mercredi 18 juillet 2012

Le prophète et les deux pèlerins-6 Abraham et Saturne au septième ciel - Ibn'Arabi

Septième ciel : Abraham et Saturne

Le " Temple empli de fidèles " et les "trois lumières d'Abraham".

Ayant pris congé de Moïse, ils se remettent en route, l'adepte mohammadien porté sur la "litière de la Divine sollicitude", le théoricien sur la "monture de la réflexion". Alors s'ouvre devant eux le septième ciel qui est en réalité le premier à partir d'ici. L'adepte est reçu par Abraham, l' "Intime de DIEU" - que la paix soit sur lui - et le théoricien est reçu par la planète Saturne.
Cette dernière le fait descendre en un temple obscur, triste séjour de désolation, et lui déclare : " Voici la demeure de ton frère - lui désignant ainsi sa propre âme. Restez-y jusqu'à ce que je revienne vers toi, car je suis au service de cet adepte mohammadien en raison de  celui chez qui il est descendu, lequel n'est autre que l'Intime de DIEU ". Et saturne de se porter vers Abraham qu'elle trouve le dos appuyé contre le " Temple empli de fidèles ". L'adepte est assis entre ses bras tel le fils entre les bras de son père qui lui dit : " Ah le pieux enfant que voici !" Et l'adepte se met à interroger Abraham au sujet des "trois lumières". Il lui répond alors : " Elles constituent mon témoignage contre mon peuple. DIEU me les a données comme gage de sa sollicitude à mon égard. Je n'en ai point parlé dans l'intention de les associer (à DIEU), mais j'en ai fabriqué un filet de chasse avec lequel je rattrape ceux de mon peuple dont la raison s'égare."

Abraham exhorte l'adepte et l'encourage dans sa quête spirituelle.

Abraham lui dit encore : " O adepte, distingue soigneusement les plans de l'être et connais bien les rites de l'initiation spirituelle. Aie de ton Seigneur un discernement infaillible en tout ce qui te regarde personnellement. Ne renonce point à ton propos, car tu n'es pas homme à renoncer en cours de chemin ni à abandonner en vain . Fais en sorte que ton coeur ressemble à ce Temple empli de fidèles, absorbés dans la communion avec DIEU en permanence. Enfin, sache que de toutes les choses qu'il t'est donné de voir, DIEU n' en a fait aucune aussi vaste que le coeur du croyant, et ce vaste coeur, c'est toi".

Saturne
Les lamentations du théoricien.

Aussitôt qu'il entend cette proclamation, le théoricien s'écrie : " Malheur à moi qui ai été négligeant envers DIEU. J'étais parmi les railleurs" (39. 56). Il réalise soudain ce qu'il a laissé échapper en manquant de foi envers ce prophète et en suivant sa propre voie. Alors il s'exclame : " Pauvre de moi ! Si seulement je n'avais pas choisi ma raison en guise de preuve ! Si seulement je n'avais pas poursuivi avec elle la voie de la réflexion (fikr) en guise de but !".

L'information des âmes par les species impressae.

Les deux personnages saisissent donc les biens que les entités spirituelles des mondes supérieurs leur accordent respectivement; ils palpent l'immensité dans laquelle baigne le Plérôme suprême, chacun selon la candeur de son être et selon l'aptitude de son âme à se purifier du plus secret de la Nature. Alors, dans le sillon de leurs âmes viennent s'imprimer les gravures de toutes les réalités comprises dans l'univers. Cependant, l'un comme l'autre ne peut être pleinement informé que de ce qu'il contemple en lui-même, dans le miroir de sa propre essence.
...
Le septième ciel, seuil de l'Au-delà où commence l'escalade des âmes et ses épreuves

A partir de ce ciel commence l'escalade (des âmes vers l'autre Monde), épreuve dont on ne connaît pas les stratagèmes bien camouflés qui sont  insoupçonnables, ni les pièges bien tendus. Là commence l'épreuve du voile, l'éternité des choses immuables, d'une souveraine lenteur. A ce niveau, on réalise la signification de la parole Divine : " La création des cieux et de la terre est plus grande que la création des hommes" (40. 57) - parce que les cieux et la terre occupent le " rang de la paternité" vis-à-vis des humains qui ne pourront jamais les atteindre. DIEU Très-Haut dit encore : " Remercie-Moi et remercie tes parents" (31. 14).

Condition des hommes et des djinns. La création d'Adam et la différenciation des espèces créaturelles.

A partir de ce ciel, on apprend que toutes les créatures d'une espèce autre que celle des hommes et des  djinns sont bienheureuses et n'ont point part au "malheur de l'autre Monde", car parmi les hommes comme parmi les djinns, il y'a des malheureux et des bienheureux. Or, le malheureux déambule dans la cohorte des malheureux jusqu'à un terme fixé - parce que " la Miséricorde précéda la Colère" - tandis que le bienheureux conserve cet état indéfiniment. Parvenu à ce point, on est à même de connaitre la faveur insigne dont bénéficia la " Création de l'homme", et d’apprécier l' "orientation des deux Mains Divines en vue de créer Adam", à l' exclusion de toute autre créature. Et l'on réalise, de ce fait, que les créatures appartiennent à un seul genre, lequel procéda par une voie unique durant l'acte de la Création, sans qu'il en résulte de différenciation des espèces créaturelles, car leur différenciation spécifique vint de l'homme. C'est à partir de lui que la Création fut différenciée. Aussi bien, la création d' Adam diffère-t-elle de la création d' Êve. La création d' Êve diffère de celle de Jésus. La création de Jésus diffère de celle de tous les fils d' Adam. Pourtant tous sont des hommes.

La beauté dans la laideur : stratagème Divin.

A ce niveau céleste, la laideur de son action est rendue belle à l'homme, et il voit celle-ci parée de beauté. Aussi, lorsque ce embellissement se révèle soudain aux yeux de l'adepte, il remercie DIEU Très-Haut pour l'avoir préservé de commettre pareil méfait. Quant au malheureux théoricien, il ne peut trouver de soulagement que dans la contemplation de cette épiphanie qui lui apporte la beauté dans la laideur et c'est là un des "stratagèmes Divin". En ce ciel permanent, immuables, les individualités métaphysiques des formes manifestées se modelant dans la substance déployée sous l'orbe de cette (septième) Sphère jusqu'à la terre.


Le "Patriarcat de l'Islam"; Abraham révèle à l'adepte les vertus du "lait de la gnose".

En ce ciel se reconnaît la " Communauté d' Abraham". C'était vraiment une communauté magnanime qui ignorait le sectarisme confessionnel. Lorsque le théoricien comprend ces vérités chargées de sens et réalise qu'il se trouve devant le " Patriarcat  de l'Islam", il désire se rapprocher de son patriarche, Abraham. Alors Abraham demande à l'adepte "Qui est cet étranger avec toi ?" Il lui répond : " C'est mon frère." " Ton frère de lait ou ton frère par le sang ?"  "C'est mon frère par l'eau". Abraham lui réplique : " Tu dis vrai ! C'est pourquoi je ne le connais point. Toi-même, ne fréquente que celui qui est ton frère de lait, comme moi je suis ton  "père de lait". En vérité, la "Demeure bienheureuse" n’accueille que les hommes qui sont frères de lait, leurs pères et leurs mères. Car ceux-là seuls comptent au regard de DIEU. Ne vis-tu pas la "gnose t'apparaître sous l'aspect du lait", dans l'habitacle de l'Imagination active ? Eh bien, cela est dû à l'allaitement qui fut le tien." Et Abraham de tourner le dos au théoricien, puisque ce dernier avait rompu la filiation le rattachant au Patriarcat d'Abraham.

L'admission de l'adepte dans le Temple des vrais croyants.

Ensuite, Abraham ordonne à l'adepte d'entrer dans le " Temple empli de fidèles ". Il y pénètre donc sans son compagnon qui garde la tête baissée (et reste sur le seuil). Puis il en ressort par la porte qu'il avait empruntée en entrant, au lieu de sortir par la "porte des anges" qui est la seconde porte du sanctuaire. Celle-ci présente une particularité qui est la suivante : celui qui sort (du Temple) par cette porte ne repasse plus par là.


L'adepte prend congé d'Abraham et poursuit son ascension. Le théoricien se voit refuser l'Islam et interdire  d'aller plus loin.

Enfin l'adepte prend congé d'Abraham pour continuer son ascension. Il embrasse son compagnon de voyage, le théoricien qui était demeuré là. Ce dernier s'entend dire : " Arrête-toi ici jusqu'à ce que ton compagnon (l'adepte) revienne, car à partir de ce point tu ne peux plus avancer. C'est ici le terme de la "fumée élémentaire". Et le théoricien de s'écrier : " Je reçois l'Islam et je me range sous l'autorité a laquelle s'est s'est conformé mon compagnon !"
" Ceci, lui répond-on, n'est point le lieu où l'on peut recevoir l'Islam. Quand tu seras retourné à ton point de départ, là d'où tu es venu avec ton compagnon, ce sera le lieu et le moment appropriés. Lorsque tu te seras soumis, que tu auras vraiment cru, lorsque tu auras adhéré à la voie de ceux qui se convertissent à DIEU conformément à l'appel des Envoyés-Prophètes qui proclament DIEU, alors seulement, tu pourras recevoir l'Islam comme l'a reçu ton compagnon." Et le théoricien dut demeurer là. 

Nous allons suivre prochainement la quête de l'adepte jusqu'au Trône Divin
source : l'Alchimie du Bonheur Parfait (Ibn'Arabi)



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