mercredi 18 juillet 2012

Le prophète et les deux pèlerins-6 Abraham et Saturne au septième ciel - Ibn'Arabi

Septième ciel : Abraham et Saturne

Le " Temple empli de fidèles " et les "trois lumières d'Abraham".

Ayant pris congé de Moïse, ils se remettent en route, l'adepte mohammadien porté sur la "litière de la Divine sollicitude", le théoricien sur la "monture de la réflexion". Alors s'ouvre devant eux le septième ciel qui est en réalité le premier à partir d'ici. L'adepte est reçu par Abraham, l' "Intime de DIEU" - que la paix soit sur lui - et le théoricien est reçu par la planète Saturne.
Cette dernière le fait descendre en un temple obscur, triste séjour de désolation, et lui déclare : " Voici la demeure de ton frère - lui désignant ainsi sa propre âme. Restez-y jusqu'à ce que je revienne vers toi, car je suis au service de cet adepte mohammadien en raison de  celui chez qui il est descendu, lequel n'est autre que l'Intime de DIEU ". Et saturne de se porter vers Abraham qu'elle trouve le dos appuyé contre le " Temple empli de fidèles ". L'adepte est assis entre ses bras tel le fils entre les bras de son père qui lui dit : " Ah le pieux enfant que voici !" Et l'adepte se met à interroger Abraham au sujet des "trois lumières". Il lui répond alors : " Elles constituent mon témoignage contre mon peuple. DIEU me les a données comme gage de sa sollicitude à mon égard. Je n'en ai point parlé dans l'intention de les associer (à DIEU), mais j'en ai fabriqué un filet de chasse avec lequel je rattrape ceux de mon peuple dont la raison s'égare."

Abraham exhorte l'adepte et l'encourage dans sa quête spirituelle.

Abraham lui dit encore : " O adepte, distingue soigneusement les plans de l'être et connais bien les rites de l'initiation spirituelle. Aie de ton Seigneur un discernement infaillible en tout ce qui te regarde personnellement. Ne renonce point à ton propos, car tu n'es pas homme à renoncer en cours de chemin ni à abandonner en vain . Fais en sorte que ton coeur ressemble à ce Temple empli de fidèles, absorbés dans la communion avec DIEU en permanence. Enfin, sache que de toutes les choses qu'il t'est donné de voir, DIEU n' en a fait aucune aussi vaste que le coeur du croyant, et ce vaste coeur, c'est toi".

Saturne
Les lamentations du théoricien.

Aussitôt qu'il entend cette proclamation, le théoricien s'écrie : " Malheur à moi qui ai été négligeant envers DIEU. J'étais parmi les railleurs" (39. 56). Il réalise soudain ce qu'il a laissé échapper en manquant de foi envers ce prophète et en suivant sa propre voie. Alors il s'exclame : " Pauvre de moi ! Si seulement je n'avais pas choisi ma raison en guise de preuve ! Si seulement je n'avais pas poursuivi avec elle la voie de la réflexion (fikr) en guise de but !".

L'information des âmes par les species impressae.

Les deux personnages saisissent donc les biens que les entités spirituelles des mondes supérieurs leur accordent respectivement; ils palpent l'immensité dans laquelle baigne le Plérôme suprême, chacun selon la candeur de son être et selon l'aptitude de son âme à se purifier du plus secret de la Nature. Alors, dans le sillon de leurs âmes viennent s'imprimer les gravures de toutes les réalités comprises dans l'univers. Cependant, l'un comme l'autre ne peut être pleinement informé que de ce qu'il contemple en lui-même, dans le miroir de sa propre essence.
...
Le septième ciel, seuil de l'Au-delà où commence l'escalade des âmes et ses épreuves

A partir de ce ciel commence l'escalade (des âmes vers l'autre Monde), épreuve dont on ne connaît pas les stratagèmes bien camouflés qui sont  insoupçonnables, ni les pièges bien tendus. Là commence l'épreuve du voile, l'éternité des choses immuables, d'une souveraine lenteur. A ce niveau, on réalise la signification de la parole Divine : " La création des cieux et de la terre est plus grande que la création des hommes" (40. 57) - parce que les cieux et la terre occupent le " rang de la paternité" vis-à-vis des humains qui ne pourront jamais les atteindre. DIEU Très-Haut dit encore : " Remercie-Moi et remercie tes parents" (31. 14).

Condition des hommes et des djinns. La création d'Adam et la différenciation des espèces créaturelles.

A partir de ce ciel, on apprend que toutes les créatures d'une espèce autre que celle des hommes et des  djinns sont bienheureuses et n'ont point part au "malheur de l'autre Monde", car parmi les hommes comme parmi les djinns, il y'a des malheureux et des bienheureux. Or, le malheureux déambule dans la cohorte des malheureux jusqu'à un terme fixé - parce que " la Miséricorde précéda la Colère" - tandis que le bienheureux conserve cet état indéfiniment. Parvenu à ce point, on est à même de connaitre la faveur insigne dont bénéficia la " Création de l'homme", et d’apprécier l' "orientation des deux Mains Divines en vue de créer Adam", à l' exclusion de toute autre créature. Et l'on réalise, de ce fait, que les créatures appartiennent à un seul genre, lequel procéda par une voie unique durant l'acte de la Création, sans qu'il en résulte de différenciation des espèces créaturelles, car leur différenciation spécifique vint de l'homme. C'est à partir de lui que la Création fut différenciée. Aussi bien, la création d' Adam diffère-t-elle de la création d' Êve. La création d' Êve diffère de celle de Jésus. La création de Jésus diffère de celle de tous les fils d' Adam. Pourtant tous sont des hommes.

La beauté dans la laideur : stratagème Divin.

A ce niveau céleste, la laideur de son action est rendue belle à l'homme, et il voit celle-ci parée de beauté. Aussi, lorsque ce embellissement se révèle soudain aux yeux de l'adepte, il remercie DIEU Très-Haut pour l'avoir préservé de commettre pareil méfait. Quant au malheureux théoricien, il ne peut trouver de soulagement que dans la contemplation de cette épiphanie qui lui apporte la beauté dans la laideur et c'est là un des "stratagèmes Divin". En ce ciel permanent, immuables, les individualités métaphysiques des formes manifestées se modelant dans la substance déployée sous l'orbe de cette (septième) Sphère jusqu'à la terre.


Le "Patriarcat de l'Islam"; Abraham révèle à l'adepte les vertus du "lait de la gnose".

En ce ciel se reconnaît la " Communauté d' Abraham". C'était vraiment une communauté magnanime qui ignorait le sectarisme confessionnel. Lorsque le théoricien comprend ces vérités chargées de sens et réalise qu'il se trouve devant le " Patriarcat  de l'Islam", il désire se rapprocher de son patriarche, Abraham. Alors Abraham demande à l'adepte "Qui est cet étranger avec toi ?" Il lui répond : " C'est mon frère." " Ton frère de lait ou ton frère par le sang ?"  "C'est mon frère par l'eau". Abraham lui réplique : " Tu dis vrai ! C'est pourquoi je ne le connais point. Toi-même, ne fréquente que celui qui est ton frère de lait, comme moi je suis ton  "père de lait". En vérité, la "Demeure bienheureuse" n’accueille que les hommes qui sont frères de lait, leurs pères et leurs mères. Car ceux-là seuls comptent au regard de DIEU. Ne vis-tu pas la "gnose t'apparaître sous l'aspect du lait", dans l'habitacle de l'Imagination active ? Eh bien, cela est dû à l'allaitement qui fut le tien." Et Abraham de tourner le dos au théoricien, puisque ce dernier avait rompu la filiation le rattachant au Patriarcat d'Abraham.

L'admission de l'adepte dans le Temple des vrais croyants.

Ensuite, Abraham ordonne à l'adepte d'entrer dans le " Temple empli de fidèles ". Il y pénètre donc sans son compagnon qui garde la tête baissée (et reste sur le seuil). Puis il en ressort par la porte qu'il avait empruntée en entrant, au lieu de sortir par la "porte des anges" qui est la seconde porte du sanctuaire. Celle-ci présente une particularité qui est la suivante : celui qui sort (du Temple) par cette porte ne repasse plus par là.


L'adepte prend congé d'Abraham et poursuit son ascension. Le théoricien se voit refuser l'Islam et interdire  d'aller plus loin.

Enfin l'adepte prend congé d'Abraham pour continuer son ascension. Il embrasse son compagnon de voyage, le théoricien qui était demeuré là. Ce dernier s'entend dire : " Arrête-toi ici jusqu'à ce que ton compagnon (l'adepte) revienne, car à partir de ce point tu ne peux plus avancer. C'est ici le terme de la "fumée élémentaire". Et le théoricien de s'écrier : " Je reçois l'Islam et je me range sous l'autorité a laquelle s'est s'est conformé mon compagnon !"
" Ceci, lui répond-on, n'est point le lieu où l'on peut recevoir l'Islam. Quand tu seras retourné à ton point de départ, là d'où tu es venu avec ton compagnon, ce sera le lieu et le moment appropriés. Lorsque tu te seras soumis, que tu auras vraiment cru, lorsque tu auras adhéré à la voie de ceux qui se convertissent à DIEU conformément à l'appel des Envoyés-Prophètes qui proclament DIEU, alors seulement, tu pourras recevoir l'Islam comme l'a reçu ton compagnon." Et le théoricien dut demeurer là. 

Nous allons suivre prochainement la quête de l'adepte jusqu'au Trône Divin
source : l'Alchimie du Bonheur Parfait (Ibn'Arabi)



lundi 9 juillet 2012

Le Prophète initiateur et les deux pèlerins - 5 - (Moïse & Jupiter) - Ibn'Arabi

Sixième ciel : Moïse et Jupiter

La théophanie Divine accordée à Moïse

Puis tous deux repartent en quête du sixième ciel. L'adepte est reçu par Moïse - la paix soit sur lui - avec lequel se trouve son vizir, Jupiter. Le théoricien ne connaît point Moïse, alors Jupiter le prend en charge et lui offre l'hospitalité, tandis que l'adepte fait halte chez Moïse. Ce dernier le gratifie de " douze mille sciences" relevant de la science Divine, autres que les sciences ayant trait aux cycles et aux mégacycles cosmiques dont il était déjà instruit. Et Moïse lui apprend que la "théophanie Divine" se produit en vérité "sous les formes des croyances  auxquelles on est lié", et dans les cas de besoin impérieux. Alors l'adepte se le tient pour dit. Sur ce, Moïse lui remémore "le feu qu'il était allé quérir pour les siens" (coran: 20. 10; 27. 7), et lui fait observer que DIEU ne s'était révélé à lui que dans le feu, car de cela Moïse avait pressant besoin. DIEU ne se rend visible qu'en cas d'indigence radicale. En effet, tout solliciteur souffre d'indigence à l'égard de l'objet qu'il réclame de toute nécessité.

L' irréversibilité des essences et l' ontologie des formes de manifestation .   

En ce ciel, Moïse enseigne à l'adepte comment les formes de manifestation sont évacuées (retirées) de la substance qui s'en dépouille pour revêtir d'autres formes, afin de lui faire comprendre que les individualités concrètes, (qui sont) celles des formes manifestées, ne se modifient point. Car cela entraînerait la modifications des essences métaphysiques. Les facultés de perception, en effet, dépendent des objets qu'elles perçoivent, lesquels objets ont une authenticité dont on ne saurait douter. Celui qui ignore les essences métaphysiques s'imagine que les individualités concrètes (qui procèdent) se modifient, alors qu'il n'en est rien. Par là même, on peut comprendre que la théophanie de l' Être Divin au "Jour de la Résurrection" assume une forme de manifestation telle que les hommes qui y feront face la récuseront (comme mensongère), protestant que DIEU s'en tient à l’écart. Et ils chercheront refuge auprès de LUI contre cette forme théophanique alors que c'est pourtant l' Être Divin, nul autre que LUI - du moins dans leur propre vision - car en vérité DIEU transcende toute  altération et toute modification.
...

Illustration de la "science prodigieuse" : le bâton de Moïse changé en serpent.


Moïse et son bâton
De ce ciel on apprend la "science prodigieuse" que bien peu d'hommes peuvent connaître. D'ailleurs il vaut mieux que la masse n'en ait pas connaissance. Et tel est le sens du propos dans lequel DIEU déclare à Moïse : "Nul ne connaît ce que DIEU veut, excepté Moïse et ceux que DIEU a privilégiés". "Qu'est-ce là dans ta main droite, ô Moïse ? Il répondit : c'est mon bâton" (20. 17, 18). La question porte sur les nécessités premières. Elle ne peut être résolue par l’intéressé (Moïse) qu'à travers une notion confuse, lointaine. Puis, Moïse ayant réalisé qu'il s'agit d'un bâton, dit : " C'est mon bâton sur lequel je m'appuie et avec lequel j'abats du feuillage pour mes moutons; il me sert encore à d'autres usages" (20. 18). Tout cela en tant qu'il s'agit d'un simple bâton ! 
Avez-vous remarqué que Moïse informe DIEU d'une chose qui n'est point connue a parte Dei ? Eh bien, voilà justement une réponse à la "science nécessaire" provoquée par une question concernant un objet familier immédiatement saisi (appréhendé) grâce à son caractère de première nécessité. DIEU  lui dit : " Jette-le ô Moïse !" (20. 19) - c'est-à-dire : ôte-le de ta main, bien que tu aies réalisé qu'il s'agit d'un bâton. " Moïse le jeta, et le voici - c'est à dire le bâton - devenu un serpent qui rampait" (20. 20).

Lorsque DIEU eut subtilisé le bâton - je veux dire la substance qui est celle du bâton -, celui-ci revêtit l'aspect du serpent dont la condition vitale est de ramper, de telle sorte qu'en le voyant ramper, Moïse se rendit compte que c'était un serpent. Et si Moïse n'en avait pas eu peur - puisque l'homme a peur des serpents -, nous aurions pu en conclure que DIEU a donné existence au serpent à travers un simple bâton qui s'est transformé en serpent dès l'instant où il a pris vie, et que, devenu vivant, il s'est mis à ramper sur le ventre, puisque assurément, une telle reptation n'est point le fait d'un homme. Au vrai, la forme du bâton, pour ce qui est de l'apparence extérieure, ressemble exactement à la forme des serpents. Aussi, lorsque Moïse en eut peur à cause de son apparence, DIEU lui dit : "Saisis-le et n'aies pas peur..." - c'était la crainte devant l'imprévu, puisque la chose était vraiment imprévisible. Et DIEU ajouta : " Nous allons le - pronom qui se rapporte au bâton - ramener à son premier état" (20. 21).  

L' identité foncière de la substance et la substitution des formes.

Par conséquent, les substances primitives des choses se typifient et se modalisent par le truchement des formes et accidents de la manifestation, tandis que la substance reste une et identique. C'est-à-dire, en l'occurrence, qu'elle retourne à l'état de bâton, telle qu'elle était en son essence et telle que ton oeil la percevait. De même pour le serpent qui était serpent en son essence et que ton oeil percevait comme tel, afin que Moïse sache bien : Qui voit ? Qu'est-ce qui est vu ? Et par qui cela est vu ? C'est donc un avertissement Divin à l'intention de Moïse et à notre intention, celui qu'exprima pareillement 'Alîm al-Aswad, à savoir que : "les individualités concrètes (des choses) ne se modifient point". Le bâton n'est pas un serpent, ni le serpent un bâton. Simplement la substance assume la forme du bâton avant d'assumer celle du serpent, car ce sont là des formes que DIEU - le Tout-Puissant, le Créateur - enlève à la substance primitive quand il Lui plaît pour y substituer d'autres formes.

"Les transmutations sont une absurdité"; l'alchimie de la vision et le rôle de la faculté "imaginale".
Jupiter

Si tu es perspicace, te voilà désormais initié à la science concernant "les formes des existants que tu vois". Tu conviendras que cette science est de première nécessité, puisque tu ne saurais t'en passer en la dédaignant. Il t'apparaît évident que "Les transmutations sont une absurdité".
C'est DIEU qui scrute du regard à travers quelques-uns de ses serviteurs, en vertu de quoi ils perçoivent le bâton comme étant un serpent, alors même que c'est un bâton. C'est un acte de perception Divine qui chez nous autres, est "imaginale". Il en va pareillement de tous les existants (que l'on voit). Regarde donc ! Sans la faculté des sens, tu ne dirais pas : ceci est une pierre inerte, insensible, incapable de parler, dépourvue de vie. Tu ne dirais pas : voici un végétal, voilà un animal doué de sensation et de perception, voilà un homme doué de raison. Car tout cela, c'est ton regard qui te l'apprend.


Suppose que vienne un autre individu et qu'il se mette à observer avec toi. Celui-ci voit et entend les salutations que lui adressent les pierres, les végétaux, les animaux. Les deux expériences sont vraies cependant, et la faculté dont tu uses pour nier ce que prétend l'autre est la même faculté dont il se sert lui. Chacun des deux s'appuie sur une preuve identique, pourtant leur jugement est différent. Par DIEU ! Le bâton de Moïse aurait toujours été un serpent sans cesser d'être un bâton, tout cela simultanément dans le même objet ? En fait, la vision de chacun des deux hommes ne peut enregistrer ce qu'est l'objet en soi. Nous l'avons déjà constaté et nous avons réalisé ainsi en quoi consiste la vision d'une individualité concrète. C'est la vision de l'un et de l'autre à partir d'une essence unique, immanence à la première manifestation et à aucune autre, immanence à la seconde manifestation et à aucune autre.

L'alternance des rapports d'identité.

Dis alors : DIEU ! Dis : le monde ! Dis : c'est moi ! C'est toi ! C'est lui ! C'est tout cela ensemble dans le domaine des pronoms personnels. Cela continue indéfiniment, sans interruption. Zayd s’écrie au fond de toi même : c'est lui ! Et c'est Omar ! Et lui dit de toi-même : c'est toi ! Toi tu dis de toi-même : c'est moi ! Je suis donc identique à toi (l'oeil de lui même); et cependant ce n'est point moi qui m'identifie à toi, ni à lui. De sorte que les rapports d'identité alternent, indéfiniment. Ce sont là des mers débordantes, sans fond ni rivage. La sublimité de mon Seigneur est enfouie dans ces "paillettes d'or", et si vous parvenez à connaître ce que j'ai compris, vous goûterez la délectation de l'éternité, vous éprouverez la crainte qui ne laisse aucune trêve à personne. L'effondrement de la montagne était la preuve même de sa fermeté, et le fait que Moïse ait repris conscience est la preuve qu'il s'était évanoui (coran 7. 143).

Recommandation à l'adepte; instruction du théoricien par Jupiter.

(distique) Contemple sa Face en toute occasion et ne prétends  pas en instruire quiconque.
O toi, l' "adepte mohammadien", ne méconnais point ce que j'enseigne et ne cesse jamais de Le contempler en toute forme que tu perçois, car en vérité le voile théophanique est suprêmement révélateur ! Enfin Jupiter prend l'adepte par la main et se porte avec lui au-devant du théoricien. A ce dernier elle révèle la portion de science qui dépend d'elle et que l'adepte a obtenu de la science de Moïse; du moins le lot de science relatif aux influx des sphères célestes agissant au sein des êtres constitués de la nature élémentaire. Cela et rien d'autre.

à suivre prochainement : Abraham et Saturne au septième ciel
source : l'Alchimie du bonheur parfait - Ibn'Arabi

mercredi 4 juillet 2012

Le Prophète initiateur et les deux pèlerins 4 - Ibn'Arabi

Quatrième ciel : Idriss et le Soleil

Les secrets du nychtémère cosmique, les bouleversements du coeur, l'union du jour et de la nuit.

... Lorsqu'ils y pénètrent, l'adepte est reçu par Idriss - la paix soit sur lui - et le théoricien est reçu par l'astre du Soleil. Au théoricien il arrive le même phénomène qui s'était déjà produit auparavant, de sorte que celui-ci s'attriste encore davantage. Dès que l'adepte a fait halte en présence d'Idriss, il apprend l'origine des bouleversements que subissent les choses Divines. Il découvre la signification de la parole du Prophète déclarant : "Le coeur est entre deux doigts du Miséricordieux", et la cause de ce que ces deux doigts bouleversent le coeur de fond en comble. Il contemple dans ce ciel la "nuit venant recouvrir le jour, et le jour recouvrant la nuit" (cf. 7. 53 et 13. 3); il voit comment chacun des deux est tour à tour mâle et femelle à l'égard de son alter ego, et il discerne le mystère de leur union mutuelle et de leur conjonction; il voit quels êtres sont engendrés par l'union du jour et de la nuit, et il constate la différence entre les enfants de la nuit et les enfants du jour. En effet, chacun des deux (le jour comme la nuit) est un "père" à l'égard de l'enfant qu'il engendre dans le sein de son conjoint, et il est une "mère" à l'égard de l'enfant qu'il engendre dans son propre sein.

Soleil

Les permutations des Noms Divins "al-Zâhir" et "al-Bâtin"

L'adepte obtient de ce ciel la connaissance du monde visible et du  monde invisible, la connaissance de l'occultation et de la manifestation, la connaissance de la Vie et de la Mort, du revêtement et du dénuement, de la dilection Divine et de la Miséricorde. Enfin, il appréhende sous l' "aspect Divin particulier" le Nom " Al-ZAHIR " (" Le Manifesté ") dans les formes épiphaniques cachées au regard, et le Nom " AL-BATIN " (" Le Caché ") dans les formes épiphaniques visibles, compte tenu de leur prédisposition ( à occulter l'apparent et à manifester le caché). Si bien que les Noms Divins permutent et se modalisent indéfiniment par rapport à la manifestation, en fonction de la diversité des organes qui les contemplent.

Cinquième ciel : AARON ET MARS

Aaron reçoit l'adepte avec bienveillance dans le ciel de la crainte, de la violence et du courroux.

Puis les deux pèlerins repartent en quête du cinquième ciel. L'adepte fait halte chez Aaron - la paix soit lui - et le théoricien fait halte chez Mars. La planète Mars s'excuse auprès de son compagnon et visiteur d'avoir à le faire attendre pendant qu'elle sera occupée au service d' Aaron à cause de son hôte. Arrivée chez Aaron, elle trouve près de lui son hôte (l'adepte) à qui le prophète réserve un gracieux accueil. Mars s'en étonne et en demande la raison à Aaron qui lui dit : "Voici le Ciel de la crainte, de la peur, de la violence et du courroux. Ce sont là des attributs qui inspirent l'effroi, or voici un visiteur (l'adepte) venu jusqu'ici en suivant fidèlement l'Envoyé. Il convient donc de le traiter avec égard. Cet homme est venu demander une science et réclamer une autorité Divine qu'il puisse invoquer contre les mauvaises pensées qui l'assaillent, par crainte de " celui qui outrepasse les bornes" que son Maître lui a tracées (cf. 65.1). Alors moi (Aaron), je lui en dévoile la nature exacte et je l’accueille avec bienveillance pour qu'il obtienne ce qu'il réclame en gardant l'âme sereine, pénétrée d'un Esprit-Saint".


Mission de Moïse et Aaron auprès de Pharaon.

(Ayant ainsi répondu à Mars,) Aaron se retourne ensuite vers son hôte l'adepte et lui déclare : "Voici le  Ciel du Khalifa de l'espèce humaine", et le jugement de son Imâm (ou chef) s'est dégradé, alors que c'était à l'origine la plus solide des fondations. Aussi nous fut-il ordonné de faire montre de douceur envers les tyrans oppresseurs (de l'humanité). Alors, à nous autres prophètes, il fut déclaré : "Adressez-lui (à pharaon) tous deux (Moïse et Aaron) une parole de douceur" (20. 44). DIEU, certes, n'ordonne de tenir un discours d'apaisement qu'à celui dont la puissance dépasse celle de l'homme vers qui Il l'envoie et dont la force est autrement redoutable.

La " nature cachée " de Pharaon et sa conversion au DIEU d'Israël.

Cependant, lorsque DIEU remarqua que "sur le coeur de tout homme s'était imprimé un vestige épiphanique de la tyrannie et de l'orgueil" (cf. 40. 35), et que pharaon était au fond de son âme le plus pitoyable des humbles, Il ordonna à Moïse et à Aaron de le manœuvré  par la miséricorde et la douceur, en accord avec sa "nature cachée" afin de confondre la tyrannie et l'orgueil qu'il étalait au dehors. "peut-être se rappellera-t-il ou éprouvera-t-il de la crainte ?" (20. 44). Venant de DIEU, "peut-être" et "il se peut" sont des obligations impérieuses. En sorte que, grâce à la leçon de douceur et de modération qu'il avait reçue de Moïse et d'Aaron, Pharaon se rappela ce qui était confiné dans son for intérieur, pour que chez lui la nature cachée et l'apparence extérieure deviennent enfin semblables. Dès lors, le levain ne cessa plus de fermenter dans la nature cachée de Pharaon en même temps que l'Espérance en DIEU qui hâte la rencontre de Celui que l'on espère. Et ce bon levain lui imposa sa loi jusqu'à ce que cesse son désespoir lorsque, se voyant sur le point d'être "englouti" entre ses propres ambitions et lui-même, Pharaon fit appel à cette humilité et cette détresse qu'il dissimulait en son for intérieur, afin que les croyants réalisent la soudaine montée de l'Espérance en DIEU. Alors, il s'écria : " Je crois en Celui en qui croient les enfants d'Israël et je suis au nombre des moslim" (10. 90).

DIEU dit à Pharaon : " Aujourd'hui, Nous te sauvons..."




A ce moment précis, Pharaon révéla vraiment sa "nature cachée" et quelle connaissance authentique de DIEU recelait son coeur, ce qui lui fit proclamer : "(Je crois) en Celui en qui croient les enfants d'Israël", afin de supprimer toute équivoque. De même, quand ils crurent, les magiciens (de Pharaon) s'écrièrent : "Nous croyons au Seigneur des mondes, le Seigneur de Moïse et d'Aaron" (20. 70) - c'est-à-dire : (nous croyons) en Celui qu'ils invoquent. Ils s'exprimèrent ainsi pour dissiper le doute et supprimer toute équivoque. Quant à la proclamation : "Je suis au nombre des moslim", Pharaon l'adressa à DIEU Très Haut pour que DIEU sache qu'il l'avait entendu et qu'il l'avait vu. DIEU, en retour, se fit entendre à Pharaon et lui lança ces paroles de reproche : " Maintenant" - enfin tu manifestes ouvertement ce que tu savais (en ton coeur) - "alors qu'auparavant tu étais rebelle et tu étais au nombre des corrupteurs" (90. 91), en suivant ta propre voie. DIEU ne lui dit pas : tu es au nombre des corrupteurs (mais "tu étais"). C'est donc  une parole de bon augure par laquelle DIEU  nous fait savoir que nous devons espérer sa Miséricorde, en dépit de nos excès et de nos crimes. DIEU dit ensuite : " Aujourd'hui nous te sauvons..." - annonçant cette bonne nouvelle à Pharaon avant de s'emparer de son esprit - "avec ton corps, afin que tu sois un signe pour ceux qui te succéderont" (10. 92), ce qui veut dire : afin que le salut constitue un signe avertisseur pour ceux qui viendront après toi. Eh bien si DIEU a dit ce que je viens de rapporter, il en va du salut de Pharaon comme de ton propre salut !

Dans ce verset (10. 92), il n'est point dit que le malheur de l'autre monde soit inéluctable, ni que la foi de Pharaon ne fut pas agréé. Nullement ! Dans ce verset il est montré que le "malheur de ce monde-ci" ne peut être évité par ceux qui y descendent lorsqu'ils croient à l'instant même où ils en ont la vision, "excepté le peuple de Jonas" (cf.10. 98). D'où la parole Divine : " Aujourd’hui nous te sauvons avec ton corps...", parce que le châtiment infligé ne se rapporte qu'à ton "apparence extérieure".

Que personne ne désespère de la Miséricorde de DIEU.

Par là même, tu as signifié à ta créature qu'elle était sauvée du châtiment, car le commencement de la noyade était un châtiment et la mort qu'elle entraîna constitue un témoignage irrécusable et véridique devant lequel toute rébellion humaine est impuissante. Cette mort emporta Pharaon en s'emparant de sa "meilleure oeuvre" qui fut la proclamation de sa foi. Tout cela afin " que personne ne désespère de la Miséricorde de DIEU ". Car les oeuvres se jugent d'après leurs sceaux ultimes, et la foi en DIEU tourmenta sans répit la " nature cachée " de Pharaon, si bien que la Divine empreinte essentielle (de la foi scellée dans la mort) fut apposée comme un sceau sur la créature, s'interposant entre l’orgueil et les bonnes grâces humaines, pour que jamais ne s'y immisce le sombre orgueil.

Le coeur, réceptacle de la foi comme de l'aversion.


Quant au verset où DIEU dit : " Leur foi ne les secourut pas lorsqu'ils virent notre châtiment..." (40.85), c'est un propos décisif apportant toute la lumière souhaitable. Car le secours, c'est DIEU en effet, et qui donc les secourut sinon DIEU ? Il est encore ajouté : " C'est la sunna de DIEU qui naguère fut implantée au sein de ses serviteurs" (40. 85) - ce qui signifie que la foi est fonction de la vision d'un châtiment exceptionnel. Il est dit également : " Devant DIEU se prosternent ceux qui sont dans les cieux et sur la terre, bon gré, mal gré" (13. 15). La finalité d'une telle foi, c'est qu'elle devienne une "aversion" que DIEU - louange à LUI - s'est Lui-même donnée en attribut. Le réceptacle de l'aversion, c'est le coeur. Le réceptacle de la foi, c'est encore le coeur !
...
Aaron recommande à l'adepte d'agir avec douceur envers les choses. La colère de Moïse jetant les tables de la Loi et son repentir.


Moïse brise les tables de Loi
Considère bien, ô ami, l'effet obtenu par le "sermon de la douceur" et comme il porte ses fruits. Par conséquent, mon cher adepte, " tu dois agir avec douceur envers les choses ", car en vérité les âmes récalcitrantes se laissent mener docilement par l'inclination fâcheuse qui les entraîne. Puis Aaron recommande à l'adepte de traiter son compagnon le théoricien avec bonté. La raison pour laquelle Aaron lui fait cette recommandation, c'est que lui-même avait reçu cette leçon dont il avait fait l'expérience personnellement, lorsque Moïse " l'attrapa par les cheveux en l'attirant à lui" (7. 150). D'être saisi par la barbe et par le toupet de son front, Aaron se sentit profondément humilié. Alors il implora Moïse par le nom de ses parents et s'écria : "O fils de ma mère, ne m'attrape ni par la barbe ni par les cheveux et ne réjouis point les ennemis à mes dépens" (7. 150) - lorsque Moïse reparut devant lui rempli de violence. Et comme Aaron était l'humilité faite créature, d'avoir à subir une telle humiliation - bien qu'il fût innocent - son humiliation en fut redoublée, car il dut implorer la clémence de son frère. Telle est la raison de son injonction à cet adepte.

Or, si Moïse n'avait pas "jeté les Tables de la Loi", il n'aurait point saisi son frère par les cheveux (cf. 7. 150), car "sur leur copie étaient inscrite la Direction juste et la Miséricorde" (cf. 7. 154), comme un rappel à l'intention de Moïse. Il aurait alors traité son frère avec miséricorde et le litige qui l'opposait à son peuple lui serait apparu en toute clarté grâce à la direction (inscrite sur les Tables de la Loi).  " Et quand la colère de Moïse se fut apaisée, il reprit les Tables de la Loi" (7. 154). Alors, de tout ce qui y était écrit, son regard tomba exclusivement sur la Direction juste et la Miséricorde, aussi s'écria-t-il : " Seigneur, pardonne-moi ainsi qu'à mon frère et fais-nous entrer en Ta Miséricorde. Tu es le plus Miséricordieux de ceux qui font miséricorde " (7. 151).

Les holocaustes prescrits à Mars.

Ensuite, Aaron ordonne à Mars de placer les effusions de sang que réclame son ciel dans les holocaustes et les sacrifices de victimes animales, afin que les animaux soient ainsi rattachés au rang des hommes, puisque seul le rang humain détient la Perfection en ayant assumé le " Dépôt de la Foi ".
Après quoi, Mars s'en retourne de chez Aaron avec la quote-part (de sciences) dévolue à son hôte, le théoricien. Elle prend alors son compagnon (le théoricien) par la main et lui enseigne les doctrines relatives aux cycles cosmiques qu'elle est en mesure de lui communiquer, compte tenu de ce qu'implique sa propre condition. Cela exclusivement et rien d'autre.

à suivre... (nous parlerons de Moïse et Jupiter au sixième ciel)
extrait de l'Alchimie du Bonheur Parfait - Mohyiddin Ibn'Arabi






dimanche 1 juillet 2012

Le prophète initiateur et les deux pèlerins 3 Ibn Arabi

La " Science des lettres " et le mystère du Verbe existentiateur : KN !

... Pendant ce temps, l'adepte se tient auprès des "fils de la tante", selon le bon plaisir de DIEU. Tous deux se chargent de l'éclairer quant à l'authenticité de la mission prophétique du Maître " Envoyé de DIEU ", en lui démontrant la nature incomparable du Coran, puisque de son rang sublime jaillissent le Prône Divin et les sentences bien mesurées, que de sa magnificence s'écoulent les bonnes paroles, que toutes choses s'y interpénètrent et qu'il exprime " l'Unique Concept métaphysique" à travers les multiples formes de la manifestation.
L'adepte obtient encore la faculté de discerner le niveau où survient la rupture des lois ordinaires. De cette demeure, il apprend la "science de la haute  magie", science fondé sur la mise en action des "lettres" et des "verbes", non pas sur le recours aux fumigations d'encens, aux sacrifices sanglants et autres offrandes de ce genre. Il apprend la vertu éminente des paroles sacrées et ce que sont les "Synthèses des Verbes". Il perçoit ce q'est l'essence métaphysique de KN ! (Sois !) dont l'individuation concrète procède du Logos de l'Impératif Divin, certes pas la parole du passé, ni du futur, ni de la circonstance. Et voici qu'il discerne l'épiphanie des deux lettres (Kâf et Nûn) dont est formé ce verbe (KN !), pourtant composé de trois lettres. Et il réalise pourquoi en est oblitérée la troisième, celle du milieu qui se trouve placée dans la position intermédiaire entre la lettre Kâf et la lettre Nûn, à savoir la lettre Waw dont l'essence est toute spirituelle. C'est elle qui donne au monde l'influx générateur de la constitution créaturelle, alors même que son essence déjà s'en est retirée.

Les miracles de Jésus.

Ainsi l'adepte apprend de ce ciel le " Mystère de la Genèse " et le fait que Jésus ressuscite les morts, qu'il produit la forme de l'oiseau, puis souffle dans cette forme si bien que, devenu oiseau, il s'envole (cf. 3.49; 50. 110). Est-ce donc "avec la permission de DIEU ?) (3. 49). Ou bien est-ce parce que Jésus  a façonné la création de l'oiseau et a soufflé dedans ? C'est "avec la permission de DIEU !". De plus, à quel verbe d'entre les verbes prononcés in concreto se rapporte sa parole : " avec ma permission" (coran 5. 110), et "avec la permission de DIEU" (3. 49) ? L'agent de l'opération, est-ce (le verbe) " yakûn" (il devient) ? Ou est-ce (le verbe) "tanfukhu" (tu souffles) ? Pour les hommes de DIEU, l'agent est "yakûn" (3. 49), alors que pour les affirmateurs des causes et pour les maîtres des états mystiques, l'agent est " tanfukhu " (5. 110). Eh bien, celui qui pénètre en ce ciel et va se co-associer à Jésus et à Jean-Baptiste, il sait cela de source certaine. Mais cela échappe fatalement au théoricien, je veux dire que savourer une telle gnose est hors de sa portée.


Jésus " Maître de l'Alchimie ".

Jésus est l' "Esprit de DIEU " (Rûh Allah) et Jean-Baptiste détient la "Vie". Or, de même que l' " Esprit" et la "Vie" sont indissociables, de même ces deux prophètes, Jésus et Jean-Baptiste, sont inséparables, étant donné que tous deux supportent ensemble la charge de ce mystère. Car en vérité, Jésus détient les deux voies de la Science alchimique. ( La première voie est) celle de "la production" qui consiste pour Jésus dans l'acte de créer l'oiseau d'argile et dans l'acte de souffler. La forme de l'oiseau fut produite par ses deux mains, et son envol par la vertu du souffle qui est l'âme. Telle est la "voie de l'oeuvre démiurgique" dans la Science de l'Alchimie, et que l'on a exposé au début du traité. Quant à la seconde voie, elle consiste à "supprimer les maux". C'est alors Jésus guérissant l'aveugle et le lépreux de la cécité et de la lèpre qui constituent les maux dont ils ont été frappés dans le sein maternel et qui sont parmi les impondérables du processus de la génération. Partant de là, cet adepte peut acquérir la " Science de la proportion et de la balance naturelle et spirituelle", puisque Jésus réunit les deux en sa personne.  

L'inspiration prophétique émanant du deuxième ciel.

A partir de ce ciel, l'âme de l'adepte obtient la "vie cognitive" par laquelle sont revivifiés les coeurs, comme il est dit : "celui qui était mort, nous le ramenons à la vie" (6. 122). C'est une demeure céleste qui tient rassemblées en son sein toutes espèces de choses, et en elle se tient l'ange préposé à la garde de l'embryon durant le sixième mois. C'est encore de cette demeure céleste qu'émane la souveraine inspiration accordée aux scribes et orateurs de DIEU, non pas aux poètes. Et comme il appartenait au prophète Mohammed d'accomplir les "synthèses des Verbes", c'est du haut de cette demeure céleste qu'il fut interpellé et qu'on lui énonça (ce verset) : " Nous ne lui avons point enseigné la poésie" (36. 69). Car Mohammed a été envoyé pour dégager le sens explicite, tandis que la poésie vient du sentiment. Sa teneur est la somme, non l'analyse. C'est donc le contraire de la pleine clarté. 

Sur la génération spontanée de certaines créatures produites par la magie Divine.

De là encore, on peut connaître l'origine des bouleversements que subissent les choses. De là effusent les états mystiques qui sont conférés à leurs destinataires. Chaque fois que dans le monde élémentaire surgissent les "enchantements de Noms Divins", ils proviennent de ce ciel. Quant aux "phylactères", c'est d'une autre demeure céleste qu'ils proviennent. Mais lorsqu'ils reçoivent l'existence, leurs esprits procèdent bien de ce ciel, non pas leurs formes spécifiques qui sont les supports de leurs esprits.
Aussi, lorsqu'on est capable de maîtriser la science de telles créatures et de leur communiquer très rapidement la vie - alors que normalement leur condition est de ne la recevoir qu'à travers un laps de temps considérable - ce pouvoir vient de la " Science de Jésus", et non de l'ordre qui a été révélé en cette sphère céleste ou dans la course de son astre (Mercure).
Et cela relève de l' "aspect Divin particulier" qui est étranger à la voie ordinaire (de la génération) propre à la science naturelle, laquelle nécessite un processus temporel relatif dépendant en fait du "processus ontologique particulier"...

L'adepte étant instruit, Mercure retourne s'occuper du théoricien. 

Une fois que l'adepte a effectivement obtenu ces connaissances, Mercure s'en retourne vers son hôte (le théoricien). Et reportant son attention sur celui-ci, elle lui octroie en tenant compte de sa capacité, la science inscrite dans son parcours céleste, et par laquelle elle gouverne les corps qui lui sont subordonnés dans le monde élémentaire; mais pour ce qui est (de la science) des esprits, elle ne lui communique rien. Cela terminé, le visiteur de Mercure lui demande son congé et il s'avance vers son compagnon l'adepte, puis tous deux repartent en quête du troisième ciel. Le théoricien est alors entre les mains de l'adepte comme l'est le serviteur entre celles de son maître. Et le voilà bien forcé de reconnaître son pouvoir, d'admettre la haute lignée de son Instructeur et d'apprécier la sollicitude que ce Personnage lui avait témoignée en lui offrant de devenir son disciple.

Troisième ciel : Joseph et Vénus

Les pouvoirs et les dons spirituels du prophète Joseph

Lorsque les deux pèlerins frappent au troisième ciel, il s'ouvre et tous deux y accède. L'adepte est reçu par Joseph - la paix soit sur lui, et le théoricien est reçu par la planète Vénus. Cette dernière l'installe, puis lui tient le même discours que lui avaient adressé les planètes précédentes employées au service des prophètes. Et cela fait qu'il s'attriste encore davantage, cependant que la planète Venus se porte vers Joseph près duquel se tient l'adepte, son hôte (en ce ciel). Le prophète communique à celui-ci le lot de sciences dont DIEU l'a personnellement investi, sciences se rapportant aux formes de la typification spirituelle et de l'imagination active, car Joseph était passé maître dans l'art d'interpréter les rêves. DIEU déposa entre ses mains "la terre qu'Il créa du surplus de l'argile d'Adam". Il lui présenta le jardin du Paradis; il lui soumit les "corps des esprits lumineux et ignés" ainsi que des "entités métaphysiques supra célestes".

De toutes ces choses, DIEU révéla à Joseph les balances exactes, les proportions et les relations. Il lui fit voir les " années sous les apparences des vaches", lui montrant les années fécondes dans les "vaches grasses" et les années stériles dans les "vaches maigres". Il lui fit voir la "gnose" sous l'apparence du "lait" et la constance dans la religion sous l'aspect des entraves de la prison. DIEU ne cessa de l'instruire sur le principe de la corporisation des idées et relations métaphysiques sous l'apparence du monde sensible et des organes de la perception. Il révéla à Joseph le sens de l'herméneutique concernant tout cela, car en vérité ce ciel est celui où les formes spirituelles reçoivent leur conformation achevée et leur agencement harmonieux.

Le parfait ouvrage de l'être et l'harmonieuse constitution du corps humain.

De ce ciel émane l'assistance qui inspire les poètes, révèle la métrique et donne la maîtrise de l'art poétique. En émanent encore les "formes géométriques" configuratives des corps physiques, formes-types dont la représentation à l’intérieur de l'âme relève du ciel qui surplombe celui-ci. De ce (troisième) ciel, on apprend ce que signifie le parfait ouvrage et la rigoureuse ordonnance. L'on apprend à discerner la beauté vertueuse aux traits tout imprégnés de la Sagesse, ainsi que la beauté séditieuse accordée à une complexion spécifique. En ce ciel se tient le cinquième "Substitut (Divin)" qui préside à l'élaboration de la goutte de sperme dans la matrice durant le cinquième mois.



De l'ordre que DIEU révéla en ce ciel résulte la distribution des (quatre) arcanes élémentaires situés sous la concavité de l'orbe de la lune. Le Très-Haut plaça l'arcane de l'air entre le feu et l'eau. Il plaça l'arcane de l'eau entre l'air et la terre. S'il n'y avait eu cette sage répartition apte à déclencher le processus de transformation des éléments, si de ces éléments n'avaient point procédé les génitures terrestres qui en sont issues, et qu'au sein de celles-ci n'étaient point apparues de transformations, comment alors la "goutte de sperme" eût-elle été concevable, alors que durant la spermatogenèse elle se transforme en chair, en sang, en os, en veines, en nerfs ? C'est encore à partir de ce ciel que DIEU a reparti dans la constitution du corps humain les quatre humeurs selon le meilleur agencement et le plus admirable ouvrage. Puis il a préposé comme auxiliaire de la perception de l' "âme gouvernante" la bile jaune, après laquelle vient le sang, et après le sang le phlegme, et après le phlegme la bile noire qui est la teinture de la mort. Sans cette ingénieuse répartition des humeurs (dans la complexion humaine), comment le médecin obtiendrait-il le concours de la nature, lorsqu'il veut éliminer les maux dont souffre le corps, ou lorsqu'il désire le conserver en bonne santé ?

Les deux "causes" et les deux "piliers".

De ce ciel surgissent les quatre fondements sur lesquels repose le siège de la conscience, de même que le corps physique repose sur les quatre humeurs. Il s'agit des deux causes et des deux piliers : la cause du lourd et celle du léger, le pilier de la séparation et celui de la réunion. Le pilier de la séparation entraîne la dissolution (composé humain), celui de la réunion entraîne sa constitution. La cause du léger donne le Pneuma, celle du lourd donne le corps matériel. De cette somme est fait l'homme. Alors, examine attentivement ce qui a mené à bonne fin l'existence de ce monde, macrocosme et microcosme.
Lorsque les deux personnages ont fini d'assimiler ces connaissances, et que l'adepte a obtenu en plus du théoricien le surcroît de la Science Divine qui lui est conféré de par l' "aspect particulier", comme cela s'était déjà produit dans chacun des cieux précédents, alors tous deux repartent en quête du " Ciel médian" qui est le coeur de tous les cieux.
à suivre...