir.

Celui qui n' a pas de Moment en  est privé seulement pendant la durée de sa maladie, aussi longtemps qu'il est gouverné par sa nature animale. Car il est impossible à la porte du monde invisible et à ses secrets de rester ouverts alors que le cœur les désire ardemment (22). En ce qui concerne la porte de la connaissance contemplative de Dieu, elle ne s'ouvre pas tant que le cœur se tourne vers quoi que ce soit qui appartienne au monde, visible ou invisible.

Et sache à propos de ces choses [qui nous sont] confiées [par Dieu - les devoirs de la Loi sacrée]: si une personne les recherche et les met à exécution, sans viser (himma) à aucune entreprise supérieure, sinon [dans l'espoir d'atteindre] le Paradis - elle est le fidèle, le compagnon de l'eau et la niche de prière. En revanche, si son intention est liée à ce qui est au-delà de l'adoration sans qu'elle y soit préparée, rien ne lui sera révélé et son intention ne lui profitera pas. Au contraire, une semblable personne ressemble à un malade. Ses forces et ses possibilités sont complètement anéanties, et avec elles la volonté, himma, et la capacité d'agir sont sérieusement endommagées. Comment pourrait-elle raisonnablement attendre ce que recherche son himma ? La préparation à la perfection, par l'himma et bien d'autres choses encore, est nécessaire (23).

Et s'il atteint l'essence de la réalité, et que son intention est dissoute - et la réalisation de ce qui se trouve au-delà n'a pas de limite - celui qui est parvenu au but dit : " Cela ne convient qu'ainsi, et ce seulement dans l'intérêt de l'étonnement que suscite le lever des voiles." Car par la connaissance qui émane de la contemplation il vient à se tourner vers ce qui est au-delà de chaque apparence : la Vérité au-delà des apparences. Car Celui qui est apparent, bien qu'Il ne soit qu'un dans Son essence, est infini dans Ses aspects. Ils sont Sa trace en nous (24).

Et pourtant celui qui sait connaît une soif éternelle, le désir et le respect s'attachent à lui à jamais. Et pour que cela se reproduise que les ouvriers œuvres, et pour que cela se reproduise que les prétendants s'affrontent.

Et la bénédiction de Dieu soit avec notre Maître Mohammed, et sur sa famille et ses compagnons; et la paix. Et loué soit Dieu, Seigneur des Mondes.

source: Voyage vers le Maître de la Puissance (Ibn'Arabi)