mardi 27 mars 2012

La Profession de Foi (Ibn Arabi) 3

... IL donne la royauté à qui Il veut et Il enlève la royauté à qui Il veut, et Il élève qui Il veut et Il abaisse qui Il veut. Il guide qui Il veut et Il égare qui Il veut. Ce que DIEU a voulu a été et ce que DIEU n'a pas voulu qu'il fût ne sera pas. Si toutes les créatures s'unissaient pour vouloir une chose que DIEU n'a pas voulu qu'elles voulussent, elles ne la voudraient pas, ou pour faire une chose que DIEU n'a pas voulu faire exister - et qu'elles auraient voulue, alors que DIEU a voulu qu'elles ne la voulussent pas -, elles ne la voudraient pas et ne la pourraient pas et Il ne leur en donnerait pas le pouvoir.
L’infidélité et la foi, l'obéissance et la désobéissance (dépendent) de Sa Volonté créatrice, de Sa Volonté normative et de Sa Décision. Il n'a cessé - Gloire à LUI ! - d'avoir l'attribut de cette volonté, alors que le Monde était replié dans le non-manifesté à l'état de néant, non existant, bien qu'immuable dans Sa Science - Gloire à LUI !...
... Celui qui en tout cela, lui attribut des modalités, ne professe pas Son Unité. Celui qui Lui donne des représentations, n'atteint pas Sa véritable nature (haqîqa). Celui qui Le compare, ce n'est pas LUI qu'il désigne. Celui qui Le détermine et Le conçoit en imagination, ne professe pas Son Impénétrabilité. Agissant sans avoir besoin d'un instrument, prédestinant sans parcourir les possibles par la pensée, riche sans acquisition. Les divisions du temps ne LUI sont pas concomitantes, et les instruments ne sont pas Ses assistants. Son être a précédé les divisions du temps, Son existence a précédé le néant, et Son éternité, a précédé le commencement. Par le fait qu'Il a donné la conscience aux organes des sens, l'on sait que LUI même est dépourvu de tels organes. Par le fait qu'Il a donné à (toutes) les choses leurs contraires, l'on sait que Lui-même n'a pas de contraire; et par le fait qu'Il a disposé (toutes) les choses par couples, l'on sait qu'Il n'a pas de compagnon. Il a fait contraster les ténèbres avec la lumière, l'obscurité avec l'évidence, l'humidité avec la sécheresse, le froid intense avec la chaleur ardente. Il (est Celui qui) unit les choses opposées, qui associe les choses distinctes, qui rapproche les choses extrêmes et sépare les choses proches, Il n'est enfermé dans aucune définition et Il n'est évalué par aucun calcul. Il ne donne pas prise aux estimations pour le déterminer, et les intelligences ne (parviennent pas à) se Le représenter en imagination pour Le concevoir. Il ne varie pas sous l'effet d'un état transitoire, et Il ne se modifie pas dans la multiplicité des états. Il ne change pas et Il ne cesse pas, Sa disparition est impossible.

Gloire à LUI ! Lui qui est éloigné et proche, qui a un infini pouvoir et une immense bienveillance. Tout ce qui est autre que Lui émane de Sa Générosité (existentiatrice), de Sa faveur et de Sa justice qui donne ou qui retient. Il a parfait le Monde quand Il l'a fait, et Il l'a créé merveilleux quand Il lui a donné l'existence et l'a fait surgir. Nul n'est associé à Sa Royauté, nul ne prend de disposition avec LUI dans Son Royaume. S'Il accorde Sa grâce et répand alors Ses bienfaits, c'est l'effet de Sa Faveur; s'Il éprouve et répand alors Ses tourments, c'est l'effet de Sa justice. Il n'est pas arbitraire dans Son Règne, ce qui Le ferait accuser d'injustice et d'iniquité, et aucune décision favorable à quelqu'un ne saurait être dirigée contre Lui, ce qui Le ferait taxer d'inquiétude et de crainte. Tout ce qui est autre que LUI est sous le pouvoir de Sa Domination et agit (sous l'effet) de Sa Volonté et de Son Ordre. C'est Lui qui inspire aux âmes responsables la piété ou l'impiété, et c'est Lui qui passe sur les mauvaises actions de qui Il veut, ici et au jour de la Résurrection. Sa Justice ne contrôle pas Sa Faveur, et Sa Faveur ne contrôle pas Sa Justice. Il a fait du Monde deux poignées et a créé (pour les hommes) deux demeures en disant : " Ceux-ci pour le Paradis (al janna) et Je ne m'en soucie point, ceux-là pour l'Enfer (al nâr) et Je ne m'en soucie point", sans que personne ne s'y oppose car rien n'existait d'autre que LUI - Majestueuse est Sa Grandeur ! Ainsi tout est sous la libre action de Ses Noms : une "poignée" est soumise aux noms de Son Épreuve, une "poignée" est soumise aux noms de Ses Bienfaits. S'Il avait voulu - gloire à LUI ! - que tout le monde soit heureux, Il en aurait été ainsi, ou (que tout le Monde) malheureux, cela n'aurait pas été grand chose; mais Il n'a pas voulu cela, et il en a été comme Il l'a voulu. Il y'en a qui sont malheureux et il y'en a qui sont heureux, ici et le jour du Retour à DIEU. Il n'est pas possible de modifier ce qu'a décidé l’Éternel, alors qu'Il a dit au sujet de la prière : " Elles sont cinq et elles sont cinquante; la Parole ne change pas chez Moi et Je ne suis pas injuste envers les serviteurs, pour agir librement dans Mon Royaume et exécuter Ma volonté dans Ma Royauté."
C'est une vérité à laquelle sont aveugles les regards et les intuitions, et que ne découvrent les pensées et les consciences que par un don Divin et par générosité du Miséricordieux pour le serviteur à qui DIEU a manifesté Sa Sollicitude et pour qui cela a préexisté lors de sa présence au Témoignage principiel. Il a su alors, quand cela lui a été enseigné, que c'est la Divinité (al-ulûhiyya) qui a présidé à la répartition des destinées, et c'est l'un des secrets de l’Éternel. Gloire alors à Celui qui est tel qu'il n'y a en vérité d'autre agent que LUI et nul existant pour Soi si ce n'est LUI ! " alors que DIEU vous a créés, ainsi que ce que vous faites", et " Il n'est pas interrogé sur ce qu'Il fait, tandis qu'eux sont interrogés", " et à DIEU appartient l'argument péremptoire. S'Il avait voulu, Il vous aurait dirigés tous."

Vers:
Le coeur de l'unitaire vit dans la familiarité de la "croyance au DIEU unique", la racine de la Foi y est plantée.
Ses fruits en sont la science, et l'approbation Divine en est le gardien, bienheureux celui qui est gardé par l'approbation Divine !


Vers:
La lumière est venue à toi, prends-là donc et ne t'arrête pas au parchemin !
Car celui à qui l'or a apporté son éclat fait peu de cas de ce qui est écrit avec l'encre.
Préoccupe-toi donc de la description de la Divinité et regarde-la, unique, dans l'isolement :
Ecoute-bien quand tu es appelé et purifie tes paroles quand tu appelles.
Revêt pour ton Maître un habit de pauvreté pour obtenir la faveur du Donateur (al-Wâhib) généreux !
Et dis, si tu viens à LUI en pauvre : Seigneur, dont l'amour est mon soutien,
verse la boisson de l'Union à un amant ardent qui n'a cessé de se plaindre de la soif de la séparation, égaré longtemps sans lumière, car il ne voyait que les serviteurs !
Sois alors pour Lui la lumière tant que continueront ses quelques jours illusoires,
jusqu'à ce que meure l'Ennemi, impuissant, et que s’éteigne la braise de l'éloignement !
Les hommes seront dans l’étonnement devant un personnage guidé dans la bonne voie après l'égarement.
Celui qui était mort et qui est devenu vivant est dès lors au-dessus des distances.
Celui qui connaît la Vérité (al-haqq) par une connaissance savoureuse, ne mêle plus l'errement à la rectitude.
Celui à qui le Bien-aimé apporte une révélation ignore le plaisir du sommeil.


source : la profession de foi - Ibn'Arabi (traduit par Roger Deladrière)



vendredi 23 mars 2012

Les Grands Maîtres du Soufisme (Hallaj) (857-922) 2

Sentences du Cheikh Mansour Hallâj 

... Rechid Samarqandi raconte que Mansour se rendait à la Ke'abeh avec quatre cents soufis, ceux-ci lui dirent un jour : " Ô Mansour ! nous aurions bien besoin de pain et de têtes de moutons cuites. - Asseyez-vous à la suite les uns des autres, répondit Mansour." Lorsqu'il les eut fait tous asseoir et que lui même eut prit place avec eux, il passa la main derrière lui et donna à chacun deux pains et une tête de mouton cuite; autrement dit, il leur distribua en tout quatre cents têtes et huit cents pains. " Il nous faudrait maintenant des dattes fraîches, dirent les soufis. - Secouez-moi donc, leur répondit Mansour; puis recueillez et mangez toutes les dattes qui tomberont." Eux, alors, secouèrent Mansour, et les dattes de pleuvoir à terre. Ils les ramassèrent et les mangèrent, et tous furent rassasiés. Tout le long de cette route il tomba ainsi des dattes en abondance de chaque arbuste épineux contre lequel s'appuyait Mansour lorsqu'il était assis. Un autre jour, sur la route de la Ke'abeh, les soufis désirèrent des figues, Mansour, étendant la main vers ciel, recueillit des figues fraîches sur un plateau et les leur donna. Une autre fois ils eurent envie de halva, et Mansour en prit dans l'air qu'il mit sur un plateau et leur présenta. Enfin il arriva à la Mecque, où il resta un an debout, en face du temple. (Par un effet de la chaleur) la peau se détachait de son corps, dont la graisse fondait et coulait par terre, sans que lui ne bougeât de place. Chaque jour, dans la soirée, il rompait le jeûne avec une bouchée de pain et buvait une goutte d'eau. Au bout d'un an il gravit le mont arafat et s'écria : " Mon DIEU, donne moi la résignation et la gratitude !" 
Mansour disait : " Quiconque renonce à ce bas-monde voit sa personne sensuelle s'élever jusqu'à l'ascétisme. Quiconque renonce à lui-même, c'est son âme qu'il voit s'élever jusqu'à l’ascétisme."
Cependant sa puissance d'action s'accroissant de jour en jour, Mansour commença à dire : anâ el haqq ( je suis la vérité). On alla répéter au Khalife ces paroles; et beaucoup de personnes renièrent Mansour et se posèrent en accusateurs contre lui. " Ô Djuneïd ! dit le Khalife, que signifie ce propos ? - Ô Khalife ! répondit Djuneïd, permets qu'on mette  à mort cet homme, car on ne peut expliquer raisonnablement un pareil propos." C'est alors que le Khalife ordonna qu'on le jetât en prison. Là il ne cessa de discuter pendant une année avec les savants. Alors le Khalife défendit à qui que ce fût d'aller lui rendre visite; ensuite de quoi, pendant cinq mois, personne n'alla le trouver, si ce n'est Abd Allah Khafif, qui le vit une seule fois en personne. Une autre fois Ibn'Atâ envoya quelqu'un lui dire : " Ô cheikh ! fais amende honorable pour ce propos, afin d'échapper à la mort." Hallâj s'écria : " C'est à celui qui t'a chargé pour moi d'un pareil message qu'il appartient de faire amende honorable !" Ibn'Atâ, entendant ces paroles, versa des larmes et dit : " Voilà Hussein perdu sans retour !"
On rapporte que la première nuit de son emprisonnement, comme on était venu le visiter, on ne l'aperçut pas dans la prison. La seconde nuit on ne vit ni lui ni la prison. La troisième nuit on le vit dans la prison et on lui demanda : " Où étais-tu donc la première nuit ? Et la seconde nuit, toi et la prison, où  étiez-vous ? - La première nuit, répondit-il, j'étais auprès de la souveraine Majesté, voilà pourquoi je n'étais pas ici. La seconde nuit Sa Majesté était ici, et c'est pour cela que nous étions invisibles, la prison et moi. Cette troisième nuit on m'a renvoyé ici pour accomplir la loi écrite; venez donc et faites ce que vous avez à faire !"
On raconte que, dans l'espace d'une nuit et d'un jour, il faisait dans la prison une prière de mille rakats . " Mais, lui objecta-t-on, toi, qui prétend être DIEU, à qui donc adresses-tu ces prières ? - Nous autres, répondit-il, nous savons bien tout ce que nous valons."
à suivre


mardi 20 mars 2012

Les grands Maîtres du Soufisme ( Hallâj) - (857-922) 1

Sentences du Cheikh Mansour Hallâj 

Celui qui a été un martyr dans la voie de la vérité; lui dont le rang est devenu éminent; lui dont l’extérieur et l’intérieur étaient purs, qui a été un modèle de loyauté dans l'amour; lui qu'un penchant irrésistible attirait vers la contemplation de la face de DIEU, cet extatique Mansour Hallâj, que la miséricorde d' ALLAH soit sur lui ! Il était tout enivré d'un amour dont les flammes le consumaient. Les merveilles qu'il opérait étaient telles, que tous les docteurs en demeuraient frappés de stupeur. C'était un homme aux visées sublimes, aux paroles énigmatiques, profondément versé dans la science des mystères. Originaire d'un canton nommé Beïzâ, dans la province de Chirâz, il avait été élevé à Vâcit.
Abd Allah Khafif disait : " Mansour possédait réellement la connaissance de la vérité." " Moi et Mansour, déclarait Chibli, nous suivions le même chemin; on m'a traité de fou, et j'ai eu la vie sauve, tandis que Mansour a péri parce qu'il avait son bon sens." Si Mansour n'avait été qu'un égaré, les deux docteurs que nous venons de citer n'en auraient pas parlé en ces termes. Toutefois plusieurs docteurs lui ont reproché d'avoir fait fausse route en dévoilant mal à propos les mystères de la vérité.Il resta pendant deux ans au service d'Abd Allah Techteri.

A huit ans il se rendit à Bagdad, puis à Basra, où il resta six mois au service d'Omar ben Osmân Mekki. Abou Yacoub Aqta ayant donné sa fille en mariage à Mansour, Omar ben Osmân en conçut du ressentiment contre celui-ci, qui alors quitta Basra pour Bagdad, où Djuneïd le fit vivre dans la retraite. Au bout de quelque temps il partit pour la Ke'abeh, dont il devint un visiteur assidu. Puis il retourna à Bagdad, où Djuneïd le recueillit dans sa maison. Comme Mansour lui posait  des questions sur plusieurs points obscurs et difficiles, Djuneïd lui dit : " Ô Mansour ! il n'est pas loin le temps où tu feras rougir la tête du gibet. - Le jour où je ferai rougir la tête du gibet, répondit Mansour, tu rejetteras le vêtement du derviche pour prendre celui du commun des hommes."
On raconte que, le jour où l'on traîna Mansour au gibet, tous les "ouléma" rédigèrent un acte juridique qui proclamait la nécessité de le mettre à mort. " Il faut aussi que Djuneïd écrive sa sentence", dit le khalife. Aussitôt Djuneïd se rendit à la medersa (le collège), où, après s'être habillé comme les mollah et avoir ceint le turban, il déclara, par un acte écrit, que "si en apparence Mansour méritait qu'on le mît à mort, il possédait intérieurement la connaissance du Seigneur très-haut".
Après avoir quitté Bagdad, Mansour séjourna une année à Techter; puis il employa cinq ans à parcourir successivement le Khoraçan, le Seïstân, Semizkent et le Turkestân.
On l'avait surnommé Hallâj parce qu'un jour, ayant vu empilé dans un magasin du coton non encore épluché, il n'eut pas plus tôt fait un signe que, par un commandement du Seigneur très-haut, les graines se trouvèrent triées.
Ayant revêtu le froc, il s'en alla à la Ke'abeh avec un grand nombre de derviches. Là il opéra tant de miracles que Ya'qoub Neher-Djouri le traita de magicien. Ensuite il se rendit dans l'Hindoustân et de là gagna le Turkestân et le Khitaï, où il convertit à l'islam beaucoup de personnes, auxquelles il donna l’instruction religieuse. Revenu à la Ke'abeh, il y demeura deux ans en qualité de mudjâvir. Ce fut alors que son action grandit de plus en plus. Les peuples qui ne comprenaient pas ses paroles, le chassèrent d'un grand nombre de villes, tout en restant émerveillés de son éloquence et de ses actes. Dans l'espace de vingt-quatre heures il récitait une prière de quatre cents ra'kat et, acceptant les épreuves les plus dures de la mortification, il faisait une lotion générale à chaque oraison canonique. Jusqu'à l'age de cinquante ans il resta fidèle à ces pratiques. Pendant vingt ans il ne se dépouilla pas une seule fois de son froc. Un jour qu'on le lui avait retiré par force, on y trouva installés quantité de poux de la grosseur d'un pois. Un autre jour quelqu'un voyant un scorpion se promener autour de Mansour voulut le tuer; mais le cheikh l'en empêcha en disant que ce scorpion hantait ainsi son voisinage depuis douze ans.
(a suivre)

jeudi 15 mars 2012

La Profession de Foi (Ibn Arabi) - 2

... Mais Sa science a préexisté, et il fallait qu'Il  créât ce qu'Il a créé. Et Il est " Le Premier et le Dernier, l'Apparent et le Caché. Et Il est de toute chose Savant." " Et Il est sur toute chose  Puissant." " Il  a entouré toute chose de Sa Science." " Et Il a compté toute chose en nombre". " Il sait le secret même bien caché." " Il sait les regards  perfides et ce que cachent les coeurs." Comment  ne saurait-Il pas une chose qu'Il a créée ? " Ne sait-Il pas ceux qu'Il a créés, alors qu'Il est le Subtil, l'Informé ?" Il a su les "choses" avant leur existence, puis Il les a existenciées comme comme Il les a sues; et Il n'a cessé de savoir " les choses " globalement et dans le détail alors que les créatures étaient repliées dans le néant. Sa Science n'est pas devenue nouvelle lors de la nouveauté des "choses". C'est par Sa Science qu'Il a donné aux "choses" la perfection et l'harmonie, et c'est par elle qu'Il les a soumises à l'Autorité de qui Il a voulu et les a régies. Il a su les choses universelles dans l'absolu, comme Il a su les choses particulières. Sur ce point les gens de la saine spéculation sont unanimes et les Docteurs sont d'accord. " Sachant l'invisible et le visible, Il est supérieur à ce qu'ils LUI associent."
" Faisant ce qu'Il veut." Il est en effet Celui veut les êtres dans le Monde de la Terre et des Cieux. Il n' y a pas eu connexion entre Sa Puissance et l'existentiation d'une chose avant qu'Il ne l'ait sue. Et s'il est absurde pour l'intelligence qu'Il veuille ce qu'Il n'a pas su, ou que, libre de choisir et dans la possibilité de rejeter une action, Il fasse ce qu'Il ne veut pas, de même il est absurde que les relations de ces réalités existent dans un Être qui ne soit pas vivant, et il est tout aussi absurde que ces attributs subsistent dans une Essence qui ne soit pas qualifiée par eux. Il n'y a donc rien dans l'Existence qui ne soit voulu par l' Être Divin : obéissance ou désobéissance, gain ou perte, esclave ou homme libre, froid ou chaud, vie ou mort obtention ou manque, jour ou nuit, équilibre ou inclinaison, continent ou mer, pair ou impair, substance ou accident, santé ou maladie, joie ou tristesse, esprit ou corps, ténèbre ou lumière, terre ou ciel, composition ou  dissolution, abondance ou rareté, matin et soir, blancheur ou noirceur, sommeil ou veille, apparent ou caché, mobile ou immobile, sec ou humide, écorce ou noyau, rien de toutes les choses contraires, ou différentes, ou semblables mais qui ne soit voulu par l' Être DIVIN - que Sa Sagesse est grande ! Et comment ne serait-ce point voulu par Lui, alors qu'Il lui a donné l'existence ! Et comment Celui qui est libre de choisir donnerait - Il l'existence à ce qu'Il ne veut pas ! Nul ne repousse Son Ordre et " Nul ne revise Sa Sentence ".


(a suivre)


lundi 12 mars 2012

La Profession de Foi ( Ibn' Arabi) - 1

Fonction spirituelle d' Ibn' Arabi

" Conseille Mes serviteurs !". Muhyî al-Dîn Ibn'Arabi, à qui s'adressait cette injonction Divine, à Alméria en 595/1199, devait lui rester fidèle jusqu’à sa mort et mériter d' être appelé " le plus grand des  maîtres spirituels (al-shaykh al-akbar) ".

C'est de par le Nom de DIEU, le Tout Miséricordieux le Très Miséricordieux que je commence, et par Sa Lumière que je me dirige. Et " il n' y a de force et de puissance que par DIEU, le Puissant, le Sage." Dis : " Louange à DIEU pour ce qu'il a inspiré, et par ce qu'Il nous a enseigné ce que nous ne savions pas, et la faveur de DIEU pour nous fut immense !" Et que DIEU prie sur le Seigneur le plus noble, à qui furent donnés les sommes des paroles dans la station suprême et qu'Il lui accorde le salut !

première partie
L'Unicité de DIEU

Sachez-- DIEU vous fasse  miséricorde !-- que je m'adresse à vous conformément à la parole de DIEU concernant Son prophète Houd, quand il déclara à son peuple qui taxait de mensonge sa mission et lui même : " Je prends DIEU à témoin, et soyez témoins vous aussi, que je suis innocent de ce que vous (LUI) associez en dehors de LUI !" Houd prit donc à témoin son peuple, bien qu'il  le traitât de menteur, qu'il n'était pas responsable de leur associationnisme (shirk) d'autres divinités à DIEU, et qu'il reconnaissait l'Unicité divine. Il savait en effet que DIEU fera tenir le monde entier devant LUI et qu'Il interrogera les hommes dans ce lieu suprême et terrible du Jugement dernier, où  chaque témoin rendra son témoignage et chaque dépositaire rapportera son dépôt. Il a été dit que chaque (brin d'herbe) vert ou desséché, à portée de la voix du muezzin, et l'ayant entendu faire l'appel à la prière, témoignera pour lui le jour de la Résurrection. C'est pourquoi " Satan s'enfuit en crépitant, pour ne pas entendre son appel", qui l'obligerait à témoigner pour lui, et le mettrait au nombre de ceux qui travaillent à sa félicité, alors qu'il est l'Ennemi intégral et qu'il ne veut pour nous nul bien. Si donc l'Ennemi doit témoigner pour toi, parce que tu l'as pris à témoin vis-à-vis de toi-même, combien est-il mieux que témoigne pour toi ton ami et celui qui de ta religion, et à plus forte raison, que tu témoignes, toi, de l'Unicité Divine et de la Foi.
C'est pourquoi, ô vous, mes frères, qui croyez, et vous, mes amis, qui pratiquez la vertu, moi qui suis un faible et misérable serviteur, pauvre vis-à-vis de DIEU à tout moment et à tout instant, l'auteur de cette épître, je vous prends à témoin pour moi même, après avoir pris à témoin DIEU et Ses Anges, et les serviteurs spirituels de DIEU, comme vous-même, présents ou absents, j'atteste, par la parole et l'engagement :

Que DIEU est Unique, sans second, pur de toute compagne et de tout enfant. Possesseur sans associé, Roi sans ministre. Artisan de la Création sans que nul n'ait pris de disposition avec LUI. Existant par Son Essence, sans dépendre d'un existentiateur qui Le fasse exister. Bien au contraire, tout existant autre que LUI dépend de LUI dans son existence, de sorte que le Monde tout entier existe par LUI, tandis que LUI existe par Soi. Il n' y a pas de début à Son existence et il n' y a pas de fin à   Sa permanence. Il existe et Il continue à exister, absolu, et Il subsiste par Soi.

Il n'est pas une substance occupant un espace, car Il serait localisable. Il n' est pas un accident, car la permanence serait impossible pour LUI. Il n'est pas un corps, susceptible alors de direction et de face. Saint, Il est exempt des directions et des dimensions. Il sera vu par les coeurs et les regards. Quand Il l' a voulu, Il a siégé sur Son Trône, comme Il l'a voulu, et selon le sens qu'Il a voulu; de même que le Trône et ce qui n'est pas LUI tiennent de LUI leur équilibre. A LUI appartiennent la vie première et la vie dernière. Il n'a pas de représentation intelligible et les intelligences ne montrent pas le chemin qui mène vers LUI. Nul temps ne le limite, nul lieu ne le diminue. Il était, sans nul lieu, et Il est maintenant tel qu'IL était.

IL a créé le  localisé et le lieu, et Il a produit le temps. IL est Unique, le Rétributeur; Celui que n'accable pas la conservation des choses créées, et à qui on n'attribue de qualité qu'il n'ait donnée aux choses qu' Il a faites. IL est trop haut et trop Saint pour que les êtres adventices LUI soient inhérents ou qu' IL leur soit inhérent. IL est le Subsistant qui ne dort pas, et Le Dominateur que l'on ne persuade point. IL a créé le Trône et en a fait la limite de la Session DIVINE, et Il a produit le Piédestal et lui a confié la Terre et le Ciel. Il a fait surgir la Table et le Calame (plume) suprême qu'Il a chargé de transcrire la science de Sa Création jusqu'au jour de la Décision et du Décret. Il a donné l'existence au Monde sans modèle préexistant. Il a donné l'être aux créatures et Il a donné des qualités naturelles à ce qu'Il a créé. Il a fait descendre les esprits dans les corps, comme "dépositaires", et Il a établi comme "représentants" sur la terre les corps dans lesquels sont descendus les esprits. Et Il leur a soumis de Sa part tout ce qui est dans les Cieux et sur la Terre.
Pas un atome ne se meut, si ce n'est vers LUI et de LUI. Il a créé l'Univers sans nul besoin, ni rien qui l'y oblige.
à suivre

vendredi 9 mars 2012

Les grands Maîtres du Soufisme (Mohydin IBN ' ARABI)

Mohydin Ibn Arabi (560/638-1165-1240), était le plus audacieux métaphysicien et l'un des plus formidables génies visionnaires qu'ait produit la culture ésotérique traditionnelle de l' Islam au cours des siècles. En sa personne, les philosophes et mystiques n'hésitent pas à reconnaître le " plus grand maître" du soufisme ( al-shaykh al-akbar), autrement dit : le Maître par excellence.
Nous allons présentés ci-dessous, les évènements principaux de la vie du Maître :
1155 - naissance du maître le 17 ramadan de l'an 560 de l'hégire à Murcie en Espagne.
1163 - il part à Séville après l'occupation de  Murcie par les Almohades. Il étudie le coran, le tafsîr coranique, le hadith, la shâria, la grammaire, la rhétorique. Il rencontre Averroës (Abû-l-Wâhid Ibn Rushd) en 1169 à Cordoue.
Il est initié au soufisme à Séville en 1184.
Ses voyages en Afrique du Nord :
1193, il quitte l’Espagne pour Tunis en Afrique du nord, dans cette ville il rend visite au Sheikh al-Mahdawî à qui il dédiera son ouvrage : Rûh al-Quds. En 1194 à Fez, il prédit la victoire de l'Almahade ya ' qub al-Mançûr sur les Chrétiens. 1195, il retourne à Séville en Espagne où il étudie le Hadith avec son oncle.
1195 - à Fez , son ascension nocturne et son accès à la Station de la Lumière : il écrit le livre du voyage nocturne - Kitab al-isra' ilâ Maqâm al-Asrâ. 1196 à Fez, DIEU lui révèle qu'il est le Sceau de la Saiteté Muhammadienne.
1197 à Murcie Grenade et Almeria, a la suite d'un Ordre Divin, il écrit son traité : Mawâqi' al-Nujûm-- Les lieux du couchant des Etoiles. Il assistera la même année à Cordoue à l'enterrement d''Averroës. A Marrakech en 1200, il atteint la station de la proximité ou identité suprême. Il a la vision du Trône Divin. Il recevra l’ordre de partir pour l'orient. Il s'unit aux étoiles et aux lettres Divines à Bougie. A Tunis en 1201, il rencontre al-Khadir. Il rédige la production des Sphères - Inshâ ad-Dawâ'ir, il part cette même année  pour l'orient ( le Caire, Jérusalem).
1201 à la Mecque il fait la connaissance de Nizhâm 'Ayn ash-shams, jeune fille d'une grande beauté, cultivée et spirituelle qui fut l'inspiratrice de son recueil de poésies mystiques : L'interprète des désirs ardents - Tarjumân al-ashwâq. En 1203, toujours à la Mecque, il finit de rédiger quatre de ses ouvrages :
- La Niche des Lumières_ Michkât al-anwar, la Parure des Abdâl_ hilya al-Abdâl, la Couronne des Épîtres taj al-Rasâ'il, l'Esprit de Sainteté_ Rûh al-Quds. Il entreprend la composition de sa somme métaphysique: Les Conquêtes Spirituelles Mecquoises _ Al-Futûhât al-Makkiya.
1204, il quitte la Mecque pour ces deux villes (Mossoul et Mossoud). Il reçoit à nouveau la Khirqa ou investiture d'al Khadir. Il rédige son grand traité des Révélations de Mossoul: al-Tanazzunât al-Mawsiliyya.
1206 - il se trouve en Anatolie. En route pour le Caire, devant l'hostilité de l'autorité religieuse officielle, il part pour la Mecque en parcourant la Palestine. Il continue à étudier le Hadith à la Mecque en 1207. A  Alep en 1209, il autorise la diffusion de son traité des Théophanies - al- Tajalliyyât. Il rédige l’Épître des Lumières - Risâllat al-Anwâr.
En 1210, il se retrouve à Konia (Turquie), il rencontre çadr ad-Dîn de Konia, un de ses plus grands disciples qui devient son beau-fils. Il sera son commentateur avisé.
Il rencontre à Bagdad en 1211 le Grand Sheikh Shihâb ad-Dîn 'Umar as-Suhrawardî.
En 1212 à Bagdad, il écrit pour le roi et son protecteur Kay Kaus une épître sur le traitement des sujets chrétiens. Il rédige à la Mecque en 1214 son recueil de poésies: l'interprète des Désirs ardents-- Tarjumân al-Ashwâq.
1215 à Alep, à la demande de ses disciples, il donne un commentaire du recueil : Les Trésors des Amants-- Dhakhâ'ir al-a'laq.
De 1215 à 1219 à Malatya, invité par le roi Kay Kaus, il restera en Anatolie près de 5 ans. Il prédit la victoire de ce roi sur les chrétiens à Antioche. Il accorde des licences pour certains de ses ouvrages : - La Station de la Proximité~~ Kitâb Maqâm al Qurba.~~ La demeure des Demeures~~ Manzil al-Manâzil.
De 1223 à 1240, il s'installe définitivement à Damas jusqu'à sa mort en 1240 (638 de l'hégire) dans cette ville invité par son souverain al-Malik al-'Adil. Il finit de composer son important ouvrage des ouvertures Spirituelles: Al Futûhât al-Makkiyya. Il rédige son livre des gemmes des Sagesses: Kitâb Fuçûç al-Hikam, véritable somme condensée de ses positions doctrinales fondamentales. Il achève son recueil de poèmes : Dirwân al-Akbar.
Après avoir établit les points de repère et les évènements principaux qui ont marqués la vie du Maître, s'il plaît à DIEU nous allons parler de ses œuvres dans nos prochaines publications.




mercredi 7 mars 2012

Traité de soufisme (Kalâbâdhî) 5ème partie

fakir

Toutes ces qualités et toutes les significations de ces mots se trouvent réunies dans les noms et les appellatifs désignant la  "communauté spirituelle" (qawm).  Les expressions en sont exactes, et leur emploi en est facilement compréhensible. Même s'ils diffèrent en apparence, leur sens est concordant. Si on le tire de safâ' (pureté) et de safwa (élite), le terme qui désigne ces hommes est alors celui de safawiyya. Si on le rapporte à saff (rang) ou à suffa (banc), ils sont des saffiyya ou des suffiyya. Il est possible, dans le premier cas, que la lettre wâw ait été placée avant la lettre fâ', ce qui donne bien le mot sûfiyya (soufis); et, dans le deuxième cas, ajouter le wâw à saffiya ou suffiya serait dû à l'usage linguistique. Si, enfin, on a tiré le mot sûffiyya de s^f (laine), il est parfaitement correct, et cette désignation est linguistiquement juste.
Dans tous les cas, ces termes expriment le renoncement et le détachement de l'âme à l'égard de ce bas- monde, le fait de quitter sa demeure et de voyager sans cesse, de ne pas flatter les passions de l'âme, de purifier sa conduite, de rendre limpide l'intime de être, d'ouvrir son coeur, et de se comporter en "devançant". Ajoutons à cela ce que dit Bundâr Ibn Husayn : " Le soufi est celui que DIEU a choisi pour Lui-même et qu'IL a traité avec affection (sâfâ), le libérant de son âme (égoïste) et lui épargnant dès lors tout effort et toute contrainte en vue d'un motif personnel. Et le mot sûfiya= il a été traité avec affection est ( un verbe passif) du même type morphologique que 'ûfiya : il a été protégé, à savoir que c'est DIEU qui l'a protégé, et que kûfiya: il a été rétribué, par DIEU, ainsi que jûziya: il a été récompensé , par DIEU. L'action de DIEU sur lui est donc manifeste dans son nom même de sûfi, et DIEU est seul à s'occuper de lui."
Interrogé sur la définition du soufi, Abû' Alî Rûdhabâri répondit : " C'est celui qui a revêtu de laine (sûf) sa pureté (safa'), qui a fait goûter à ses désirs personnels la saveur de la privation, et qui, ayant laissé ce bas-monde derrière lui, a suivi la voie de l’Élu (Mohammed)".
La même question ayant été posée à Sahl Ibn'Abd Allah Tustarî: " C'est, dit-il, celui qui est pur de tout ce qui trouble, qui est empli de méditation, qui s'est retiré des hommes pour se consacrer à DIEU, et pour qui l'or et l'argile se valent."
On demanda à Abû-l-Hassan Nûri ce qu'était le soufisme (tassawuf) : " C'est répondit-il, délaisser tout ce qui flatte l'âme."
Interrogé sur le même sujet, Junayd définit ainsi le soufisme : " C'est purifier son coeur de l'approbation des hommes, abandonner ses tendances innées, maîtriser les dispositions de la nature humaine, écarter les incantations égoïstes, fixer en soi les  qualités spirituelles, s'attacher à la connaissance des réalités immatérielles, utiliser ce qui est mieux pour la vie éternelle, pratiquer le (devoir de ) bon conseil envers la Communauté tout entière, tenir envers DIEU l'engagement de rester fidèle à la vérité, et suivre l'Envoyé de DIEU dans (l'accomplissement de) la Loi." 
Selon Yûsuf Ibn Husayn : " chaque communauté a une élite, dépôt précieux de DIEU qu' Il a caché à Ses créatures, et s'il y' en a une dans cette communauté-ci, ce sont les soufis."
Quelqu'un demanda à Sahl Ibn' Abd Allâh Tustarî : " Qui fréquenterai-je parmi les différents groupes de musulmans ?" " Tu n'as qu'à fréquenter les soufis, répondit-il, car rien n'a à leurs yeux n'a  une importance exagérée et ne saurait être totalement désapprouvé. Pour eux, tout acte peut être interprété, et ils te trouveront des excuses en n'importe quelle circonstance." La même question ayant été posée par Yûsuf Ibn Husayn à Dhû-l-Nûn : " Fréquente, dit-il, celui qui ne possède rien et qui ne désapprouvera aucune situation dans laquelle tu pourras te trouver, qui ne changera pas même si toi tu changes beaucoup, car plus tu changeras, plus tu auras besoin de lui !"
On rapporte également de Dhû-l-Nûn ceci : " Au bord de la mer, en Syrie, je vis, dit-il, une femme, et je lui demandai : " D'où viens-tu ~~ que DIEU te fasse miséricorde ! ~~ ?" Elle me répondit : " D'auprès de gens qui répugnent à réposer leur corps sur une couche, et qui prient leur Seigneur avec crainte et désir."~~ Et où vas-tu ? , insistai-je, ~~ Vers des hommes " que nul négoce et nul troc ne distraient de l'invocation de DIEU"~~~Décris-moi-les !, lui demandai-je. Elle se mit alors à déclamer ces vers :


Des hommes dont les préoccupations s'attachent à DIEU, et dont les aspirations ne s'élèvent vers personne d'autre.
Leur quête est celle de leur Maître et de leur Seigneur, et quelle noble quête que celle de l' Unique, l' Impénétrable !
Ils ne disputent rien de ce bas monde, ni rien de ce qui est excellent, ni nourritures, ni plaisirs, ni progéniture, ni vêtements somptueux et élégants, ni la joie reposante de rester au pays.
Ils ne luttent qu'à la poursuite du lieu éternel dont chaque pas les rapproche.
Ils courent par les étangs et les vallées, et on les rencontre en nombre sur les hauteurs.

lundi 5 mars 2012

Traité de soufisme (Kalâbâdhî) 4 ème partie

... Quand on rattache leur nom à l'élite (safwa) et au premier rang (saff), on exprime alors ce qui se rapporte à leur être intime et à leur état intérieur. DIEU, en effet, purifie le secret de l'âme et illumine le coeur de celui qui quitte le monde, y renonce et s'en détourne. Selon une parole du Prophète, " quand la lumière pénètre dans le coeur, il se dilate et s'épanouit". On lui demanda " quel en est donc le signe, ô Envoyé de DIEU ?", il répondit: " s'éloigner du monde illusoire, se tourner vers le monde éternel, et se préparer à la mort avant qu'elle ne survienne". Ainsi le Prophète avait fait savoir que DIEU illumine le coeur de celui qui s'éloigne de ce bas monde. Et quand il questionna Hâritha sur la réalité profonde (haqîqa)  de sa foi (îman), celui-ci déclara : " J'ai détaché mon âme de ce monde, assoiffé pendant le jour et veillant la nuit, et ce fut comme si je voyais se dresser le Trône de mon Seigneur, et comme si j’apercevais les habitants du paradis qui se rendaient visite et ceux de l'enfer qui se repoussaient." Selon ce récit, après qu'il se fut détaché du monde, DIEU lui illumina le coeur, de sorte que ce qui lui était primitivement caché lui était devenu visible.
Le Prophète s'écria alors : " Quiconque veut voir un serviteur dont DIEU  a illuminé le coeur n'a qu'à regarder Hâritha !" A cause de ces caractéristiques, de tels hommes ont été appelés " illuminés" (nûriyya). Elles étaient également celles des "hommes du banc". DIEU a dit en effet : " Il y'a  là des hommes qui aiment à se purifier; et DIEU aime ceux qui se purifient." Il s'agit de se purifier extérieurement des souillures et de se purifier intérieurement des pensées qui surgissent dans l'esprit et des idées qui se meuvent dans la conscience. DIEU a dit: " Des hommes que nul négoce et nul troc ne distraient de l'invocation (dhikr) de DIEU."
En outre, à cause de la pureté de leur être intime, leur intuition (firâsa) est juste. Selon une tradition du Prophète rapportée par Abû Umâma Bâhilî : " Prenez garde à l'intuition du croyant (mu'min), car il regarde avec la lumière de DIEU !" Abû Bakr le Véridique avait déclaré : " Mon coeur a reçu l'inspiration que l'enfant porté dans son sein par Bint Khârija est  une fille"; et il en fut comme il l'avait annoncé. De même le Prophète a dit : " La vérité parle par la bouche de 'Umar."
Urways Qaranî, salué par Harim Ibn Hayyân, lui rendit ses salutations en l'appelant par son nom, alors qu'il ne l'avait jamais vu auparavant; et il lui dit ensuite : " Mon âme a reconnu ton âme." " Si vous vous entretenez avec les "hommes de la sincérité (sidq)", dit Abû'Allâh Antâkî, soyez vous-même sincères, car ils sont les observateurs des coeurs !; ils pénètrent dans l'intimité de votre âme et décèlent vos intentions."
Quiconque possède de telles qualités : Limpidité de l'être profond, pureté du coeur, lumière de l'âme, est " au premier rang (saff), car elles caractérisent les " devançants " (sâbiqûn). Selon une tradition du prophète :" soixante-dix mille membres de ma communauté entreront au paradis sans jugement",  précisant ensuite : " Pour les autres ou pour eux-mêmes ils n'ont point recours (à titre préventif) aux talismans ni aux cautérisations, mais ils s'en remettent à leur Seigneur avec confiance." A cause de la pureté de leur intime, de l'ouverture de leur âme, et de l'illumination de leur coeur, les connaissances qu'ils tiennent de DIEU sont justes; confiants qu'ils sont en DIEU, s'en remettent à LUI, et acceptant Son Décret (qadâ').
( à suivre)

vendredi 2 mars 2012

traité de soufisme ( Kalabadhi) 3ème partie

     Pourquoi les soufis ont-ils été appelés ainsi

Certains ont soutenu que les soufis furent appelés de ce nom à cause de la pureté (safa) de l'intime de leur être et de l'absence de souillure de leurs actes. Selon Bichr Ibn al-Hârith, " le soufi est celui dont le coeur est pur à l'intention de DIEU ". D'après un autre, " le soufi est celui dont le comportement est pur à l'égard de DIEU et dont le charisme (karâma) qui lui vient de DIEU - que soient proclamées Sa Puissance et Sa Majesté ! - est pur ".
Selon une autre explication, les soufis ont été appelés ainsi parce qu'ils sont, devant DIEU, au premier rang (saff), du fait que leurs aspirations s'élèvent jusqu’à LUI, et que l'intime de leur être se tient en arrêt devant LUI. D'après certains, ils auraient été désignés du nom de soufis parce que leurs caractéristiques sont proches de celles des " hommes du banc " ( Ahl al-suffa) qui vivaient à l'époque de l'envoyé de DIEU - que DIEU prie sur lui et le salue !
Selon d'autres, ils furent nommés soufis parce qu'ils portaient un vêtement de laine (sûf).
 Ceux qui rattachent leur nom au "banc" ( suffa ) et à la " laine " (sûf ) expriment ainsi l' apparence extérieure de leur état spirituel. Ce sont en effet des hommes qui ont délaissé ce bas-monde, ont quitté leur demeure, ont fui leurs amis, parcourant les pays, le ventre creux, dénudés, ne prenant des chose d'ici-bas que l'indispensable pour avoir une tenue décente et calmer leur faim. Parce qu'ils ont quitté leur demeure on les appelle aussi "étrangers" (ghurabâ), et à cause de leurs nombreux voyages on les désigne sous le nom " pèlerins " (sayyâhûn).
Du fait de leurs pérégrinations dans les régions désertiques ( de l'Iran) et parce qu'ils prennent refuge en cas de nécessité dans les cavernes, les autochtones les ont surnommés " les hommes des cavernes" ( chikaftiyya) car le mot "chikaft" dans leur langue désigne une grotte ou une caverne.
Les Syriens leur ont donné le nom de " faméliques " (jaw'iyya) parce qu'ils prennent seulement comme nourriture ce qui maintient les forces  dont ils ont besoin, conformément à la parole du prophète : " Des aliments qui maintiennent ses forces devraient suffire au fils d' Adam". Sarî Saqatî les a décrits en ces termes : " Ils mangent comme des malades, ils dorment comme des gens qui font naufrages, et ils parlent comme des hommes stupides."
Du fait de leur renoncement à la propriété on les a appelés " pauvres " (fuqarâ). On avait demandé à l'un d'eux ce qu'était le soufi, et il répondit : " Celui qui ne possède pas et n'est pas objet de possession ", voulant dire par là qu'il n'est pas l'esclave des désirs. A la même question, un autre déclara : " Le soufi est celui qui ne possède rien et qui, si jamais il vient à posséder quelque chose, le donne."
A cause de leur vêtement et de leur aspect on leur a donné le nom de soufis, car ils ne portent pas ce qui est doux au toucher et agréable à regarder, ce qui serait flatter les passions de l'âme, mais uniquement une tenue décente, se contentant d'un tissu au poil rugueux et d'une laine ( sûf ) grossière.
Tout cela était la condition des " hommes du banc ", qui vivaient à l'époque de l'Envoyé de DIEU. Ils étaient en effet "étrangers" et "pauvres", des exilés qui avaient quitté leur demeure et leurs biens. Abû Hurayra et Fadâla Ibn'Ubayd en firent la description suivante : " Ils tombaient de faim à tel point que les Arabes bédouins les prenaient pour des fous." Ils étaient vêtus de laine, et, au dire de certains, cela les faisait transpirer tellement qu'ils exhalaient l'odeur des moutons qui ont reçu la pluie. Ceci au point que Uyayna Ibn Hisn dit au Prophète : " L'odeur de ces gens m'incommode, ne t'incommode-t-elle pas ?"  La laine est d'ailleurs le vêtement des Prophètes (anbiyâ') et la mise des saints. C'est ainsi que, une parole du Prophète rapportée par Abû Mûsâ Ach'ari, " soixante-dix Prophètes, pieds nus et vêtus de manteaux de laine, sont passés par le rocher de Rawha, et ils se rendaient au Temple Antique ( de la Mecque )".
D'après Hassan Basri, " Jésus - que la paix soit sur lui ! - se vêtait de crin, se nourrissait des fruits des arbres, et passait la nuit là où il s’arrêtait ". Selon une autre tradition d' Abû Mûsâ, le Prophète se vêtait de laine, prenait des ânes comme monture, et se rendait à l'invitation des pauvres gens. Hassan Basri disait encore qu'il avait connu soixante-dix compagnons ayant combattu à Badr qui ne se vêtaient que de laine. Ceux qui se comportaient comme les " hommes du banc ", selon ce que nous avons indiqué, ayant les mêmes vêtements et la même tenue qu'eux, portèrent donc le nom de " suffiyya " et de " sûfiyya " (soufi).
( à suivre)

jeudi 1 mars 2012

Traité de soufisme ( Kalâbâdhî) 2ème partie

Au Nom de DIEU le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

...Il en fut ainsi jusqu'à ce que le désir spirituel diminua et que la recherche (de DIEU ) se relâcha. On eut alors désormais affaire à des questions et des réponses, à des livres et des épîtres. Les significations, cependant, en étaient familières à leurs auteurs, et les coeurs y demeuraient réceptifs. Ceci jusqu'au moment où le sens s'en alla et où il ne resta que le mot, où la réalité disparut ne laissant que la forme apparente. La réalisation spirituelle n'était plus dès lors qu'une parure, et l'adhésion de foi un ornement. Prétendait à la vérité celui qui ne la connaissait pas, et s'en revêtait celui qui n'en était pas qualifié. la reniait par ses actes celui qui l'affirmait par ses paroles, et la dissimulait par sa véritable conduite celui qui la faisait paraître par ses discours. On y faisait entrer ce qui lui était étranger, on lui attribuait ce qu'elle ne contenait pas. Le vrai devint faux, et celui qui le connaissait fut appelé ignorant. Celui qui avait réalisé la vérité se tenait à l'écart, la gardant pour lui, et celui qui était qualifié pour la décrire la taisait jalousement. Et c'est ainsi que les coeurs s'écartèrent d'elle et que les âmes l'abandonnèrent. La connaissance et ceux qui la détenaient disparurent, de même que la théorie et la pratique, de telle sorte que les ignorants furent qualifiés de savants, et que les savants devinrent un objet de mépris.
Cet état de choses m'a inciter à donner, dans l'ouvrage que voici, une description de leur méthode spirituelle et un exposé de leur doctrine et de leur comportement;  Cela touche à l'Unité et aux Attributs de DIEU, ainsi qu'à tout ce qui s'y rapporte et qui a parfois été objet de suspicion chez ceux qui n'étaient pas au fait de leurs positions doctrinales et n'avaient pas été les disciples de leurs maîtres. J'ai dévoilé, en ayant recours au langage théorique, ce qui m'était possible, et j'ai décrit ce à quoi pouvait convenir un exposé littéral, pour que cela devienne intelligible à ceux qui ne comprenaient pas leurs allusions à ceux qui ne saisissaient pas leurs expressions. Ainsi se trouveront réfutés les mensonges de ceux qui forgent à leur endroit des conjectures fausses et les interprétations erronés des ignorants. Cet exposé est également destiné à quiconque veut suivre la voie spirituelle et qui a besoin de DIEU - qu' IL soit exalté ! - pour atteindre la réalisation. Je l'ai rédigé après avoir étudié les écrits de ceux qui sont versés dans cette matière et avoir examiné soigneusement les récits de ceux qui ont réalisé la vérité, et également après les avoir fréquentés et interrogés  personnellement. J 'ai intitulé cet ouvrage Information sur la doctrine des hommes du Soufisme, faisant ainsi savoir quel en est le propos.
J'implore l'aide de DIEU et je m'en remets à LUI. Je prie sur son Prophète et je sollicite son intercession. Et il n'y a de force et de puissance que par DIEU, le Très Haut, l'Infini !
( à suivre)