dimanche 1 juillet 2012

Le prophète initiateur et les deux pèlerins 3 Ibn Arabi

La " Science des lettres " et le mystère du Verbe existentiateur : KN !

... Pendant ce temps, l'adepte se tient auprès des "fils de la tante", selon le bon plaisir de DIEU. Tous deux se chargent de l'éclairer quant à l'authenticité de la mission prophétique du Maître " Envoyé de DIEU ", en lui démontrant la nature incomparable du Coran, puisque de son rang sublime jaillissent le Prône Divin et les sentences bien mesurées, que de sa magnificence s'écoulent les bonnes paroles, que toutes choses s'y interpénètrent et qu'il exprime " l'Unique Concept métaphysique" à travers les multiples formes de la manifestation.
L'adepte obtient encore la faculté de discerner le niveau où survient la rupture des lois ordinaires. De cette demeure, il apprend la "science de la haute  magie", science fondé sur la mise en action des "lettres" et des "verbes", non pas sur le recours aux fumigations d'encens, aux sacrifices sanglants et autres offrandes de ce genre. Il apprend la vertu éminente des paroles sacrées et ce que sont les "Synthèses des Verbes". Il perçoit ce q'est l'essence métaphysique de KN ! (Sois !) dont l'individuation concrète procède du Logos de l'Impératif Divin, certes pas la parole du passé, ni du futur, ni de la circonstance. Et voici qu'il discerne l'épiphanie des deux lettres (Kâf et Nûn) dont est formé ce verbe (KN !), pourtant composé de trois lettres. Et il réalise pourquoi en est oblitérée la troisième, celle du milieu qui se trouve placée dans la position intermédiaire entre la lettre Kâf et la lettre Nûn, à savoir la lettre Waw dont l'essence est toute spirituelle. C'est elle qui donne au monde l'influx générateur de la constitution créaturelle, alors même que son essence déjà s'en est retirée.

Les miracles de Jésus.

Ainsi l'adepte apprend de ce ciel le " Mystère de la Genèse " et le fait que Jésus ressuscite les morts, qu'il produit la forme de l'oiseau, puis souffle dans cette forme si bien que, devenu oiseau, il s'envole (cf. 3.49; 50. 110). Est-ce donc "avec la permission de DIEU ?) (3. 49). Ou bien est-ce parce que Jésus  a façonné la création de l'oiseau et a soufflé dedans ? C'est "avec la permission de DIEU !". De plus, à quel verbe d'entre les verbes prononcés in concreto se rapporte sa parole : " avec ma permission" (coran 5. 110), et "avec la permission de DIEU" (3. 49) ? L'agent de l'opération, est-ce (le verbe) " yakûn" (il devient) ? Ou est-ce (le verbe) "tanfukhu" (tu souffles) ? Pour les hommes de DIEU, l'agent est "yakûn" (3. 49), alors que pour les affirmateurs des causes et pour les maîtres des états mystiques, l'agent est " tanfukhu " (5. 110). Eh bien, celui qui pénètre en ce ciel et va se co-associer à Jésus et à Jean-Baptiste, il sait cela de source certaine. Mais cela échappe fatalement au théoricien, je veux dire que savourer une telle gnose est hors de sa portée.


Jésus " Maître de l'Alchimie ".

Jésus est l' "Esprit de DIEU " (Rûh Allah) et Jean-Baptiste détient la "Vie". Or, de même que l' " Esprit" et la "Vie" sont indissociables, de même ces deux prophètes, Jésus et Jean-Baptiste, sont inséparables, étant donné que tous deux supportent ensemble la charge de ce mystère. Car en vérité, Jésus détient les deux voies de la Science alchimique. ( La première voie est) celle de "la production" qui consiste pour Jésus dans l'acte de créer l'oiseau d'argile et dans l'acte de souffler. La forme de l'oiseau fut produite par ses deux mains, et son envol par la vertu du souffle qui est l'âme. Telle est la "voie de l'oeuvre démiurgique" dans la Science de l'Alchimie, et que l'on a exposé au début du traité. Quant à la seconde voie, elle consiste à "supprimer les maux". C'est alors Jésus guérissant l'aveugle et le lépreux de la cécité et de la lèpre qui constituent les maux dont ils ont été frappés dans le sein maternel et qui sont parmi les impondérables du processus de la génération. Partant de là, cet adepte peut acquérir la " Science de la proportion et de la balance naturelle et spirituelle", puisque Jésus réunit les deux en sa personne.  

L'inspiration prophétique émanant du deuxième ciel.

A partir de ce ciel, l'âme de l'adepte obtient la "vie cognitive" par laquelle sont revivifiés les coeurs, comme il est dit : "celui qui était mort, nous le ramenons à la vie" (6. 122). C'est une demeure céleste qui tient rassemblées en son sein toutes espèces de choses, et en elle se tient l'ange préposé à la garde de l'embryon durant le sixième mois. C'est encore de cette demeure céleste qu'émane la souveraine inspiration accordée aux scribes et orateurs de DIEU, non pas aux poètes. Et comme il appartenait au prophète Mohammed d'accomplir les "synthèses des Verbes", c'est du haut de cette demeure céleste qu'il fut interpellé et qu'on lui énonça (ce verset) : " Nous ne lui avons point enseigné la poésie" (36. 69). Car Mohammed a été envoyé pour dégager le sens explicite, tandis que la poésie vient du sentiment. Sa teneur est la somme, non l'analyse. C'est donc le contraire de la pleine clarté. 

Sur la génération spontanée de certaines créatures produites par la magie Divine.

De là encore, on peut connaître l'origine des bouleversements que subissent les choses. De là effusent les états mystiques qui sont conférés à leurs destinataires. Chaque fois que dans le monde élémentaire surgissent les "enchantements de Noms Divins", ils proviennent de ce ciel. Quant aux "phylactères", c'est d'une autre demeure céleste qu'ils proviennent. Mais lorsqu'ils reçoivent l'existence, leurs esprits procèdent bien de ce ciel, non pas leurs formes spécifiques qui sont les supports de leurs esprits.
Aussi, lorsqu'on est capable de maîtriser la science de telles créatures et de leur communiquer très rapidement la vie - alors que normalement leur condition est de ne la recevoir qu'à travers un laps de temps considérable - ce pouvoir vient de la " Science de Jésus", et non de l'ordre qui a été révélé en cette sphère céleste ou dans la course de son astre (Mercure).
Et cela relève de l' "aspect Divin particulier" qui est étranger à la voie ordinaire (de la génération) propre à la science naturelle, laquelle nécessite un processus temporel relatif dépendant en fait du "processus ontologique particulier"...

L'adepte étant instruit, Mercure retourne s'occuper du théoricien. 

Une fois que l'adepte a effectivement obtenu ces connaissances, Mercure s'en retourne vers son hôte (le théoricien). Et reportant son attention sur celui-ci, elle lui octroie en tenant compte de sa capacité, la science inscrite dans son parcours céleste, et par laquelle elle gouverne les corps qui lui sont subordonnés dans le monde élémentaire; mais pour ce qui est (de la science) des esprits, elle ne lui communique rien. Cela terminé, le visiteur de Mercure lui demande son congé et il s'avance vers son compagnon l'adepte, puis tous deux repartent en quête du troisième ciel. Le théoricien est alors entre les mains de l'adepte comme l'est le serviteur entre celles de son maître. Et le voilà bien forcé de reconnaître son pouvoir, d'admettre la haute lignée de son Instructeur et d'apprécier la sollicitude que ce Personnage lui avait témoignée en lui offrant de devenir son disciple.

Troisième ciel : Joseph et Vénus

Les pouvoirs et les dons spirituels du prophète Joseph

Lorsque les deux pèlerins frappent au troisième ciel, il s'ouvre et tous deux y accède. L'adepte est reçu par Joseph - la paix soit sur lui, et le théoricien est reçu par la planète Vénus. Cette dernière l'installe, puis lui tient le même discours que lui avaient adressé les planètes précédentes employées au service des prophètes. Et cela fait qu'il s'attriste encore davantage, cependant que la planète Venus se porte vers Joseph près duquel se tient l'adepte, son hôte (en ce ciel). Le prophète communique à celui-ci le lot de sciences dont DIEU l'a personnellement investi, sciences se rapportant aux formes de la typification spirituelle et de l'imagination active, car Joseph était passé maître dans l'art d'interpréter les rêves. DIEU déposa entre ses mains "la terre qu'Il créa du surplus de l'argile d'Adam". Il lui présenta le jardin du Paradis; il lui soumit les "corps des esprits lumineux et ignés" ainsi que des "entités métaphysiques supra célestes".

De toutes ces choses, DIEU révéla à Joseph les balances exactes, les proportions et les relations. Il lui fit voir les " années sous les apparences des vaches", lui montrant les années fécondes dans les "vaches grasses" et les années stériles dans les "vaches maigres". Il lui fit voir la "gnose" sous l'apparence du "lait" et la constance dans la religion sous l'aspect des entraves de la prison. DIEU ne cessa de l'instruire sur le principe de la corporisation des idées et relations métaphysiques sous l'apparence du monde sensible et des organes de la perception. Il révéla à Joseph le sens de l'herméneutique concernant tout cela, car en vérité ce ciel est celui où les formes spirituelles reçoivent leur conformation achevée et leur agencement harmonieux.

Le parfait ouvrage de l'être et l'harmonieuse constitution du corps humain.

De ce ciel émane l'assistance qui inspire les poètes, révèle la métrique et donne la maîtrise de l'art poétique. En émanent encore les "formes géométriques" configuratives des corps physiques, formes-types dont la représentation à l’intérieur de l'âme relève du ciel qui surplombe celui-ci. De ce (troisième) ciel, on apprend ce que signifie le parfait ouvrage et la rigoureuse ordonnance. L'on apprend à discerner la beauté vertueuse aux traits tout imprégnés de la Sagesse, ainsi que la beauté séditieuse accordée à une complexion spécifique. En ce ciel se tient le cinquième "Substitut (Divin)" qui préside à l'élaboration de la goutte de sperme dans la matrice durant le cinquième mois.



De l'ordre que DIEU révéla en ce ciel résulte la distribution des (quatre) arcanes élémentaires situés sous la concavité de l'orbe de la lune. Le Très-Haut plaça l'arcane de l'air entre le feu et l'eau. Il plaça l'arcane de l'eau entre l'air et la terre. S'il n'y avait eu cette sage répartition apte à déclencher le processus de transformation des éléments, si de ces éléments n'avaient point procédé les génitures terrestres qui en sont issues, et qu'au sein de celles-ci n'étaient point apparues de transformations, comment alors la "goutte de sperme" eût-elle été concevable, alors que durant la spermatogenèse elle se transforme en chair, en sang, en os, en veines, en nerfs ? C'est encore à partir de ce ciel que DIEU a reparti dans la constitution du corps humain les quatre humeurs selon le meilleur agencement et le plus admirable ouvrage. Puis il a préposé comme auxiliaire de la perception de l' "âme gouvernante" la bile jaune, après laquelle vient le sang, et après le sang le phlegme, et après le phlegme la bile noire qui est la teinture de la mort. Sans cette ingénieuse répartition des humeurs (dans la complexion humaine), comment le médecin obtiendrait-il le concours de la nature, lorsqu'il veut éliminer les maux dont souffre le corps, ou lorsqu'il désire le conserver en bonne santé ?

Les deux "causes" et les deux "piliers".

De ce ciel surgissent les quatre fondements sur lesquels repose le siège de la conscience, de même que le corps physique repose sur les quatre humeurs. Il s'agit des deux causes et des deux piliers : la cause du lourd et celle du léger, le pilier de la séparation et celui de la réunion. Le pilier de la séparation entraîne la dissolution (composé humain), celui de la réunion entraîne sa constitution. La cause du léger donne le Pneuma, celle du lourd donne le corps matériel. De cette somme est fait l'homme. Alors, examine attentivement ce qui a mené à bonne fin l'existence de ce monde, macrocosme et microcosme.
Lorsque les deux personnages ont fini d'assimiler ces connaissances, et que l'adepte a obtenu en plus du théoricien le surcroît de la Science Divine qui lui est conféré de par l' "aspect particulier", comme cela s'était déjà produit dans chacun des cieux précédents, alors tous deux repartent en quête du " Ciel médian" qui est le coeur de tous les cieux.
à suivre...

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