jeudi 26 décembre 2013

René Guénon – Le Roi du Monde. - esprit-universel.overblog.com

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Ayatoul Koursi ou verset du Trône

jeudi 12 décembre 2013

Réponse au questionnaire de Tirmidhî (Futuhat II, 41) Ibn Arabi

Question n° 2: Où sont les demeures des gens de la proximité ?

Réponse: Entre le degré de la confirmation de la vérité (siddiqiyya) et celui de la prophétie légiférante (nubuwwat al-sharâ'i'). Elles n'atteignent donc pas le rang du prophète légiférant dans l'ensemble de la prophétie universelle et n'appartiennent pas non plus aux demeures des véridiques qui suivent les envoyés et confirment leurs dires. Ces demeures sont la station des Rapprochés. Dieu les a rapprochés de Lui soit par élection (ikhtisâs), indépendamment de l'accomplissement des œuvres, tel Celui qui se lèvera à la fin des temps (al-qâ'im fî âkhir al-zamân) et ses semblables; soit par la voie de l'accomplissement des œuvres (ta'ammul), tel al-Khadir et ses semblables. Cette station est une, mais on y parvient d'une manière ou de l'autre et c'est ainsi que l'envoyé se distingue du prophète. Cette station qui les comprend tous est celle des rapprochés et des "esseulés" (afrâd). Dans cette station l'être humain rejoint le Plérôme suprême, et ceux qui doivent en être gratifiés reçoivent l'élection Divine.

La station relève de l'acquisition, bien qu'elle puisse être obtenue par élection, c'est pourquoi on dit de la mission de l'envoyé (risâla) qu'elle est une pure élection. Et cela est exact, car le serviteur ne saurait faire l'acquisition de ce qui provient de Dieu - gloire à Lui. Il peut oeuvrer pour arriver, mais non pour obtenir ce qui émane de Dieu, une fois arrivé. De là jaillit "la science émanant de Dieu" (al-'ilm al-ladunî) dont Dieu a dit à propos de Son serviteur Khadir : " Nous lui avons donné une miséricorde d'auprès de Nous et Nous lui avons enseigné de par-devers Nous  (min ladun-nâ) une science" (Coran 18 : 65), ce qu'il faut comprendre ainsi : Nous lui avons donné par miséricorde une science d'auprès de Nous et Nous l'avons instruit de par-devers Nous. Cette science est l'une des quatre stations, lesquelles sont la science de l'écriture Divine, la science de l'union et de la séparation, la science de la lumière et cette "science émanant de Dieu" (ou par-devers Dieu).

Sache que la demeure des Gens de la proximité relie leur vie à l'au-delà. Aussi ne seront-ils point atteints par le foudroiement (sa'q) qui frappera les esprits (le Jour de la Résurrection) et sont même de ceux que Dieu a exceptés dans Sa parole : " Il sera soufflé dans la trompette et ceux qui sont dans les cieux et ceux qui sont dans la terre tomberont foudroyés, sauf ceux que Dieu a voulus" (Coran 39: 68).

Cette demeure est la plus intime et la plus haute auprès de Dieu. Ceux qui s'y tiennent se répartissent selon trois plans hiérarchiques (tabaqât). Les uns l'obtiennent pleinement; ce sont les envoyés - que sur eux descendent las grâces de Dieu - chacun selon son degré s'élève en mérite sur les autres (cf. Coran 2 : 251). Les autres se trouvent au deuxième rang; ce sont les prophètes - que sur eux soit la grâce Divine - qui n'ont pas été envoyés (pour prêcher aux hommes), mais ont adoré Dieu selon une loi restreinte à eux-mêmes. Pour ceux qui les suivent, il en est ainsi, ceux qui ne les suivent pas ne sont pas en faute, car Dieu n'a imposé à personne de les suivre. Ils s'élèvent également les uns sur les autres en degré et en mérite. Les troisièmes enfin représentent le degré de la prophétie "libre" (mutlaqa); dans la révélation qu'ils reçoivent aucun ange n'intervient. En deçà de ces trois plans hiérarchiques se tiennent les confirmateurs de la vérité qui suivent les envoyés, puis en deçà encore les confirmateurs qui suivent les prophètes sans qu'ils y soient astreints, enfin viennent ceux qui suivent les tenants du troisième rang appelés aussi "les Rapprochés". A chaque plan correspond une connaissance gustative (dawq) propre, inconnue des autres. Pour cette raison al-Khadir dit à Moïse - sur lui la paix : " Et comment supporterais-tu ce que n'embrasse pas ton expérience ?" (Coran 18: 68) : or l'expérience (khubr) signifie la connaissance gustative, qui est une science conférée par l'état ('ilm hâl). Al-Khadir dit à Moïse : " Je détiens une science que Dieu m'a enseigné et que toi, tu ne connais pas; tu détiens une science que Dieu t'a enseignée et que moi, je ne connais pas." (1)

source: Les illuminations de la Mecque (Al-Futûhât al-Makkiyyâ) Ibn'Arabi.



1- Cette phrase est extraite d'un long hadîth transmis par Ibn 'Abbâs où est commenté l'histoire de Moïse et d'al-Khadir, cf. Bukhâri, Sahîh, bad, al-khalq, IV, 187-190 et tafsîr, sourate 18, VI, 110-117.

jeudi 7 novembre 2013

Voyage vers le Maître de la Puissance ou Explication de la retraite absolue 2 - Ibn'Arabi

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle le monde de la dignité, de la sérénité et de la fermeté; la ruse (makr), les énigmes et les secrets, et d'autres choses de ce genre. Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le monde de la confusion, de l'impuissance, de l'incapacité et les trésors du labeur; et cela est le ciel suprême (1).

Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révélera les Jardins : les degrés des marches qui montent jusqu'à eux, la manière dont ils se joignent, et dont ils se comparent l'un à l'autre par les plaisirs qu'ils offrent. Et tu es arrêté sur le chemin étroit et emporté au bord de l'Enfer, et d'en haut tu regardes les marches qui y descendent, la manière dont elles se joignent, et dont elles se comparent l'une à l'autre par leur dureté. Il te révèle les œuvres qui correspondent à ces deux lieux. Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle l'un des sanctuaires où les esprits s'absorbent dans la Vision Divine. En elle ils sont enivrés et égarés. Le pouvoir de l'extase les a conquis, et leur état te fait signe.

Et si tu ne t'arrêtes pas à ce signe, une lumière se révèle, dans laquelle tu ne vois rien d'autre que ton propre reflet. Dans cette lumière tu es saisi d'un extrême ravissement et des transports de l'amour, en elle tu trouves une félicité Divine qui t'était jusqu'alors inconnue. Tout ce que tu as vu précédemment t'apparaît petit, et tu te balances comme une lampe (2).


Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle la forme originelle des fils d'Adam. Et les voiles se soulèvent. Et les voiles descendent (3). Et ils lancent une louange particulière que tu reconnais en l'entendant, et tu ne succombes pas (4). Tu vois ta forme au milieu d'eux, et c'est elle qui te permet d'identifier le moment où tu te trouves.

Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le Trône de miséricorde (sarir al-rahmaniyya). Tout s'y trouve. Si tu le considères tu y trouveras la totalité de ce que tu connaissais, et plus encore : il ne reste aucun monde, aucune essence, que tu n'y reconnaisses. Cherche-toi : si cela  convient, tu trouveras ta destination, le lieu où tu te trouves et la limite de ton degré, et le Divin Nom de ton Seigneur et où résident ta part de gnose et de sainteté - la forme de ton unicité.

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle la Plume, le premier Intellect, le maître et l'enseignant de toute chose. Tu examines sont tracé et connais le message qu'elle porte et témoignes de son inversion, de la réception et de la particularisation des vastes [connaissances] qui découlent de l'ange al-Nuni (5).

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il  révèle celui qui fait se mouvoir cette Plume, la main droite de la vérité (6).

Et si tu ne t'arrêtes pas, tu es déraciné (7), puis retiré (8), puis effacé, puis écrasé (9), puis oblitéré.

Quand les effets du déracinement et de ce qui le suit sont achevés, tu es affirmé (10), puis rendu présent, puis rendu capable de demeurer, puis réuni, puis assigné. Et les robes d'honneur que [ton degré] requiert te sont conférées, et elles sont nombreuses.

Puis tu reprends ton chemin et examines tout ce que tu as vu sous des formes différentes jusqu'à ton retour au monde de tes sens terrestres et limités. Ou [tu te tiens solidement] là où tu as été absent; et la destination du chercheur dépend de la route qu'il suit.

Parmi [ceux qui terminent ce voyage] se trouvent ceux à qui a été confiée Sa Parole, et parmi eux se trouvent ceux à qui Sa Parole n'a pas été confiée. Et tous ceux à qui une Parole a été confiée, qu'elle qu' Elle soit, deviennent héritiers du prophète de ce langage*. C'est ce que veulent dire les gens de cette voie lorsqu'ils disent que tel homme est Moïse ou Abraham ou Enoch. Parmi eux se trouve quelqu'un à qui l'on a confié deux, trois ou quatre Paroles, ou même plus. Celui qui a été rendu parfait se voit confier la totalité des Paroles, et il procède particulièrement de Mohammed.

Alors qu'il est à sa destination, aussi longtemps qu'il n'entreprend pas le retour, le chercheur est appelé "celui qui s'arrête" (waqif). Ceux qui s'arrêtent incluent ceux qui sont absorbés par cet état, comme par exemple Abu-'Iqal et d'autres. En lui [Dieu] les prend et en lui ils sont ressuscités (11). La classification waqif inclut également ceux qui sont renvoyés (mardudun). Ceux-là sont plus parfaits que ceux qui sont absorbés (mustahlikun). Si [un chercheur] se trouve absorbé dans une position supérieure à celle d'où revient [un autre chercheur], alors on ne dit pas que celui qui revient est supérieur. La condition qui permet d'établir une comparaison est la ressemblance mutuelle entre eux deux. Si cette condition existe, celui qui revient vit, après être descendu de la position de celui qui a été absorbé, de telle sorte qu'il atteint le degré de celui-là même, et le surpasse en approchant, le surpasse en descendant, et la surpasse dans le développement et la réception du savoir.

En ce qui concerne ceux qui reviennent, on distingue parmi eux deux types d'hommes.
Il y' a celui qui retourne à lui-même seul; il est celui qui descend, dont nous avons parlé. Ce type d'homme est le gnostique, 'arif, parmi nous. Il revient vers le perfectionnement de soi par une autre route que celle qu'il avait prise. Parmi eux se trouve aussi celui qui est renvoyé à la Création avec le langage du chef et du guide. Il a hérité son savoir, il est L' 'alim.

Les convocateurs  et les héritiers ne sont pas tous en la même position, mais la position de leur convocation les réunit, et certains surpassent les autres en degré. Comme l'a dit : Dieu le Très-Haut : " Nous avons fait en sorte que certains de ces messagers excellent plus que les autres" (Coran 2: 253). Au nombre des héritiers se trouvent des convocateurs qui expriment la Parole de Moïse, de Jésus, de Sem, de Noé, d'Isaac, d'Ismaël, d'Adam, d'Enoch, d'Abraham, de Joseph et d'Aaron, et d'autres encore; ce sont les soufis. Ils sont les adeptes des états, comparés aux maîtres que nous comptons parmi nous (12). Parmi [les héritiers] on trouve aussi des convocateurs qui expriment la Parole de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient sur lui); ce sont les Malamiyya, les adeptes de la permanence et de la réalité.

Et quand ils convoquent la Création devant Dieu le Très-Haut, parmi eux se trouve celui qui les appelle de la porte de fana' dans la réalité de la servitude, ('ubudiyya) (13). [Il est fait allusion à ce fana'] lorsqu'Il dit (puisse-t-Il être exalté) : " Je t'ai créé auparavant quand tu n'étais rien" (Coran 19: 9). Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la servitude, qui est humilité et indigence, et que l'étape de servitude requiert. Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature miséricordieuse; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature conquérante; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature Divine, qui est la quatrième porte et la plus sublime (14).

Sache que la prophétie et la sainteté participent à trois choses : une, à la connaissance sans savoir acquis; deux, à l'action faite par l'himma, l'intention du cœur, en ce qu'on a coutume de croire seulement réalisable par le corps, ou qui est même irréalisable par le corps; trois, à la vision du monde des images dans le monde sensoriel. Les deux diffèrent uniquement dans le mode par lequel elles s'adressent aux gens, car le discours du saint est autre que le discours du prophète (15).

Ne suppose pas que l'ascension du saint est égale à l'ascension du prophète. Il n'en est rien, parce que l'ascension requiert des actions particulières. Si les saints et les prophètes prenaient part aux mêmes affaires en vertu d'une ascension identique, les saints seraient identiques aux prophètes, ce qui n'est pas notre cas (16). Bien que les deux classes aient un point commun - les étapes de la prise de conscience Divine - l'ascension des prophètes se fait par la lumière fondamentale elle-même, tandis que l'ascension des saints se fait par ce que cette lumière accorde providentiellement (17).
Quoique, par exemple, ils [un saint et un prophète] puissent tous deux se trouver à l'étape de la Confiance, cette étape ne présenterait pas le même aspect dans les deux cas. La supériorité ne se trouve pas dans la prise de confiance, mais dans l'aspect qu'elle revêt. Les aspects de la confiance dépendent de ceux qui exercent cette confiance, et le cas reste le même dans chaque état et dans chaque étape de fana' et de baga', l'union et la séparation, l'harmonie et la discorde, et ainsi de suite.

Et sache que chaque saint de Dieu le Très-Haut reçoit ce qu'il reçoit par la médiation spirituelle du prophète dont il suit la Voie sacrée, et c'est en cette étape qu'il se livre à la contemplation. Et il y a ceux qui le savent, et ceux qui l'ignorent et disent : " Dieu m'a dit"; mais ce n'est rien d'autre que la nature spirituelle [de leur prophète]. Et il y a des secrets propres à Sa subtilité mais ces pages, qui ne visent qu'à fournir une introduction, sont trop brèves pour en traiter.

Parmi les saints de la communauté de Mohammed - le Rassembleur des états des prophètes, la paix et la bénédiction soient sur lui - il peut se trouver un héritier de l'état de Moïse, mais il tient son héritage de la lumière de Mohammed, non de la lumière de Moïse.
Son état procède de Mohammed, tout comme l'état de Moïse procédait de Mohammed. Parfois un saint, à l'approche de la mort, semble prêter attention à Moïse ou à Jésus. Les gens ordinaires et ceux qui ne détiennent pas la connaissance imaginent qu'il est devenu juif ou chrétien, puisqu'il mentionne ces prophètes au moment de mourir, mais [en fait cette allusion] découle de la prise de conscience puissante qui caractérise cette étape. Toutefois le qutb appartient directement au cœur de Mohammed. Et nous avons rencontré des hommes appartenant au cœur de Jésus - parmi lesquels compte le premier cheikh que tu as rencontré - et des hommes appartenant au cœur de Moïse, et d'autres appartenant au cœur d'Abraham, et d'autres [ayant des appartenances similaires]. Et cela demeurera un secret pour tous sauf pour nos amis.

Sache que Mohammed (la paix et la bénédiction soient avec lui) est celui qui a donné à tous les prophètes et les messagers  la position qu'ils occupent dans le Monde des Esprits, jusqu'à ce qu'il soit envoyé dans le corps (18). Nous l'avons suivi, [héritant ainsi sa conduite directe dans le monde temporel]. Les prophètes qui en ont porté témoignage, ou qui descendent après lui (19), se joignent à nous, et les saints des prophètes qui ont précédé [sa naissance physique] reçoivent également [leur héritage spirituel] de Mohammed. Ainsi les saints de Mohammed partagent avec les prophètes une transmission directe qui vient de lui. A cause de cela il est dit dans le hadith : " Ceux de cette communauté qui ont la connaissance sont comme les prophètes d'Israël."
Et Dieu le Très-Haut a dit à notre propos "... afin que vous soyez  les témoins du peuple" (Coran 22: 78); et Il a dit, au sujet des Messagers: " Et en ce jour nous susciterons dans chaque communauté un témoin qui se lèvera d'entre eux et contre eux" (Coran 16: 89).
Aussi sommes-nous, les prophètes et nous, les témoins de leurs successeurs. Aussi, dans la retraite, consacre l'himma à l'héritage entier de Mohammed.

Sache que le sage véritable, longanime et parfait, est celui qui traite chaque condition et chaque moment de la manière appropriée, et ne les mêle pas. C'est l'état de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient avec lui) car il se trouvait à deux portées de flèches ou moins de son Seigneur; et alors il s'éveilla parmi ses gens et en parla à ceux qui étaient présents; les polythéistes ne le crurent pas, car il ne portait aucune trace [de son ascension], et son apparence était la  même que la leur. Ce fut impossible même pour Moïse qui, quand la marque de la [Révélation Divine] lui apparut, se voila la face.

Tout chercheur connaîtra inévitablement l'impact des états, et la fusion des mondes entre eux, mais le développement, à partir de cette étape, vers l'étape de la sagesse Divine apparaissant dans les principes extérieurs habituels est pour lui une obligation. La transcendance de l'ordre habituel deviendra son secret, si bien que les événements qui dépassent l'ordinaire l'accompagneront naturellement. Il ne cessera de dire à chaque souffle : " Seigneur, accrois mon savoir pendant que la sphère céleste se meut grâce à Ton souffle," (20) et doit s'efforcer de faire en sorte que ce moment soit Son souffle. Lorsque l'influence du Moment se manifeste, il la recevra. Qu'il se garde de s'éprendre de [l'influence du Moment], mais qu'il s'en  souvienne, car cela lui sera nécessaire s'il instruit. La plupart des cheikhs se voient retirer le rôle de professeur parce qu'ils ont simplement négligé de se souvenir de ce que nous avons mentionné, et qu'ils s'en abstiennent totalement.

Le Moment (21) s'allonge et se rétrécit selon la présence de celui qui y prend part. Il y a ceux dont le Moment est une heure, un jour, une semaine, un mois ou une année, ou à qui cela n'arrive qu'une fois en toute une vie. Et, [inclus] dans l'humanité, se trouve celui qui ne connaît aucun Moment. Car celui qui tourne son attention vers les souffles tient les heures en son pouvoir, et tout ce qui est au-delà; et celui dont le Moment est la présence des heures perd la notion des souffles; et celui dont le Moment est les jours perd les heures; et celui dont le Moment est les semaines perd les jours; et celui dont le Moment est les années perd les mois; et celui dont le Moment est l'existence perd les années; et quiconque n'a pas de Moment n'a pas d'existence et perd sa vie après la mort. Il ne prolonge pas son himma animale. Et l'élévation personnelle indique l'étroitesse du Moment et la petitesse du savoir.

Celui qui n' a pas de Moment en  est privé seulement pendant la durée de sa maladie, aussi longtemps qu'il est gouverné par sa nature animale. Car il est impossible à la porte du monde invisible et à ses secrets de rester ouverts alors que le cœur les désire ardemment (22). En ce qui concerne la porte de la connaissance contemplative de Dieu, elle ne s'ouvre pas tant que le cœur se tourne vers quoi que ce soit qui appartienne au monde, visible ou invisible.

Et sache à propos de ces choses [qui nous sont] confiées [par Dieu - les devoirs de la Loi sacrée]: si une personne les recherche et les met à exécution, sans viser (himma) à aucune entreprise supérieure, sinon [dans l'espoir d'atteindre] le Paradis - elle est le fidèle, le compagnon de l'eau et la niche de prière. En revanche, si son intention est liée à ce qui est au-delà de l'adoration sans qu'elle y soit préparée, rien ne lui sera révélé et son intention ne lui profitera pas. Au contraire, une semblable personne ressemble à un malade. Ses forces et ses possibilités sont complètement anéanties, et avec elles la volonté, himma, et la capacité d'agir sont sérieusement endommagées. Comment pourrait-elle raisonnablement attendre ce que recherche son himma ? La préparation à la perfection, par l'himma et bien d'autres choses encore, est nécessaire (23).

Et s'il atteint l'essence de la réalité, et que son intention est dissoute - et la réalisation de ce qui se trouve au-delà n'a pas de limite - celui qui est parvenu au but dit : " Cela ne convient qu'ainsi, et ce seulement dans l'intérêt de l'étonnement que suscite le lever des voiles." Car par la connaissance qui émane de la contemplation il vient à se tourner vers ce qui est au-delà de chaque apparence : la Vérité au-delà des apparences. Car Celui qui est apparent, bien qu'Il ne soit qu'un dans Son essence, est infini dans Ses aspects. Ils sont Sa trace en nous (24).

Et pourtant celui qui sait connaît une soif éternelle, le désir et le respect s'attachent à lui à jamais. Et pour que cela se reproduise que les ouvriers œuvres, et pour que cela se reproduise que les prétendants s'affrontent.

Et la bénédiction de Dieu soit avec notre Maître Mohammed, et sur sa famille et ses compagnons; et la paix. Et loué soit Dieu, Seigneur des Mondes.

source: Voyage vers le Maître de la Puissance (Ibn'Arabi)


jeudi 3 octobre 2013

Voyage vers le Maître de la Puissance ou Explication de la retraite absolue 1 (Ibn'Arabi)

Au Nom de Dieu Très Bon, Très Miséricordieux 


Gloire soit rendue à Dieu, Dispensateur et Créateur de la Raison, Ordonnateur et Instituteur de la Transmission. A Lui sont la grâce et la puissance; de Lui émanent le pouvoir et la force. Il n' y a pas d'autre dieu que LUI, Seigneur du Trône gigantesque. Et que la paix et la bénédiction de Dieu soient avec celui en qui sont établis les signes de la conduite, celui qu'Il a envoyé avec la lumière par laquelle Il guide - et égare - celui qu'Il désire; et qu'elles soient avec sa noble famille et ses compagnons purs, jusqu'au Jour du Jugement.

Je répondrai à ta question, O noble ami et intime compagnon, au sujet du Voyage vers le Maître de la Puissance (qu'Il soit exalté) et de l'arrivée en Sa présence, et du retour, grâce à Lui, vers Sa création, sans séparation. Certes il n'est rien d'autre dans l'existence que DIEU le Très-Haut, ses attributs et ses actions. Tout est Lui, de Lui et pour Lui. S'il venait à être voilé et séparé du monde l'espace d'un battement de paupière, le monde s'évanouirait en un clin d’œil; il ne reste que parce qu'Il le préserve et le garde. Toutefois, Son apparition dans Sa lumière est si intense qu'elle subjugue nos perceptions, si bien que Sa manifestation, nous l'appelons un voile.

Je décrirai d'abord (qu'Allâh t'accorde le succès) la nature du voyage qui emporte vers Lui, puis la procédure lorsqu'on arrive et qu'on se tient devant Lui, et ce qu'Il dit alors qu'on prend place sur le tapis de Sa vision. Puis la nature du retour vers la présence (hadra) de Ses actions : avec Lui vers Lui. Et je décrirai l'annihilation en Lui, qui est un état qui précède l'état de retour (1).


Sache, O noble frère, que bien que les chemins soient nombreux, un seul est le chemin de la vérité. Ceux qui recherchent ce chemin diffèrent les uns des autres. Aussi bien qu'il n' y ait qu'un seul chemin conduisant à la vérité, l'aspect qu'il présente varie suivant les diverses conditions de ceux qui le cherchent; avec l'équilibre ou le déséquilibre de leur constitution, la persistance ou l'absence de leur motivation, la force ou la faiblesse de leur nature spirituelle, la rectitude ou la déviation de leur aspiration, la santé ou l'indisposition de leur relation à l'égard du but. Certains possèdent toutes les caractéristiques favorables, tandis que d'autres n'en possèdent que quelques-unes. Ainsi nous voyons que la constitution, par exemple, peut être une entrave pour l'un, alors que sa lutte spirituelle est noble et bonne. Et ce principe s'applique en tous les cas.

Je dois avant tout t'expliquer ce que sont les matrices des Royaumes, et ce qu'impliquent ici ces Royaumes. Royaumes (mawatin) est le terme qui désigne les couches inférieures du moment durant lequel les choses viennent à exister et où l'expérience se produit véritablement. Il est indispensable que tu saches ce que la vérité attend de toi dans chaque Royaume, afin que tu t'y rendes sans hésitation ni résistance (2).

Les Royaumes, quoique nombreux, dérivent tous de six Royaumes principaux. Le premier Royaume est l'existence avant l'existence, lors de laquelle on nous a posé la question : " Ne suis-Je pas ton Seigneur ?" Notre existence physique nous a fait quitter ce Royaume. Le deuxième Royaume est le monde où nous sommes à présent. Le troisième est l'Intervalle que nous traversons après la petite et la grande mort. Le quatrième Royaume est la Résurrection sur la terre qui s'éveille et le retour à la condition originelle. Le cinquième Royaume est le Jardin et le Feu. Le sixième Royaume est la Dune de sable en dehors du Jardin. Et dans chacun de ces Royaumes il se trouve des endroits qui sont des Royaumes à l’intérieur des Royaumes, et les appréhender tous dépasse le pouvoir humain (3).

Dans notre situation nous n'avons besoin que de l'explication du Royaume de ce monde, qui est le lieu de la responsabilité, de l'épreuve et du travail.

Sache que depuis que DIEU a créé les êtres humains et les a faits surgir du néant, ils n'ont cessé d'être des voyageurs. Ils n'ont aucun endroit où se reposer de leur voyage si ce n'est le Jardin ou le Feu, et chaque Jardin et chaque Feu est à la mesure de la personne.
Tout être rationnel doit savoir que le voyage se fonde sur le labeur et les difficultés de la vie, sur l'affliction et l'épreuve, et l'acceptation de dangers et de peurs terrifiants. Il est impossible pour le voyageur de trouver dans son voyage un confort, une sécurité ou un bonheur intacts. Car les eaux ont des saveurs différentes et le temps varie, et le caractère des gens en chaque lieu où l'on s'arrête diffère de leur caractère à l'étape suivante. Le voyageur doit apprendre de chaque situation ce qui est utile.
Il est le compagnon de tous l'espace d'une nuit ou bien d'une heure, puis il s'en va. Comment quelqu'un se trouvant dans cette situation pourrait-il s'attendre à la facilité ?

Nous n'avons pas précisé cela pour répondre à ceux qui s'attachent au confort dans ce monde, qui luttent pour le gagner et consacrent leurs forces à amasser les cailloux de ce monde. Nous ne nous soucions pas de ceux qui s'engagent dans cette activité méprisable, d'eux nous détournons notre attention. Mais nous l'offrons en conseil à quiconque désire hâter la félicité de la contemplation et la connaître ailleurs que dans le Royaume qui lui est propre, et hâter l'état de fana, l'annihilation, pour le connaître ailleurs que dans le lieu qui est le sien, et à quiconque aspire à se fondre dans le Réel au moyen de l'oblitération des mondes (4).



Les maîtres parmi nous méprisent cette [ambition] car elle fait perdre du temps et faillir à son rang [véritable], et associe le Royaume à ce qui ne lui convient pas (5). Car le monde est la prison du roi, non sa demeure; et quiconque cherche le roi dans sa prison, sans la quitter entièrement, viole la loi de la juste conduite (adab), et quelque chose d'essentiel lui échappe. Car le temps du fana dans la vérité est le temps du renoncement à une station plus haute que celle qui est atteinte.

La  révélation correspond à l'étendue et à la forme de la connaissance. La connaissance de Lui, que grâce à Lui tu obtiens au moment de ta lutte et de ton entraînement, tu en prendras conscience dans la contemplation ultérieurement. Mais ce que tu contempleras de Lui aura la forme de la connaissance que tu auras acquises auparavant. Tu n'avances en rien sinon par le transfert du savoir ('ilm) à la vision ('ayn); et la forme est une.

[Dans la contemplation] tu obtiens ce que tu dois avoir laissé dans son Royaume propre, et qui est la Maison de l'Autre Monde dans lequel le labeur n'existe pas. Il vaudrait donc mieux pour toi que, au moment de ta contemplation, tu te trouves engagé extérieurement à travailler, et en même temps, intérieurement, à recevoir la connaissance de Dieu. Tu accroîtrais alors la vertu et la beauté de ta nature spirituelle, qui cherche son Seigneur dans la connaissance reçue de Lui par les œuvres et la piété, de même que celles de ta nature personnelle, qui cherche son paradis. Car la nature humaine subtile est ressuscitée sous la forme de la connaissance, et les corps sont ressuscités sous la forme de leurs œuvres, soit en beauté soit en laideur.

Il en est ainsi jusqu'à ton dernier souffle, où tu es séparé du monde d'obligation et du Royaume des chemins ascendants et du développement progressif. Et ce n'est qu'alors que tu récolteras le fruit de ce que tu as semé.

Si tu as compris tout cela, alors sache (que Dieu nous accorde le succès à tous deux) que si tu désires entrer dans la présence de la Vérité et recevoir de Lui sans intermédiaire, et si tu désires être intime avec Lui, cela ne se pourra pas tant que ton cœur reconnaîtra toute suprématie autre que la Sienne. Car tu appartiens à ce qui exerce sur toi son autorité. De cela il n' y a aucun doute. Et l'isolement deviendra pour toi inévitable, ainsi qu'il te faudra préférer la retraite (khalwa) (6) aux associations humaines, car l'étendue de la distance qui te sépare de la création est l'étendue de la distance qui te rapproche de Dieu - extérieurement et intérieurement.

Ton premier devoir est de chercher la connaissance qui règle tes ablutions et tes prières, ton jeûne et ta révérence. Tu n'es pas obligé de chercher plus loin. C'est la première porte du voyage; puis vient le travail; puis la vigilance morale; puis l'ascétisme; puis la confiance. Et dans le premier des états de la confiance, tu rencontreras quatre miracles. Ce sont les signes et les preuves que tu es parvenu au premier degré de la confiance. Ces signes consistent à traverser la terre, marcher sur l'eau, traverser les airs, et être nourri par l'univers. Et c'est la réalité sur laquelle ouvre cette porte. Après cela, les stations, les états, les miracles et les révélations te viennent continuellement jusqu'à la mort.

Et pour l'amour de Dieu, n'entreprends pas la retraite avant de savoir à quelle étape tu te trouves, et de connaître ta force en ce qui concerne le pouvoir de l'imagination. Car si ton imagination te gouverne, aucune voie ne peut te mener à la retraite, à moins que tu ne te laisses guider par la main du cheikh qui sait peser la part des choses et rester en éveil. Si tu domines ton imagination, alors entreprends la retraite sans crainte.

La discipline est nécessaire avant toute retraite. La discipline spirituelle (riyada) suppose l'entraînement du caractère, l'abandon de l'insouciance et l'endurance dans l'humiliation. Car si une personne commence avant d'avoir acquis la discipline, elle ne deviendra jamais un homme, sauf en de rares exceptions.
Un derviche 

Lorsque tu renonces au monde, garde-toi de ceux qui viennent te voir et t'approcher, car celui qui s'éloigne du monde ne lui ouvre pas sa porte. Certes, l'objet de l'isolement est de s'éloigner des gens et de leur société, et l'objet de cet éloignement n'est pas d'abandonner leur compagnie physique, mais plutôt de ne laisser ni ton cœur ni ton oreille être le réceptacle des paroles vaines qu'ils t'apportent. Ton cœur ne se délivrera pas des divagations du monde, sinon en s'éloignant. Et quiconque se "retire" en sa maison et ouvre sa porte à ceux qui lui rendent visite cherche le pouvoir et l'estime, chassé de la porte de Dieu le Très-Haut; et pour quelqu'un comme celui-ci, la destruction est plus proche que le lacet de sa chaussure. Pour l'amour de Dieu, pour l'amour de Dieu, protège-toi de la fausseté de l'égo à cette étape, car la plupart sont détruits à cause d'elle. Aussi ferme la porte au monde; et ainsi la porte de ta demeure se trouvera entre toi et tes gens.

Et consacre-toi au dhikr, à la remémoration de Dieu, quelle que soit la sorte de dhikr que tu choisis. La plus haute est le Nom le plus grand; c'est lorsque tu dis " Allâh, Allâh," et rien d'autre que " Allâh".

Protège-toi d'une imagination corrompue qui te distrait de ta concentration. Aie le souci de ton alimentation. Il vaut mieux que ta nourriture soit nourrissante mais dépourvue de graisse animale (7). Méfie-toi de la satiété et d'une faim excessive. Préserve l'équilibre de ta constitution, car une sécheresse excessive mène à une imagination corrompue et à de longues divagations.

S'il doit y avoir une une influence qui altère la constitution (8) - et qui soit désirable - distingue entre les influences spirituelles angélique et démoniaque en observant ce qui est en toi lorsqu'elles cessent. C'est à dire, si l'influence est angélique, elle est suivie du bien-être et de la félicité. Tu n'auras conscience d'aucune douleur; tu ne subiras aucune altération de la forme (9); et l'influence laissera derrière elle la connaissance. Mais si elle est démoniaque, elle aura pour effet la désorientation physique, la douleur et le désarroi, la confusion et la bassesse; et elle laisse derrière elle l'égarement.
Protège-toi, et ne cesse pas de répéter le dhikr dans ton cœur  jusqu'à ce que DIEU en chasse l'influence démoniaque (10). Voilà ce que requiert la situation.

Veille à bien formuler ton intention. Tu dois convenir en entreprenant ta retraite qu'il n'existe rien de comparable à DIEU. Et à chaque forme qui t'apparaîtra dans ta retraite et qui dira " Je suis Dieu" réponds : " Dieu est autrement plus grand que cela ! Tu es grâce à Dieu." Souviens-toi de la forme de ce que tu as vu. Puis détourne-s-en ton attention et consacre-toi continuellement à ton dhikr.

Cela est un engagement. Le deuxième est que tu ne chercheras de Lui, lors de ta retraite, rien d'autre que Lui, et que tu n'attacheras ton himma, la force d'intention de ton cœur, à rien d'autre que Lui. Et si tout ce que contient l'univers était déployé devant toi, reçois-le gracieusement - mais ne t'arrête pas là. Persiste dans ta quête, car Il te met à l'épreuve. Si tu demeures avec ce qui t'est offert, Il t'échappera. Mais si tu parviens à Lui, rien ne t'échappera.

Si tu sais cela, sache que Dieu te met à l'épreuve par ce qu'Il étale devant toi. Il te révèle en premier son pouvoir sur l'ordre matériel, comme j'en discuterai plus loin.
C'est le dévoilement du monde sensoriel qui t'était caché, afin que les murs et les ombres ne voilent pas pour toi ce que les gens font dans leurs maisons. toutefois, si Dieu t'a informé d'un secret concernant quelqu'un, tu as l'obligation de le préserver et d'empêcher sa divulgation. Car si tu devais le divulguer et dire : " Celui-ci est un fornicateur et celui-ci un ivrogne et celui-ci un meurtrier et celui-là un voleur", tu serais toi-même le plus grand pécheur et Satan serait véritablement entré en toi. Agis donc en accord avec le Divin Nom al-Sattar, Celui qui pose le voile. Et si cette personne venait à te trouver, avertis-la en privé à propos de ses actions et conseille-lui de s'humilier devant Dieu et de ne pas transgresser les limites Divines. Détourne-toi le plus possible de ce type de perception et consacre-toi au dhikr.



Nous expliquerons [comment on voit] la différence entre la perception sensorielle et la perception imaginale subtile. C'est à dire que si, quant tu vois la forme d'une personne ou une action créée, tu fermes les yeux et que la perception reste en toi, elle vient de ton imagination; mais si elle t'est dissimulée, c'est que la conscience que tu en as est liée au lieu où tu l'as vue. S'il s'agit d'une perception du second type, en t'en détournant et en te consacrant au dhikr, tu passeras du niveau sensoriel au niveau imaginal.

C'est là que descendent  en toi des idées abstraites intelligibles sous des formes sensorielles. Cette descente est difficile, du fait que personne ne sait ce que ces formes signifient sauf un prophète, ou celui que Dieu a choisi parmi les justes. Aussi ne te soucie pas de cela. Si l'on t'offre à boire, choisis de l'eau. S'il n' y a pas d'eau dans ce qu'on t'offre, choisis du lait. Et si les deux te sont présentés, mélange l'eau et le lait. Cela s'applique également au miel : bois-le. Méfie-toi du vin à moins qu'il ne soit coupé d'eau de pluie. Abstiens-toi de le boire autrement, même s'il est coupé de l'eau des rivières ou des sources (11). Consacre-toi au dhikr jusqu'à ce que le monde de l'imagination soit soulevé et que le monde  des significations abstraites libres de toute matière te soit révélé.

Consacre-toi au dhikr, à la remémoration, jusqu'à ce que Celui dont tu te souviens se manifeste à toi et que le fait de l'appeler à ta mémoire s’efface dans le souvenir véritable. Cependant, cet effacement [du dhikr] est l'essence non seulement de la contemplation mais aussi du sommeil. La façon de les distinguer est que la contemplation laisse ses preuves et est suivie de la félicité, alors que le sommeil ne laisse rien et est suivi, à l'éveil,  du remords et de l'imploration.

Alors Dieu le Tout-Puissant te met à l'épreuve en déployant devant toi les degrés du royaume. Cela t'est indiqué comme une obligation.

D'abord tu découvriras les secrets du monde minéral. Tu connaîtras le secret de chaque pierre et ses propriétés particulières, néfastes et bénéfiques. Si tu t'éprends de ce monde, il te prendra au piège, et tu seras exilé loin de Dieu. Il te dépouillera de tout ce à quoi tu te cramponnes, et tu seras perdu. Mais si tu te consacres uniquement au dhikr, et te réfugies aux côtés de Celui dont tu te souviens, alors il te protégera et te révélera le monde végétal. Chaque brin de verdure te décrira ses propriétés néfastes et bénéfiques. Que ton jugement demeure inchangé. Au moment où le monde minéral t'es dévoilé, que ta nourriture soit ce qui accroît la chaleur et l'humidité, et au moment où le monde végétal t'est dévoilé, qu'elle soit ce qui équilibre la chaleur et l'humidité.

Et si tu ne t'arrête pas à cela, Il te révélera le monde animal. [Les animaux] te salueront et te feront connaître leurs propriétés néfastes et bénéfiques. Chaque espèce te fera connaître sa proclamation de majesté et de louange. Prête attention à ceci : si tu prends conscience que tous ces mondes sont engagés dans ce même dhikr auquel tu te consacres, ta perception est imaginale, et non réelle. C'est ton propre état qui est évoqué en tout ce qui existe. Mais si tu décèles en eux la variété de leur propre dhikr, c'est une perception véritable. Cette ascension est l'ascension de la dissolution de l'ordre de la nature, et l'état de contraction (qabd) t'accompagnera tout au long de ces mondes (12).

Après cela, Il te révèle l'infusion du monde de la force vitale dans les vies, et que  ce qui influence ce processus varie suivant la prédisposition de chacun, et comment les expressions [de la foi] se trouvent incluses dans cette infusion (13).

Et si tu ne t'arrêtes toujours pas à cela, Il te révélera les "signes de surface" (14). Tu seras averti par des signes terrifiants, et connaîtras de nombreuses sortes d'états. Tu verras distinctement le mécanisme des transformations :
comme ce qui est dense devient subtil, et ce qui est subtil, dense. Et si tu ne t'arrêtes toujours pas, la lumière de l'éparpillement des étincelles te deviendra visible, et tu devras te voiler pour t'en protéger. N'aie pas peur, et persévère dans le dhikr, car si tu persévères dans le dhikr, le désastre ne t'anéantira pas.

Si tu ne t'arrêtes toujours pas à cela, Il te révélera la lumière des étoiles montantes (15) et la forme de l'ordre universel (16). Et tu verras directement l'adab, la conduite convenable, pour entrer en la Présence Divine et l'adab pour se tenir devant le Réel et l'adab pour quitter sa Présence afin de retourner à la création; et la contemplation perpétuelle par les différents aspects des Noms Divins (al-asma' al-Ilahiyya), " le Manifeste" et "le Caché"; et la Perfection dont peu prennent conscience. Car tout ce qui sort de l'aspect du Manifeste entre dans l'aspect du Caché. L'essence est une. Rien ne s'est perdu.

Et après cela, tu sauras ce que veut dire recevoir la connaissance Divine de Dieu le Très-Haut, et comment on se prépare à la recevoir. Sache donc la conduite qui convient pour recevoir et donner, celle de la contraction et de l'expansion; et comment protéger le cœur, qui est le point d'arrivée des différents états, des flammes de la destruction; et sache que toutes les voies sont des cercles. Il n'y a pas de ligne droite. Mais cette lettre est trop brève pour aborder de tels sujets.

Et si tu ne t'arrêtes toujours pas à cela, Il te révélera les degrés des sciences spéculatives, des idées intégrales, et la forme des questions complexes qui plongent l'intelligence dans la confusion. Il révèle la différence entre supposition et savoir, la naissance des possibilités entre le monde des esprits et le monde physique (17), la cause de cette genèse, l'infusion du Mystère Divin dans le domaine de Son souci plein d'amour (18), la raison de l'abandon du monde par l'effort ou autrement - et d'autres questions du même genre qui requièrent de longues explications.

Et si tu ne t'es toujours pas arrêté, Il te révélera le monde de la formation, de l'ornement et de la beauté, ce sur quoi il convient à l'intellect de méditer parmi les formes saintes, le souffle vital de la beauté des formes et de l'harmonie, et le débordement de la langueur, de la tendresse et de la miséricorde dans tout ce qu'elles caractérisent. Et de ce niveau vient l'inspiration des poètes, alors que du précédent vient l'inspiration des prêcheurs.

Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révélera les degrés du qutb. Tout ce que tu as vu auparavant vient du monde de la main gauche, et non du monde de la main droite. Et c'est la place du cœur. S'Il rend ce monde manifeste à tes yeux, tu connaîtras le reflet, et l'infini de l'infini, et l'éternité des éternités, et l'ordre des existences et comment l'être s'y trouve infusé. Il te sera donné les sagesses Divines, le pouvoir de les préserver et l'intégrité de les transmettre aux sages, et il te sera donné le pouvoir des symboles et une vue du tout, et l'autorité sur le voile et le dévoilement.

Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révélera le monde de la fièvre, de la rage et du zèle pour la vérité et le mensonge; le fondement des apparences différentes qui se produisent dans le monde, la variation des formes, la discorde et la haine. Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révélera le monde de la jalousie et le dévoilement de la vérité devant la plus parfaite de ses faces; des opinions justifiées, des écoles véritables, et des traditions révélées; et tu verras en toute connaissance de cause que Dieu le Très-Haut les a parées, d'entre toutes les saintes connaissances, de la beauté la plus sublime. Et il n'est rien qui appartienne à une étape qu'Il te révèle, qui ne t'aborde avec révérence et exaltation; son degré dans la Présence Divine t'apparaît clairement, et [chacun] t'aime dans son essence (19).
A suivre.... inch Allâh 

source: Voyage vers le Maître de la Puissance (Ibn'Arabi)

mercredi 11 septembre 2013

UN APERÇU DE LA VIE D'IBN ARABI

Le père d'Ibn'Arabi, Ali Muhammad Ibn'Arabi, partit pour Bagdad à un âge avancé. Son vœu le plus cher était de laisser un fils derrière lui lorsqu'il mourrait. Il alla voir le grand cheikh Muhyiddin Abdul Qadir Jilani et lui demanda de prier DIEU de lui accorder le don d'un fils. Le cheikh se retira et entra dans une profonde contemplation. A son retour, il informa Ali ibn Muhammad : " J'ai contemplé le monde des secrets et il m' a été révélé que tu n'auras aucun descendant, aussi ne t'épuise pas à essayer."

Bien que découragé, le vieillard ne voulait pas renoncer. Il suppliait et insistait : " O Saint, DIEU exaucera certainement tes prières. Je te demande d'intervenir pour moi en cette affaire."
Le cheikh Abdul-Qadir Jilani se retira une fois encore et tomba dans une profonde contemplation. Après quelque temps il revint et dit que bien que Ali ibn Muhammad ne fût pas destiné à avoir de descendant, le saint était lui-même destiné à en avoir un. Le vieil homme aimerait-il avoir le fils du saint ?



Son visiteur accepta avec joie. Les deux hommes se mirent dos à dos, se tenant par les bras. Ali ibn Muhammad raconta plus tard cet épisode :

" Quand je me suis trouvé dos à dos avec le saint Abdul-Qadir Jilani, je sentis quelque chose de chaud descendre de mon cou jusqu'au creux de mes reins. Quelque temps plus tard il me vint un fils, que je nommai Muhyiddin, ainsi qu'Abdul-Qadir Jilani l'avait ordonné."

Le nom complet de Muhyiddin Ibn'Arabi était Abu-Bakr Muhyiddin ibn'Ali ibn Muhammad al-Hatimi al-Ta'i al-Andalusi. On lui a donné de nombreux titres : al-cheikh al-akbar, le plus grand des cheikhs, khatim al-awliya' al-Muhammad; al-cheikh al-a'zam, le cheikh exalté; qutb al-' arifin, l'Axe du vrai savoir; imam ul-munahiyuddin, le chef religieux des convertis; rahbar ul- ' alam, le Guide du monde; et bien d'autres encore. Dans son grand enseignement, Ibn Jawziya a commenté: " Ibn'Arabi était versé en  alchimie, et connaissait les secrets du plus grand Nom de DIEU, qui est caché dans le Coran." Le cheikh Sa'duddin Hamawi (1) a dit : " Muhyiddin est un océan de savoir qui n'a pas de rivages."

Muhyiddin Ibn'Arabi est né dans la ville de Murcie dans la province alors islamique d'Andalousie, en Espagne, le lundi 17 du mois saint du Ramadan de l'année 560 A.H. (le 28 juillet 1165). Son père était un soufi très renommé et respecté. Dans sa petite enfance, il fut reconnu et éduqué par deux saintes, Yasmin de Marchena et Fatima de Cordoba. A l'âge de huit ans, Ibn'Arabi et sa famille s'installèrent à Séville où il étudia avec Abu-Muhammad et ibn Bashkuwal, deux des plus grands théologiens et érudits en matière de Traditions Prophétiques de l'époque. Lorsque Ibn'Arabi eut dix-neuf ans, un ami de son père, le célèbre philosophe mystique Ibn Rushd (qu'on connaît en Occident sous le nom d'Averroès) exprima le désir de le rencontrer.
Très ému par le pouvoir intense qu'il ressentait rien qu'en échangeant quelques mots avec le jeune homme, l'érudit parla à son père en des termes qu'Ibn'Arabi rappelle de la façon suivante :

" Il remercia DIEU d'avoir pu rencontrer quelqu'un qui était entré en retraite spirituelle dans un état d'ignorance et l'avait quittée comme je l'avais fait. Il dit : " C'était un cas dont j'avais affirmé la possibilité sans rencontrer personne qui en eût fait l'expérience.
Gloire soit rendue à DIEU de ce que j'aie vécu à une époque où il existe un maître de cette expérience, l'un de ceux qui ouvrent les verrous de Ses portes. Gloire soit rendue à DIEU qui m'a accordé le don de voir l'un d'eux par moi-même".

Du fait que c'était la rumeur de "ce que DIEU avait révélé au jeune homme au cours de sa retraite spirituelle" qui avait attiré l'attention de d'Ibn Rushd, nous savons qu'Ibn'Arabi eut sa première expérience du sujet de ce livre, l'ascension mystique dans le khalwa, alors qu'il n'avait pas encore vingt ans. Il n'écrivit cependant pas Voyage vers le Maître de la Puissance avant que vingt autres années  aient passé.

En 1201, à l'âge de trente-six ans, Ibn'Arabi accomplit le Pèlerinage à la Mecque. A cette époque il priait DIEU de lui révéler tout ce qui allait survenir dans les mondes matériel et spirituel. DIEU, acceptant ce vœu, lui ouvrit le monde des secrets. Sur cette question, Ibn'Arabi déclara plus tard : " Je sais le nom et la généalogie de chaque qutb qui viendra jusqu'au Jour du Jugement. Mais puisque s'opposer à ce qui est écrit entraîne une destruction certaine, par compassion pour les générations à venir j'ai décidé de dissimiler ce savoir."

Après le Pèlerinage, Ibn'Arabi voyagea en Egypte, en Irak, à Damas, s'arrêta à Konya, en Turquie, où il rencontra Sadruddin Qunyawi, un jeune érudit soufi, dont il épousa la mère. Le jeune Sadruddin devint l'un de ses plus proches disciples, qu'il enrichit d'une grande connaissance matérielle et spirituelle.
Voyage vers le Maître de la Puissance, publié à Konya par l'auteur trois ans après son Pèlerinage, s'adressait probablement à ce saint homme.

En l'année 1223, Ibn'Arabi repartit pour Damas, où il rencontra, visiblement et invisiblement, de nombreux autres maîtres  soufis. C'est là qu'il passa le reste de sa vie. On pense qu'il est mort en 1240.

Ibn'Arabi fait mention de trois rencontres avec Khidr, le guide secret des soufis. Il relate leur première rencontre de la façon suivante :

" C'était au tout début de mon éducation. Mon cheikh, Abul-Hassan, attribuait de la connaissance à quelqu'un. De toute la journée je ne cessai pas d'exprimer mon désaccord. Lorsque je le quittai, en rentrant chez moi je rencontrai un être d'une grande beauté qui me fit signe et me dit : " Ce que t'a dit ton maître était exact - accepte-le." Je courus vers mon cheikh et lui racontai ce qui était arrivé. Il me dit qu'il avait prié afin que Khidr vienne à ma rencontre et confirme son enseignement. En entendant cela, je décidai une fois pour toutes de ne plus jamais entrer en désaccord avec lui."

De leur deuxième rencontre, il dit :

"... je me trouvais dans le port de Tunisie à bord d'un  bateau. Une nuit je ne  pus trouver le sommeil et montai faire une promenade sur le pont. Je contemplai une magnifique pleine lune, quand soudain je vis un grand homme à barbe blanche venir vers moi, marchant sur l'eau sur le flanc du bateau. J'étais stupéfait. Il vint juste devant moi et plaça son pied droit sur son pied gauche en guise de salutation. Je vis que ses pieds n'étaient pas mouillés. Il me salua, dit quelques mots, et se mit en route pour la ville de Bénares, qui se trouvait sur une colline voisine. A ma profonde stupeur il parcourait quatre kilomètres à chaque enjambée.
De loin je l'entendis chanter le Dhikr de sa belle voix. Le lendemain je me rendis en ville, où je rencontrai un cheikh qui me demanda comment s'était passée ma soirée avec Khidr, et de quoi nous avions conversé."

La troisième rencontre d'Ibn'Arabi et de Khidr, d'après une tradition, eut lieu dans une petite mosquée espagnole, sur les rives de l'Atlantique, où Ibn'Arabi faisait ses prières de midi,. Une personne qui l'accompagnait niait l'existence des miracles. Il y avait quelques autres voyageurs dans la mosquée. tout à coup il vit la même personne qu'il avait rencontrée précédemment en Tunisie. Le grand homme à barbe blanche alla chercher son tapis de prière en paille dans la niche, s'éleva de quatre mètres dans les airs, et fit sa prière de cette position. Plus tard il revint dire à Ibn'Arabi qu'il l'avait fait en guise de démonstration à l'intention du sceptique qui avait contesté l'existence de miracles.



Lorsque Muhyiddin Ibn'Arabi s'éleva au-dessus du niveau du cheikh Abul-Hassan al-Uryani, il écrit à son professeur une lettre qui disait : " Tourne-toi vers moi de tout ton cœur et pose-moi tes questions, et je tournerai vers toi de tout mon cœur et y répondrai."

Au bout de quelque temps il reçut une lettre de son professeur, qui disait :

" J'ai rêvé que tous les saints étaient réunis en cercle avec deux hommes au centre. L'un d'eux était Abul-Hassan ibn Siban. Je ne pouvais voir le visage du second. Puis j'entendis une voix disant que l'autre homme au centre était Andalou, et que l'un des deux serait le qutb de notre temps. Un verset du Coran fut chanté, les deux hommes se prosternèrent, et la voix dit : " Celui qui lèvera la tête le premier sera le qutb."  L'Andalou leva la tête le premier. Je posai à la voix une question sans lettres ni mots. La voix me répondit en soufflant dans ma direction. Ce souffle contenait la réponse à toutes mes questions. Tous les saints réunis en cercle et moi-même entrâmes en extase sous l'effet de ce souffle. Je regardai le visage de l'Andalou au centre du cercle.
C'était toi, O Muhyiddin Ibn'Arabi."

source: Voyage vers le Maître de la Puissance.




  1. (1191 ou 1198-1252 ou 1260) était l'un des douze héritiers du grand cheikh Najmuddin Kubra, et un célèbre soufi de son époque. Sadruddin Qunyawi, disciple d'Ibn'Arabi, assista à ses réunions quand il était adolescent. Le cheikh Hamawi était connu comme compositeur de poésie mystique et de textes soufis. On lui attribue de nombreux miracles. On dit que son  âme quitta un jour son corps pendant treize jours.

mercredi 4 septembre 2013

Voyage vers le Maître de la Puissance (introduction) - Ibn'Arabi

Introduction

par Le Cheikh Muzzafer Ozak al-Jerrahi

Ce traité, qui renferme des mystères Divins, est un guide édifiant pour ceux qui recherchent la vérité et la vision. Ceux qui désirent être intimes avec DIEU, qui déambulent dans les jardins à la recherche des boutons de rose du savoir, devraient lire ce livre et apprendre à "être". Du fait que l'auteur de cet ouvrage est Ibn'Arabi, quiconque feuillette ces pages conversera avec lui.

L'influence spirituelle miraculeuse de ce saint, en orient et occident, est éclatante. Il a enseigné le Tawhid, l'Unité, à l'humanité, et continuera à l'éclairer jusqu'au Jour du Jugement Dernier. Ses enseignements sur les merveilles de la création et sa connaissance miraculeuse - exprimés dans des œuvres telles que al-Futuhat al - Makkiyya (" Livre des conquêtes spirituelles de la Mecque"), Fusus al-Hikam (" Les germes des sagesses des prophètes"), et d'autres ouvrages dont on compte plus de 500 - témoignent de son importance.



Il avait autant d'ennemis que de fervents partisans, des bigots qui comme des chauves-souris étaient aveuglés par la lumière du Saint.
Certains se font les ennemis de ceux qu'ils ne connaissent pas, qu'ils ne peuvent connaître ni comprendre. Même ceux qui l'ont nommé al-Cheikh al-akbar (" Le plus grand Maître") étaient de ceux qui ne le comprenaient pas. Certains d'entre eux allaient jusqu'à le détester. Le Saint ne se contenta pas de pardonner à ces personnes faibles; il déclara qu'il intercéderait en leur faveur au Jour du Jugement, car il fallait les prendre en pitié de ce qu'elles n'aient pas su le comprendre. Certes, de même que l'orfèvre connaît la valeur de l'or, le sage connaît la valeur du savoir et l'homme parfait et omniscient pardonne aux ignorants leur indigence. Cette compassion est une preuve suffisante de la perfection du Saint.

Un jour, l'un des adversaires d'Ibn'Arabi tomba malade. Le cheikh alla lui rendre visite. Il frappa à la porte et pria  l'épouse du malade d'annoncer qu'il désirait présenter ses respects. La femme alla porter le message et s'en revint pour dire au cheikh que son mari ne souhaitait pas le voir. Le cheikh n'avait rien à faire dans cette maison, l'informa -t'-elle. Le lieu qui lui convenait était l'église. Le cheikh remercia la femme et déclara que puisqu'un homme bon comme son époux ne l'enverrait certainement pas en un mauvais lieu, il se conformerait à cette suggestion. Aussi après avoir prié pour la santé et le bien-être du malade, le cheikh s'en fut-il pour l'église.

Lorsqu'il arriva, il ôta ses chaussures, entra avec une humble courtoisie, et se dirigea lentement et sans bruit vers un coin, où il s'assit. Le prêtre était en train de délivrer un sermon qu'Ibn'Arabi écouta avec la plus extrême attention. Au cours de ce sermon, le cheikh eut le sentiment  que le prêtre avait calomnié Jésus en lui attribuant l'affirmation d'être le fils de DIEU. Le cheikh se leva et émit courtoisement une objection à cette déclaration. " O vénérable prêtre,  commença-t-il, le Saint Jésus n'a pas dit cela. Au contraire, il a annoncé la bonne nouvelle de l'arrivée du Prophète Ahmad (Mohammed, la paix et la bénédiction soient avec lui)."

Le prêtre nia que Jésus eût dit cela. Le débat se poursuivit interminablement. Pour finir le cheikh, indiquant l'image de Jésus sur le mur de l'église, dit au prêtre d'interroger Jésus lui-même. Il répondrait et déciderait une fois pour toutes. Le prêtre protesta avec véhémence, s'arguant du fait qu'une image ne pouvait répondre. " Cette image-ci le pourrait, insista le cheikh, car Dieu, qui fit parler Jésus alors qu'il n'était qu'un bébé dans les bras de la Sainte Vierge, était aussi capable de faire parler une image." La congrégation qui suivait le débat s'anima en entendant cela. Le prêtre fut contraint de se tourner vers l'image de Jésus et de s'adresser à elle : " O Fils de Dieu ! Montre-nous le chemin de la vérité. Dis-nous qui de nous deux est dans le vrai."
Par la volonté de DIEU, l'image parla et répondit : " Je ne suis pas le fils de Dieu, je suis son messager, et après moi est venu le dernier des prophètes, le Saint Ahmad; je vous l'ai annoncé, et je répète cette bonne nouvelle à présent."

Au vu de ce miracle, toute la congrégation accepta l'Islam et, avec à sa tête Ibn'Arabi, partit à la mosquée. Tandis qu'ils passaient devant la demeure du malade, on pouvait voir celui-ci, les yeux écarquillés de stupéfaction, regarder par la fenêtre ce curieux spectacle. Le saint s'arrêta, bénit et remercia l'homme qui l'avait insulté, disant qu'il fallait à lui aussi lui rendre louange du salut de toutes ces personnes.

Peu de gens comprirent le saint de son vivant. Un jour il gravit la montagne, à Damas où il prêchait, et dit : " Gens de Damas, le dieu que vous adorez est sous mes pieds."

En entendant ces mots, ils l'emprisonnèrent et s'apprêtèrent à le tuer. En fait, selon une tradition, lors de cet incident il fut martyrisé. D'après une autre tradition, un cheikh de cette époque, Abul-Hassan, l'amena à nuancer ses paroles et le sauva de la mort par le dialogue suivant :

" Comment a-t-on pu emprisonner quelqu'un, demanda-t-il à Ibn'Arabi, grâce auquel le monde des anges est venu au monde mortel ?

- Mes paroles furent prononcées, répondit le cheikh, dans l'ivresse de l'état que tu décris."

Pourtant les paroles et les œuvres d'Ibn'Arabi créèrent une réaction si violente en son temps qu'on détruisit sa tombe après sa mort sans en laisser une seule trace.

L'une de ses déclarations les plus énigmatiques fut : " Idha dakhala al-sin ila al-shin/yazhara gabru Muhyiddin." qui signifie : " Quand S entrera dans SH (les lettres sin et shin en arabe), la tombe de Muhyiddin sera découverte." Lorsque le neuvième sultan ottoman, Selim II, conquit Damas en 1516, il apprit cette déclaration de la bouche d'un érudit contemporain nommé Zembilli Ali Efendi, qui l’interprétait comme une prophétie signifiant : " Quand Selim (dont le nom commence par la lettre sin) entrera dans la cité de Sham (nom arabe de Damas, qui commence par la lettre shin) il découvrira la tombe d'Ibn'Arabi."  Alors le Sultan Selim découvrit grâce aux théologiens de la ville l'endroit où le Saint avait déclaré : " Le dieu que vous adorez est sous mes pieds", et le fit creuser. Il découvrit d'abord un trésor de pièces d'or, qui révélait ce que le Saint avait voulu dire. Et à proximité, il trouva la tombe de celui-ci. Avec le trésor, le Sultan Selim fit construire un magnifique mausolée, qui est aussi  une mosquée, sur le site de la tombe. Il se dresse encore aujourd'hui dans la ville de Damas, en un lieu qu'on appelle Salihiyya, sur les pentes de la montagne Qasiyun.

Muhibbudin al-Tabari (1) attribue l'histoire suivante à sa mère :

" Muhyiddin Ibn'Arabi était en train de délivrer un sermon à la Kaaba sur la signification de la Kaaba. En mon for intérieur, je n'étais pas d'accord avec son enseignement.
Cette nuit-là je vis le cheikh en rêve. Dans ce songe, Fakhruddin al-Razi, un des plus grands théologiens de l'époque, venait au Pèlerinage en grande pompe et en grand appareil, et marchait autour de la Kaaba. Ses yeux se posèrent sur un homme simple dans son habit de pèlerin, qui se trouvait-là, assis tranquillement. Il se dit lui-même : " L'insolence de cet homme, qui ne se lève pas en présence d'un grand personnage tel que moi !" Un peu plus tard, il alla prêcher à la Grande Mosquée de la Mecque. Toute la population de la ville sainte s'était rassemblée pour entendre les paroles de ce célèbre érudit qui était l'auteur de l'interprétation la plus importante du Coran. Fakhruddin al-Razi monta lentement à la chaire et commença : " O grande congrégation de Musulmans" et rien d'autre ne sortit de sa bouche. On aurait dit que tout le contenu de son esprit avait été effacé. Il se mit à transpirer d'embarras. Il s'excusa, disant qu'il ne se sentait pas bien, et quitta la chaire sans un mot.

Quand il arriva chez lui, il protesta et pria : " O Seigneur, qu'ai-je donc fait pour que tu me punisses en me plongeant dans un tel embarras ?" Cette nuit-là il lui fut montré en rêve l'homme auquel il avait en secret reproché de ne pas se tenir debout en sa présence. C'était Muhyiddin Ibn'Arabi. Pendant des jours et des jours il le chercha. Alors qu'il venait d'abandonner tout espoir de le trouver, on frappa à la porte, et Ibn'Arabi se trouva là, debout, devant-lui. Il demanda pardon, et son savoir lui fut rendu."

A une époque récente se produisit le cas d'un autre érudit, Ibrahim Haleri, l'imam de la mosquée Fatih d'Istamboul, homme extrêmement orthodoxe qui s'opposait aux enseignements religieux d'Ibn'Arabi. Un jour, lors d'une discussion passionnée avec des gens qui défendaient le Cheikh, il tapa du pied en disant : " Si j'avais été là, je lui aurais écrasé la tête comme ça !" Ce faisant, il marcha sur un clou énorme. La blessure ne guérit jamais, et provoqua sa mort. (La mosquée Fatih a un sol de pierre, et non un plancher.)

Selon une tradition orale, un jour à Damas Ibn'Arabi vit un beau jeune garçon juif. Alors qu'il le regardait, le garçon vint vers lui et l'appela "père". A partir de ce jour le garçon ne le quitta plus. Son père le chercha, le trouva avec le Cheikh, et voulut le ramener avec lui.
Le garçon ne le reconnut pas et affirma que le Cheikh était son père. Celui-ci, stupéfié, dit au Cheikh qu'il pouvait lui présenter des centaines de témoins pour prouver que le garçon était bien son fils. Le Cheikh répondit : " Si le garçon affirme que je suis son père, alors je suis son père." Le père se rendit au tribunal pour réclamer son enfant, et présenta des centaines de témoins. Lorsque le juge demanda au Cheikh si l'enfant était bien de lui, le Cheikh exigea qu'on pose la question au garçon. Celui-ci déclara que le Cheikh était son père. Alors le Cheikh demanda aux témoins si cet enfant juif avait appris le Coran. Ils répondirent : " Comment un enfant juif pourrait-il avoir  apprendre le Coran ?" Le juge demanda au garçon de réciter le Coran, ce qu'il fit avec une grande beauté. Alors le Cheikh demanda aux témoins si l'enfant connaissait les traditions du Prophète Mohammed. Ils répondirent : " Comment un enfant juif pourrait-il connaître une telle science, qui ne correspond pas à son mode de vie ?" Le juge interrogea minutieusement le garçon au sujet des traditions prophétiques. L'enfant répondit à chacune de ses questions correctement et de manière complète. Les juifs qui comprirent ce miracle acceptèrent l'Islam.

L'histoire qui suit est incluse vers la fin de Futuha al-Makkiya : dans l'atmosphère orthodoxe d'une école de droit canon, un professeur enseignait la racine du mot qui signifie "hérétique" (zindiq). Certains étudiants malicieux se demandèrent si cela ne venait pas du mot zenuddin, qui veut dire "femme religieuse". Un autre étudiant dit "Zindiq est quelqu'un comme Muhyiddin Ibn'Arabi...
N'est-ce-pas, Maître ?" Le professeur répondit brièvement "oui".

C'était le Ramadan, le mois de jeûne, et le professeur avait invité les étudiants chez lui pour rompre le jeûne en sa compagnie. Assis en attendant le début du repas, les mêmes étudiants malicieux taquinèrent leur maître : " Si tu ne peux pas nous révéler le nom  du plus grand saint de notre époque, nous ne romprons pas le jeûne avec ta nourriture." Le professeur répondit que le plus grand Cheikh de tous les temps était Muhyiddin Ibn'Arabi.
Les étudiants protestèrent, disant que plus tôt à l'école, quand ils avaient donné Ibn'Arabi comme exemple d'hérétique, il avait approuvé. Et voilà qu'il affirmait que le Cheikh était le plus grand saint de tous ceux de leur époque ! Le professeur répondit, l'ombre d'un sourire aux lèvres : " A l'école nous nous trouvons entre gens d'orthodoxie, des érudits et des légistes; ici nous sommes entre gens d'amour."





source: Voyage vers le Maître de la Puissance (Ibn'Arabi)







  1. (1218-1195), juriste et traditionaliste de la Mecque, auteur d'une série très connue de hadith et dont 216 œuvres ont survécu.

mercredi 28 août 2013

Voyage vers le Maître de la Puissance - Ibn'Arabi

Allâh le Nom de DIEU
Au Nom de DIEU Très Bon, Très Miséricordieux

Le voyage vers le Maître de la Puissance, qui est fort connu en arabe sous le titre Risalat ul-anwar fima yumnah sahib al-khalwa min al-asrar (" Traité sur les lumières dans les secrets accordés à celui qui entreprend la retraite"), de Muhyiddin Ibn ul-Arabi (1165-1240), fut originellement publié à Konya, en Turquie. Il existe actuellement quelques soixante-dix copies du manuscrit dans les bibliothèques de par le monde, sous ce titre ou des variantes telles que " Le livre du voyage vers la réalité" et " Le livre de la retraite". Il y a eu deux éditions publiées en arabe: celle du Caire, en 1914, et celle d'Hyderabad, en 1948. Ceci est la première publication de l'ouvrage en anglais.
Il n'existe aucune édition critique du Voyage vers le Maître de la Puissance. J'ai consulté aussi bien les éditions imprimées du texte que la copie partielle du manuscrit, datant du XVIIéme siècle, et appartenant à la collection Garrett de l'université de Princeton.  Toutefois, la traduction suit pour une bonne part une troisième version imprimée qui accompagne le commentaire.

A propos de ce commentaire, al-Isar 'an risatlat-ul-anwar fima yatajalla li ahl il-dhikr min al-asrar (" Dévoilement du "Traité sur les secrets révélés au peuple du Dhikr") d'Abdul Karim Jili (1365-1408), on dispose de bien peu d'informations. Il n'est pas  daté; les sources bibliographiques ne font référence qu'à deux manuscrits. Il existe aussi sous le titre de Sharh ul-khalwat il-mutlag (" Explication de la retraite absolue"). La seule version que j'aie pu me procurer fut publiée an arabe à Damas en 1929. Les fragments publiés ici représentent également la première traduction anglaise du commentaire.

Le Voyage vers le Maître de la Puissance, d'Ibn'Arabi, fut écrit, ainsi que le montre le texte, en réponse aux questions d'un ami dont le nom n'est pas mentionné et qui était lui-même un saint  et un maître soufi. Bien qu'il fût l'auteur de nombreux volumes, Ibn'Arabi affirmait n'avoir rien écrit autrement qu'en obéissant à un commandement Divin. Dans cette lettre, il traite des conditions, des expériences, et des résultats de l'annihilation en DIEU.



Voyage vers le Maître de la Puissance est une discussion du khalwa, la retraite spirituelle, pratique soufie avancée et dangereuse qui vise à atteindre la présence de DIEU par un renoncement total au monde. Le khalwa n'est en aucune façon une technique applicable par tous. Ibn'Arabi déclare explicitement qu'en raison des tromperies qu crée l'imagination, on ne peut l'entreprendre que sur ordre d'un cheikh, ou de quelqu'un qui a acquis la maîtrise de lui-même.
Il indique en outre que poursuivre les expériences du khalwa sans être parfaitement accompli en ce qui concerne les devoirs et la pratique de l'Islam est une invitation à la destruction personnelle. Enfin, chaque étape de l’ascension qu'il décrit est une tentation, et y succomber n'apporterait que calamité et égarement. Seul celui dont le désir de DIEU est irrésistible et qui ne se soucie de rien d'autre est sauf en de telles circonstances.
Mont Hira à la Mecque

La pratique du khalwa fut initiée dans l'Islam par le Prophète Mohammed (que la Paix et la Bénédiction d'Allâh soient sur lui), qui avait coutume de se retirer dans une grotte du mont Hira pour se livrer à la contemplation. L'ascension spirituelle qui gravit tous les degrés de l'existence menant à la présence de DIEU, telle que la décrit Ibn'Arabi, possède également un précédent prophétique. Dans son grand voyage nocturne et son ascension, Mohammed se trouva transporté - en un instant qui valait 70 000 années - de la Mecque à Jérusalem et de Jérusalem à travers les cieux, à la Présence du DIEU Aimé, puis en revint.

Selon une tradition, Abu-Jahl, l'un des plus grands ennemis et persécuteurs du Prophète, entendit relater cet épisode et alla voir Mohammed. Le Prophète le reçut.

"Lève un pied du sol", dit Abu-Jahl.
Le Prophète obéit.
"Maintenant lève l'autre, reprit-il.
- Je ne peux pas, répondit le Prophète.
- Comment peux-tu, toi qui est incapable de lever les deux pieds du sol, affirmer que tu es allé au septième ciel la nuit dernière ?

- Ah, mais je n'ai pas dit que j'y suis allé, répondit le Prophète. J'ai dit que j'y ai été transporté."

Ainsi que le fait remarquer Abdul-Karim Jili dans son commentaire, le don de cette ascension, accordé sans préparation aux Prophètes, doit être mérité par les saints.
Son prix est la perfection des arts intérieurs et extérieurs de l'Islam, c'est à dire la soumission à DIEU. Sans la connaissance acquise grâce à la Loi sacrée et la bataille intérieure avec l’ego, il ne peut y avoir aucune contemplation, car comme l'écrit Ibn'Arabi :

" La révélation correspond à l'étendue et la forme de la connaissance. La connaissance de Lui, qui découle de Lui, que tu acquiers au moment de ta lutte et de ton entraînement, tu la réaliseras dans la contemplation. Mais ce que tu contempleras de Lui aura la forme de la connaissance que tu auras acquise auparavant. Tu n'avances en rien sinon par ton transfert de la connaissance ('ilm) à la vision (ayn); et la forme est une."

Voyage vers le Maître de la Puissance, en l'espace d'une lettre brève et extrêmement condensée, touche à de nombreux thèmes qui ne trouvent leur complet développement que dans les autres œuvres d'Ibn'Arabi. Abdul-Karim Jili le fait clairement remarquer dans son commentaire, et éclaire d'autres déclarations aussi obscures par sa connaissance, sa familiarité profondes avec l'oeuvre d'Ibn Arabi. Les commentaires qu'il a produits de certains des passages les plus difficiles ont été ajoutés sous forme de notes.



De nombreuses  histoires où Ibn'Arabi intervient  nous ont été transmises. Plusieurs d'entre  elles sont relatées dans l'introduction. On sait bien moins de choses, en revanche, d'Abdul-Karim Jili. Cet homme fort respecté, qui mourut entre 1408 et 1417, était aussi un cheikh, descendant du grand saint Abdul-Qadir Jilani. Il est le principal systématiseur et l'un des plus grands interprètes de l'oeuvre d'Ibn'Arabi. Son livre, al-Insan al-kamil (" L'homme parfait"), qui explique les enseignements d'Ibn'Arabi quant à la structure de la réalité et de la perfection humaine, est considéré comme un chef-d'oeuvre de la littérature soufie.

On a dit que l'objet du soufisme était la production de saints. Dans l'Islam, on appelle les saints awliya, les amis de DIEU. Le Coran décrit leur état : " les amis d'Allâh - aucune peur ne tombe sur eux, et ils ne s'affligent pas." (10 : 62). Les awliya sont ceux en lesquels il ne subsiste aucune trace de fausse existence. DIEU les garde dans une soumission parfaite, si bien que leurs actions sont Ses actions. Un hadith qudsi dit : " Rien ne m'est plus agréable, parmi les moyens qu'a mon serviteur de se rapprocher de moi, que le culte auquel je l'ai soumis; et mon serviteur ne cesse de s'approcher de moi avec des dévotions volontaires accrues jusqu'à ce que je l'aime; et quand je l'aime je deviens l'ouïe avec laquelle il entend et l’œil avec lequel il voit et la main avec laquelle il prend et le pied avec lequel il marche." Grâce aux saints, dont la vie porte témoignage d'un tel état, l'humanité pourrait comprendre l'oeuvre pour laquelle elle a été créée, et reconnaître que l'être humain véritable est le représentant de DIEU. Par une promesse Divine, le monde n'en sera pas dépourvu jusqu'à la fin des temps.

J'aimerai mentionner l'assistance que m'ont apportée le professeur Roy Parviz Mottahedeh de l'université de Princeton et M. Simon Bryquer de New York pour la révision du manuscrit.

Gloire soit rendue à Allâh pour la générosité du al-Hajj Cheikh Muzafferuddin Ozak Efendi al-Jerrahi al-Halveti d'Istamboul, dont les paroles offrent une introduction édifiante au texte d'Ibn'Arabi, et pour le soutien inestimable du al-Hajj Cheikh Tosun Bekir Bayrak Efendi al-Jerrahi al-Haveti de New-York.

J'aimerai dédier cette traduction à mon père et à ma mère.

Toute erreur contenue dans ce livre serait mienne; mais à Lui seul revient l'éloge.
Puisse le lecteur trouver cette lecture profitable.

Préface de Rabia Terri Harris.
à suivre... (l'introduction)