mercredi 11 septembre 2013

UN APERÇU DE LA VIE D'IBN ARABI

Le père d'Ibn'Arabi, Ali Muhammad Ibn'Arabi, partit pour Bagdad à un âge avancé. Son vœu le plus cher était de laisser un fils derrière lui lorsqu'il mourrait. Il alla voir le grand cheikh Muhyiddin Abdul Qadir Jilani et lui demanda de prier DIEU de lui accorder le don d'un fils. Le cheikh se retira et entra dans une profonde contemplation. A son retour, il informa Ali ibn Muhammad : " J'ai contemplé le monde des secrets et il m' a été révélé que tu n'auras aucun descendant, aussi ne t'épuise pas à essayer."

Bien que découragé, le vieillard ne voulait pas renoncer. Il suppliait et insistait : " O Saint, DIEU exaucera certainement tes prières. Je te demande d'intervenir pour moi en cette affaire."
Le cheikh Abdul-Qadir Jilani se retira une fois encore et tomba dans une profonde contemplation. Après quelque temps il revint et dit que bien que Ali ibn Muhammad ne fût pas destiné à avoir de descendant, le saint était lui-même destiné à en avoir un. Le vieil homme aimerait-il avoir le fils du saint ?



Son visiteur accepta avec joie. Les deux hommes se mirent dos à dos, se tenant par les bras. Ali ibn Muhammad raconta plus tard cet épisode :

" Quand je me suis trouvé dos à dos avec le saint Abdul-Qadir Jilani, je sentis quelque chose de chaud descendre de mon cou jusqu'au creux de mes reins. Quelque temps plus tard il me vint un fils, que je nommai Muhyiddin, ainsi qu'Abdul-Qadir Jilani l'avait ordonné."

Le nom complet de Muhyiddin Ibn'Arabi était Abu-Bakr Muhyiddin ibn'Ali ibn Muhammad al-Hatimi al-Ta'i al-Andalusi. On lui a donné de nombreux titres : al-cheikh al-akbar, le plus grand des cheikhs, khatim al-awliya' al-Muhammad; al-cheikh al-a'zam, le cheikh exalté; qutb al-' arifin, l'Axe du vrai savoir; imam ul-munahiyuddin, le chef religieux des convertis; rahbar ul- ' alam, le Guide du monde; et bien d'autres encore. Dans son grand enseignement, Ibn Jawziya a commenté: " Ibn'Arabi était versé en  alchimie, et connaissait les secrets du plus grand Nom de DIEU, qui est caché dans le Coran." Le cheikh Sa'duddin Hamawi (1) a dit : " Muhyiddin est un océan de savoir qui n'a pas de rivages."

Muhyiddin Ibn'Arabi est né dans la ville de Murcie dans la province alors islamique d'Andalousie, en Espagne, le lundi 17 du mois saint du Ramadan de l'année 560 A.H. (le 28 juillet 1165). Son père était un soufi très renommé et respecté. Dans sa petite enfance, il fut reconnu et éduqué par deux saintes, Yasmin de Marchena et Fatima de Cordoba. A l'âge de huit ans, Ibn'Arabi et sa famille s'installèrent à Séville où il étudia avec Abu-Muhammad et ibn Bashkuwal, deux des plus grands théologiens et érudits en matière de Traditions Prophétiques de l'époque. Lorsque Ibn'Arabi eut dix-neuf ans, un ami de son père, le célèbre philosophe mystique Ibn Rushd (qu'on connaît en Occident sous le nom d'Averroès) exprima le désir de le rencontrer.
Très ému par le pouvoir intense qu'il ressentait rien qu'en échangeant quelques mots avec le jeune homme, l'érudit parla à son père en des termes qu'Ibn'Arabi rappelle de la façon suivante :

" Il remercia DIEU d'avoir pu rencontrer quelqu'un qui était entré en retraite spirituelle dans un état d'ignorance et l'avait quittée comme je l'avais fait. Il dit : " C'était un cas dont j'avais affirmé la possibilité sans rencontrer personne qui en eût fait l'expérience.
Gloire soit rendue à DIEU de ce que j'aie vécu à une époque où il existe un maître de cette expérience, l'un de ceux qui ouvrent les verrous de Ses portes. Gloire soit rendue à DIEU qui m'a accordé le don de voir l'un d'eux par moi-même".

Du fait que c'était la rumeur de "ce que DIEU avait révélé au jeune homme au cours de sa retraite spirituelle" qui avait attiré l'attention de d'Ibn Rushd, nous savons qu'Ibn'Arabi eut sa première expérience du sujet de ce livre, l'ascension mystique dans le khalwa, alors qu'il n'avait pas encore vingt ans. Il n'écrivit cependant pas Voyage vers le Maître de la Puissance avant que vingt autres années  aient passé.

En 1201, à l'âge de trente-six ans, Ibn'Arabi accomplit le Pèlerinage à la Mecque. A cette époque il priait DIEU de lui révéler tout ce qui allait survenir dans les mondes matériel et spirituel. DIEU, acceptant ce vœu, lui ouvrit le monde des secrets. Sur cette question, Ibn'Arabi déclara plus tard : " Je sais le nom et la généalogie de chaque qutb qui viendra jusqu'au Jour du Jugement. Mais puisque s'opposer à ce qui est écrit entraîne une destruction certaine, par compassion pour les générations à venir j'ai décidé de dissimiler ce savoir."

Après le Pèlerinage, Ibn'Arabi voyagea en Egypte, en Irak, à Damas, s'arrêta à Konya, en Turquie, où il rencontra Sadruddin Qunyawi, un jeune érudit soufi, dont il épousa la mère. Le jeune Sadruddin devint l'un de ses plus proches disciples, qu'il enrichit d'une grande connaissance matérielle et spirituelle.
Voyage vers le Maître de la Puissance, publié à Konya par l'auteur trois ans après son Pèlerinage, s'adressait probablement à ce saint homme.

En l'année 1223, Ibn'Arabi repartit pour Damas, où il rencontra, visiblement et invisiblement, de nombreux autres maîtres  soufis. C'est là qu'il passa le reste de sa vie. On pense qu'il est mort en 1240.

Ibn'Arabi fait mention de trois rencontres avec Khidr, le guide secret des soufis. Il relate leur première rencontre de la façon suivante :

" C'était au tout début de mon éducation. Mon cheikh, Abul-Hassan, attribuait de la connaissance à quelqu'un. De toute la journée je ne cessai pas d'exprimer mon désaccord. Lorsque je le quittai, en rentrant chez moi je rencontrai un être d'une grande beauté qui me fit signe et me dit : " Ce que t'a dit ton maître était exact - accepte-le." Je courus vers mon cheikh et lui racontai ce qui était arrivé. Il me dit qu'il avait prié afin que Khidr vienne à ma rencontre et confirme son enseignement. En entendant cela, je décidai une fois pour toutes de ne plus jamais entrer en désaccord avec lui."

De leur deuxième rencontre, il dit :

"... je me trouvais dans le port de Tunisie à bord d'un  bateau. Une nuit je ne  pus trouver le sommeil et montai faire une promenade sur le pont. Je contemplai une magnifique pleine lune, quand soudain je vis un grand homme à barbe blanche venir vers moi, marchant sur l'eau sur le flanc du bateau. J'étais stupéfait. Il vint juste devant moi et plaça son pied droit sur son pied gauche en guise de salutation. Je vis que ses pieds n'étaient pas mouillés. Il me salua, dit quelques mots, et se mit en route pour la ville de Bénares, qui se trouvait sur une colline voisine. A ma profonde stupeur il parcourait quatre kilomètres à chaque enjambée.
De loin je l'entendis chanter le Dhikr de sa belle voix. Le lendemain je me rendis en ville, où je rencontrai un cheikh qui me demanda comment s'était passée ma soirée avec Khidr, et de quoi nous avions conversé."

La troisième rencontre d'Ibn'Arabi et de Khidr, d'après une tradition, eut lieu dans une petite mosquée espagnole, sur les rives de l'Atlantique, où Ibn'Arabi faisait ses prières de midi,. Une personne qui l'accompagnait niait l'existence des miracles. Il y avait quelques autres voyageurs dans la mosquée. tout à coup il vit la même personne qu'il avait rencontrée précédemment en Tunisie. Le grand homme à barbe blanche alla chercher son tapis de prière en paille dans la niche, s'éleva de quatre mètres dans les airs, et fit sa prière de cette position. Plus tard il revint dire à Ibn'Arabi qu'il l'avait fait en guise de démonstration à l'intention du sceptique qui avait contesté l'existence de miracles.



Lorsque Muhyiddin Ibn'Arabi s'éleva au-dessus du niveau du cheikh Abul-Hassan al-Uryani, il écrit à son professeur une lettre qui disait : " Tourne-toi vers moi de tout ton cœur et pose-moi tes questions, et je tournerai vers toi de tout mon cœur et y répondrai."

Au bout de quelque temps il reçut une lettre de son professeur, qui disait :

" J'ai rêvé que tous les saints étaient réunis en cercle avec deux hommes au centre. L'un d'eux était Abul-Hassan ibn Siban. Je ne pouvais voir le visage du second. Puis j'entendis une voix disant que l'autre homme au centre était Andalou, et que l'un des deux serait le qutb de notre temps. Un verset du Coran fut chanté, les deux hommes se prosternèrent, et la voix dit : " Celui qui lèvera la tête le premier sera le qutb."  L'Andalou leva la tête le premier. Je posai à la voix une question sans lettres ni mots. La voix me répondit en soufflant dans ma direction. Ce souffle contenait la réponse à toutes mes questions. Tous les saints réunis en cercle et moi-même entrâmes en extase sous l'effet de ce souffle. Je regardai le visage de l'Andalou au centre du cercle.
C'était toi, O Muhyiddin Ibn'Arabi."

source: Voyage vers le Maître de la Puissance.




  1. (1191 ou 1198-1252 ou 1260) était l'un des douze héritiers du grand cheikh Najmuddin Kubra, et un célèbre soufi de son époque. Sadruddin Qunyawi, disciple d'Ibn'Arabi, assista à ses réunions quand il était adolescent. Le cheikh Hamawi était connu comme compositeur de poésie mystique et de textes soufis. On lui attribue de nombreux miracles. On dit que son  âme quitta un jour son corps pendant treize jours.

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