mardi 28 mai 2013

De la présence de DIEU en toute chose - Abd Al-Kader (1808-1883)

Les recueils de traditions authentiques nous rapportent ces propos que le Prophète - sur lui la grâce et la paix - [prononça lors de la prise de la Mecque] : " Il n'y a plus d'Hégire (hijra) après la victoire (fath) (1).
Désormais, il n' y a plus que l’effort assidu (jihad) (2) et l'intention (niyya) dans laquelle cet effort est accompli." 

Voici ce que le Prophète - sur lui la grâce et la paix - voulait signifier de manière allusive :
Celui dont DIEU a éveillé l'intuition spirituelle et auquel Il a fait contempler "la diffusion sans diffusion" (al-sarayân bilâ saryân) de l'Unité [en toute chose], ainsi que la subsistance de chaque atome de l'existence par un effet de la Subsistance Divine; et qui a perçu (litt : vu) la présence de l'Être véritable en toute chose, - sans fusion (hulûl) ni union (itthâd) [de l'Être véritable] -, pour celui-là, il n'est ni permis ni honnête de se détourner (an yahjura) (3) ne serait-ce qu'une seule créature ou de la mépriser en la traitant comme une chose négligeable. Cela est indigne d'un connaissant et d'un contemplatif, quelque soit par ailleurs la créature en question, fût-elle un animal ou un individu d'une religion différente de la nôtre. Toutes les créatures, en effet, sont des "signes" (sha'âr'ir) de DIEU; or, le respect de quiconque pour les signes de DIEU témoigne de la crainte des cœurs (4). En d'autres termes, ce sont ceux qui respectent les signes de DIEU à travers Ses créatures qui sont animés d'un sentiment propre aux "gens du cœur" ahl al-qulûb), c'est à dire aux contemplatifs. On rapporte ainsi que Jésus, voyant un matin passer un porc à côté de lui, lui souhaita une bonne journée ! (5)





Notons que dans le verset  ci-dessus, DIEU n'attribue pas le respect de Ses signes aux gens  doués de raison, ni à [ceux qui éprouvent] la crainte (taqwâ) en tant que telle, [mais Il l' attribue aux gens du cœur]. Cependant, [selon le hadith], malgré la connaissance (shuhûd) qu'à le contemplatif des créatures, et le fait qu'il ne faille ni les repousser, ni les mépriser, ni  se détourner d'elles, il lui est indispensable de faire la "guerre sainte" (jihad) avec l'intention voulue. C'est à dire qu'il lui faut redoubler d'efforts sans perdre de vue l'objectif, ou en d'autres termes, de joindre à la contemplation de la Réalité la stricte application des règles de la Loi; ainsi lui faut-il combattre les opposants à la tradition musulmane jusqu'à ce qu'ils s'acquittent de la capitation en toute humilité (coran: 9, verset 29) ou s'employer à corriger ce que la Loi blâme, et tenir pour bon ou pour mauvais ce qu'en toute sagesse et équité, elle a établi comme tel... Car DIEU, S'adressant à ce contemplatif et à ce connaissant, lui a dit par la bouche de Son Envoyé - sur lui grâce et la paix - : "Si tu Me trouves revêtu des caractéristiques du mécréant, frappe-Moi à la nuque; et si tu Me vois revêtu des caractéristiques des transgresseurs, adresse-Moi un blâme et fais-Moi appliquer la peine légale, sans perdre de vue pour autant ta connaissance [de la réalité], ni [l'objet de] ta contemplation".

Mais se plier à cet ordre est sans nul doute la chose la plus pénible qu'ait à endurer le connaissant.

source: Le livre des Haltes (Abd Al-Kader)





(1) : A propos de fath, cf. Halte 205, Nous t'avons accordé une victoire éclatante.

(2) : Le mot Jihad, qui signifie tout à la fois : application, effort, zèle, lutte, assiduité, ascèse, etc., est souvent traduit par "guerre sainte" de manière abusive. Il est vrai qu'il reçoit cette signification dans de nombreux textes islamiques et notamment en plusieurs passages du Coran.
Mais, outre que cette signification peut elle-même en dissimuler une autre plus profonde, il serait absurde de traduire systématiquement de la même façon un terme qui recouvre une multitude de sens. Cette remarque vaut d'ailleurs pour un certain nombre de mots du vocabulaire technique de l'Islam, qu'on essaye souvent de réduire à leur signification la plus péjorative, ou du moins à celle qui est jugée telle par ceux qui ont recours à ce procédé; c'est ainsi qu'on a vu récemment le mot fatwâ traduit par "sentence de mort" par des journalistes mal informés, ou mal intentionnés, alors que ce mot signifie tout simplement "avis juridique".

(3) : Le verbe yahjuru est de la même racine que le mot hijra utilisé dans le hadith introductif. Nous avons vu que ce mot signifie émigration, exil, et qu'il fait historiquement référence à la fuite du Prophète de la Mecque à Médine, qui marque le début de l'ère musulmane. Mais il peut aussi se traduire par : se détourner, éviter quelqu'un, rompre avec quelqu'un, et c'est ici à cette signification que l’Émir a recours pour donner de ce hadith une interprétation aussi belle qu'inattendue !

(4) : Coran (22, 32)

(5) : Cette anecdote est citée par al-Ghazâli dans son Ihyâ' 'Ulûm al-Dîn, Matha'at al-Istîqâma, le Caire,s.d. III, pg. 120 : "Comme les apôtres s'étonnaient, Jésus leur répondit : Il me déplaît d'habituer ma langue à dire du mal".

dimanche 5 mai 2013

Les conseilles d'Ibn'Arabi à propos du renoncement au monde (Ibn'Arabi)


Lorsque tu renonces au monde, garde-toi de ceux qui viennent te voir et t'approcher, car celui qui s'éloigne du monde ne lui ouvre pas sa porte. Certes, l'objet de l'isolement est de s'éloigner des gens et de leur société, et l'objet de cet éloignement n'est pas d'abandonner leur compagnie physique, mais plutôt de ne laisser ni ton coeur ni ton oreille être le réceptacle des paroles vaines qu'ils t'apportent. Ton coeur ne se délivrera pas des divagations du monde, sinon en s'en éloignant. Et quiconque se "retire" en sa maison et ouvre sa porte à ceux qui lui rendent visite cherche le pouvoir et l'estime, chassé de la porte de DIEU le Très-Haut; et pour quelqu'un comme celui-ci, la destruction est plus proche que le lacet de sa chaussure. Pour l'amour de DIEU, pour l'amour de DIEU, protège-toi de la fausseté de l'égo à cette étape (khalwa) ou rétraite spirituelle, car la plupart sont détruits à cause d'elle. Aussi ferme la porte au monde; et ainsi la porte de ta demeure se trouvera entre toi et tes gens.


Et consacre-toi au dhikr, à la remémoration de DIEU, quelle que soit la sorte de dhikr que tu choisis. La plus haute est le Nom le plus grand; c'est lorsque tu dis " Allâh, Allâh," et rien d'autre que " Allâh ".

Protège-toi d'une imagination corrompue qui te distrait de ta concentration. Aie le souci de ton alimentation. Il vaut mieux que ta nourriture soit nourrissante mais dépourvue de graisse animale (1). Mefie-toi de la satieté et d'une faim excessive. Préserve l'équilibre de ta constitution, car une sécheresse excessive mène à une imagination corrompue et à de longues divagations.

S'il doit y avoir une influence qui altère la constitution - et qui soit désirable - distingue entre les influences spirituelles angélique et démoniaque en observant ce qui est en toi lorsqu'elles cessent. C'est à dire, si l'influence est angélique, elle est suivie du bien-être et de la félicité. Tu n'auras conscience d'aucune douleur; tu ne subiras aucune altération de la forme; et l'influence laissera derrière elle la connaissance. Mais si elle est démoniaque, elle aura pour effet la désorientation physique, la douleur et le désarroi, la confusion et la bassesse; elle laisse derrière elle l'égarement.
 Protège-toi, et ne cesse pas de répéter le dhikr dans ton coeur, jusqu'à ce que DIEU en chasse l'influence démoniaque (2). Voilà ce que requiert la situation...
à suivre...
source : Voyage vers le Maître de la puissance (Ibn'Arabi)











1. "Il vaut mieux que ta nourriture soit nourrissante" afin que la constitution ne perde pas son équilibre en raison d'une sécheresse trop prédominante, "mais dépouvue de graisse animale" parce que la graisse animale renforce l'animalité, et que ses principes domineront les principes spirituelles.
2. " Jusqu'à ce que DIEU en chasse l'influence démoniaque." Car DIEU est le compagnon de celui qui le nomme, et le diable se tient loin de DIEU le Très-Haut; ainsi on ne trouve jamais DIEU et le diable en mutuelle compagnie.

jeudi 2 mai 2013

Le Coran : un brocart aux deux côtés ouvragés (RÛMI)

Le Coran est un brocart aux deux côtés ouvragés. Certains aiment un côté, d'autres l'autre. Les deux sont vrais et corrects, car Dieu le Très-Haut souhaite que les deux groupes puissent en faire usage.
De même, une femme a un mari et un bébé; chacun d'eux jouit du bonheur avec elle d'une manière différente. Le plaisir de l'enfant vient de son sein et son lait, celui du mari des baisers et de l'étreinte amoureuse.
Le Coran
Certaines personnes sont des enfants sur le chemin, buvant le lait - ils jouissent du sens extérieur du Coran. Mais les hommes véritables connaissent une autre jouissance et ont une compréhension différente des sens intérieurs du Coran.

source : l'incendie de l'âme (l'aventure spirituelle de Rûmi)