mercredi 4 juillet 2012

Le Prophète initiateur et les deux pèlerins 4 - Ibn'Arabi

Quatrième ciel : Idriss et le Soleil

Les secrets du nychtémère cosmique, les bouleversements du coeur, l'union du jour et de la nuit.

... Lorsqu'ils y pénètrent, l'adepte est reçu par Idriss - la paix soit sur lui - et le théoricien est reçu par l'astre du Soleil. Au théoricien il arrive le même phénomène qui s'était déjà produit auparavant, de sorte que celui-ci s'attriste encore davantage. Dès que l'adepte a fait halte en présence d'Idriss, il apprend l'origine des bouleversements que subissent les choses Divines. Il découvre la signification de la parole du Prophète déclarant : "Le coeur est entre deux doigts du Miséricordieux", et la cause de ce que ces deux doigts bouleversent le coeur de fond en comble. Il contemple dans ce ciel la "nuit venant recouvrir le jour, et le jour recouvrant la nuit" (cf. 7. 53 et 13. 3); il voit comment chacun des deux est tour à tour mâle et femelle à l'égard de son alter ego, et il discerne le mystère de leur union mutuelle et de leur conjonction; il voit quels êtres sont engendrés par l'union du jour et de la nuit, et il constate la différence entre les enfants de la nuit et les enfants du jour. En effet, chacun des deux (le jour comme la nuit) est un "père" à l'égard de l'enfant qu'il engendre dans le sein de son conjoint, et il est une "mère" à l'égard de l'enfant qu'il engendre dans son propre sein.

Soleil

Les permutations des Noms Divins "al-Zâhir" et "al-Bâtin"

L'adepte obtient de ce ciel la connaissance du monde visible et du  monde invisible, la connaissance de l'occultation et de la manifestation, la connaissance de la Vie et de la Mort, du revêtement et du dénuement, de la dilection Divine et de la Miséricorde. Enfin, il appréhende sous l' "aspect Divin particulier" le Nom " Al-ZAHIR " (" Le Manifesté ") dans les formes épiphaniques cachées au regard, et le Nom " AL-BATIN " (" Le Caché ") dans les formes épiphaniques visibles, compte tenu de leur prédisposition ( à occulter l'apparent et à manifester le caché). Si bien que les Noms Divins permutent et se modalisent indéfiniment par rapport à la manifestation, en fonction de la diversité des organes qui les contemplent.

Cinquième ciel : AARON ET MARS

Aaron reçoit l'adepte avec bienveillance dans le ciel de la crainte, de la violence et du courroux.

Puis les deux pèlerins repartent en quête du cinquième ciel. L'adepte fait halte chez Aaron - la paix soit lui - et le théoricien fait halte chez Mars. La planète Mars s'excuse auprès de son compagnon et visiteur d'avoir à le faire attendre pendant qu'elle sera occupée au service d' Aaron à cause de son hôte. Arrivée chez Aaron, elle trouve près de lui son hôte (l'adepte) à qui le prophète réserve un gracieux accueil. Mars s'en étonne et en demande la raison à Aaron qui lui dit : "Voici le Ciel de la crainte, de la peur, de la violence et du courroux. Ce sont là des attributs qui inspirent l'effroi, or voici un visiteur (l'adepte) venu jusqu'ici en suivant fidèlement l'Envoyé. Il convient donc de le traiter avec égard. Cet homme est venu demander une science et réclamer une autorité Divine qu'il puisse invoquer contre les mauvaises pensées qui l'assaillent, par crainte de " celui qui outrepasse les bornes" que son Maître lui a tracées (cf. 65.1). Alors moi (Aaron), je lui en dévoile la nature exacte et je l’accueille avec bienveillance pour qu'il obtienne ce qu'il réclame en gardant l'âme sereine, pénétrée d'un Esprit-Saint".


Mission de Moïse et Aaron auprès de Pharaon.

(Ayant ainsi répondu à Mars,) Aaron se retourne ensuite vers son hôte l'adepte et lui déclare : "Voici le  Ciel du Khalifa de l'espèce humaine", et le jugement de son Imâm (ou chef) s'est dégradé, alors que c'était à l'origine la plus solide des fondations. Aussi nous fut-il ordonné de faire montre de douceur envers les tyrans oppresseurs (de l'humanité). Alors, à nous autres prophètes, il fut déclaré : "Adressez-lui (à pharaon) tous deux (Moïse et Aaron) une parole de douceur" (20. 44). DIEU, certes, n'ordonne de tenir un discours d'apaisement qu'à celui dont la puissance dépasse celle de l'homme vers qui Il l'envoie et dont la force est autrement redoutable.

La " nature cachée " de Pharaon et sa conversion au DIEU d'Israël.

Cependant, lorsque DIEU remarqua que "sur le coeur de tout homme s'était imprimé un vestige épiphanique de la tyrannie et de l'orgueil" (cf. 40. 35), et que pharaon était au fond de son âme le plus pitoyable des humbles, Il ordonna à Moïse et à Aaron de le manœuvré  par la miséricorde et la douceur, en accord avec sa "nature cachée" afin de confondre la tyrannie et l'orgueil qu'il étalait au dehors. "peut-être se rappellera-t-il ou éprouvera-t-il de la crainte ?" (20. 44). Venant de DIEU, "peut-être" et "il se peut" sont des obligations impérieuses. En sorte que, grâce à la leçon de douceur et de modération qu'il avait reçue de Moïse et d'Aaron, Pharaon se rappela ce qui était confiné dans son for intérieur, pour que chez lui la nature cachée et l'apparence extérieure deviennent enfin semblables. Dès lors, le levain ne cessa plus de fermenter dans la nature cachée de Pharaon en même temps que l'Espérance en DIEU qui hâte la rencontre de Celui que l'on espère. Et ce bon levain lui imposa sa loi jusqu'à ce que cesse son désespoir lorsque, se voyant sur le point d'être "englouti" entre ses propres ambitions et lui-même, Pharaon fit appel à cette humilité et cette détresse qu'il dissimulait en son for intérieur, afin que les croyants réalisent la soudaine montée de l'Espérance en DIEU. Alors, il s'écria : " Je crois en Celui en qui croient les enfants d'Israël et je suis au nombre des moslim" (10. 90).

DIEU dit à Pharaon : " Aujourd'hui, Nous te sauvons..."




A ce moment précis, Pharaon révéla vraiment sa "nature cachée" et quelle connaissance authentique de DIEU recelait son coeur, ce qui lui fit proclamer : "(Je crois) en Celui en qui croient les enfants d'Israël", afin de supprimer toute équivoque. De même, quand ils crurent, les magiciens (de Pharaon) s'écrièrent : "Nous croyons au Seigneur des mondes, le Seigneur de Moïse et d'Aaron" (20. 70) - c'est-à-dire : (nous croyons) en Celui qu'ils invoquent. Ils s'exprimèrent ainsi pour dissiper le doute et supprimer toute équivoque. Quant à la proclamation : "Je suis au nombre des moslim", Pharaon l'adressa à DIEU Très Haut pour que DIEU sache qu'il l'avait entendu et qu'il l'avait vu. DIEU, en retour, se fit entendre à Pharaon et lui lança ces paroles de reproche : " Maintenant" - enfin tu manifestes ouvertement ce que tu savais (en ton coeur) - "alors qu'auparavant tu étais rebelle et tu étais au nombre des corrupteurs" (90. 91), en suivant ta propre voie. DIEU ne lui dit pas : tu es au nombre des corrupteurs (mais "tu étais"). C'est donc  une parole de bon augure par laquelle DIEU  nous fait savoir que nous devons espérer sa Miséricorde, en dépit de nos excès et de nos crimes. DIEU dit ensuite : " Aujourd'hui nous te sauvons..." - annonçant cette bonne nouvelle à Pharaon avant de s'emparer de son esprit - "avec ton corps, afin que tu sois un signe pour ceux qui te succéderont" (10. 92), ce qui veut dire : afin que le salut constitue un signe avertisseur pour ceux qui viendront après toi. Eh bien si DIEU a dit ce que je viens de rapporter, il en va du salut de Pharaon comme de ton propre salut !

Dans ce verset (10. 92), il n'est point dit que le malheur de l'autre monde soit inéluctable, ni que la foi de Pharaon ne fut pas agréé. Nullement ! Dans ce verset il est montré que le "malheur de ce monde-ci" ne peut être évité par ceux qui y descendent lorsqu'ils croient à l'instant même où ils en ont la vision, "excepté le peuple de Jonas" (cf.10. 98). D'où la parole Divine : " Aujourd’hui nous te sauvons avec ton corps...", parce que le châtiment infligé ne se rapporte qu'à ton "apparence extérieure".

Que personne ne désespère de la Miséricorde de DIEU.

Par là même, tu as signifié à ta créature qu'elle était sauvée du châtiment, car le commencement de la noyade était un châtiment et la mort qu'elle entraîna constitue un témoignage irrécusable et véridique devant lequel toute rébellion humaine est impuissante. Cette mort emporta Pharaon en s'emparant de sa "meilleure oeuvre" qui fut la proclamation de sa foi. Tout cela afin " que personne ne désespère de la Miséricorde de DIEU ". Car les oeuvres se jugent d'après leurs sceaux ultimes, et la foi en DIEU tourmenta sans répit la " nature cachée " de Pharaon, si bien que la Divine empreinte essentielle (de la foi scellée dans la mort) fut apposée comme un sceau sur la créature, s'interposant entre l’orgueil et les bonnes grâces humaines, pour que jamais ne s'y immisce le sombre orgueil.

Le coeur, réceptacle de la foi comme de l'aversion.


Quant au verset où DIEU dit : " Leur foi ne les secourut pas lorsqu'ils virent notre châtiment..." (40.85), c'est un propos décisif apportant toute la lumière souhaitable. Car le secours, c'est DIEU en effet, et qui donc les secourut sinon DIEU ? Il est encore ajouté : " C'est la sunna de DIEU qui naguère fut implantée au sein de ses serviteurs" (40. 85) - ce qui signifie que la foi est fonction de la vision d'un châtiment exceptionnel. Il est dit également : " Devant DIEU se prosternent ceux qui sont dans les cieux et sur la terre, bon gré, mal gré" (13. 15). La finalité d'une telle foi, c'est qu'elle devienne une "aversion" que DIEU - louange à LUI - s'est Lui-même donnée en attribut. Le réceptacle de l'aversion, c'est le coeur. Le réceptacle de la foi, c'est encore le coeur !
...
Aaron recommande à l'adepte d'agir avec douceur envers les choses. La colère de Moïse jetant les tables de la Loi et son repentir.


Moïse brise les tables de Loi
Considère bien, ô ami, l'effet obtenu par le "sermon de la douceur" et comme il porte ses fruits. Par conséquent, mon cher adepte, " tu dois agir avec douceur envers les choses ", car en vérité les âmes récalcitrantes se laissent mener docilement par l'inclination fâcheuse qui les entraîne. Puis Aaron recommande à l'adepte de traiter son compagnon le théoricien avec bonté. La raison pour laquelle Aaron lui fait cette recommandation, c'est que lui-même avait reçu cette leçon dont il avait fait l'expérience personnellement, lorsque Moïse " l'attrapa par les cheveux en l'attirant à lui" (7. 150). D'être saisi par la barbe et par le toupet de son front, Aaron se sentit profondément humilié. Alors il implora Moïse par le nom de ses parents et s'écria : "O fils de ma mère, ne m'attrape ni par la barbe ni par les cheveux et ne réjouis point les ennemis à mes dépens" (7. 150) - lorsque Moïse reparut devant lui rempli de violence. Et comme Aaron était l'humilité faite créature, d'avoir à subir une telle humiliation - bien qu'il fût innocent - son humiliation en fut redoublée, car il dut implorer la clémence de son frère. Telle est la raison de son injonction à cet adepte.

Or, si Moïse n'avait pas "jeté les Tables de la Loi", il n'aurait point saisi son frère par les cheveux (cf. 7. 150), car "sur leur copie étaient inscrite la Direction juste et la Miséricorde" (cf. 7. 154), comme un rappel à l'intention de Moïse. Il aurait alors traité son frère avec miséricorde et le litige qui l'opposait à son peuple lui serait apparu en toute clarté grâce à la direction (inscrite sur les Tables de la Loi).  " Et quand la colère de Moïse se fut apaisée, il reprit les Tables de la Loi" (7. 154). Alors, de tout ce qui y était écrit, son regard tomba exclusivement sur la Direction juste et la Miséricorde, aussi s'écria-t-il : " Seigneur, pardonne-moi ainsi qu'à mon frère et fais-nous entrer en Ta Miséricorde. Tu es le plus Miséricordieux de ceux qui font miséricorde " (7. 151).

Les holocaustes prescrits à Mars.

Ensuite, Aaron ordonne à Mars de placer les effusions de sang que réclame son ciel dans les holocaustes et les sacrifices de victimes animales, afin que les animaux soient ainsi rattachés au rang des hommes, puisque seul le rang humain détient la Perfection en ayant assumé le " Dépôt de la Foi ".
Après quoi, Mars s'en retourne de chez Aaron avec la quote-part (de sciences) dévolue à son hôte, le théoricien. Elle prend alors son compagnon (le théoricien) par la main et lui enseigne les doctrines relatives aux cycles cosmiques qu'elle est en mesure de lui communiquer, compte tenu de ce qu'implique sa propre condition. Cela exclusivement et rien d'autre.

à suivre... (nous parlerons de Moïse et Jupiter au sixième ciel)
extrait de l'Alchimie du Bonheur Parfait - Mohyiddin Ibn'Arabi






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