dimanche 12 août 2012

JEÛNE ET PRIÈRE RITUELLE - IBN'ARABI

Le mont Hira
L'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - a dit : "La prière rituelle est une lumière (nûrun), l'aumône une preuve, la patience un éclat lumineux (diyân'un) et le Coran un argument en ta faveur ou contre toi"...
Allâh - qu'Il soit Glorifié et Magnifié ! - a dit qu'Il "s'entretenait" avec celui qui accomplit la prière rituelle. Or, Il est Lumière. Allâh le Très Haut s'entretient avec lui à partir de Son Nom "la Lumière", à l'exclusion de tout autre. De même que la lumière chasse l'obscurité, de même la prière met fin à toute préoccupation profane. En cela elle se différencie des autres oeuvres car aucune d'elles n'implique l’abandon de tout autre qu'elle-même comme le fait la prière; c'est pourquoi elle est une lumière. Allâh fait savoir à l'orant que lorsqu'Il s'entretient avec lui à partir de Son Nom "la Lumière", Il reste seul avec lui : toute créature disparaît dans la Présence qui accompagne cet entretien...

Le soleil étant lui-même un "éclat lumineux" (coran 10. 5), il permet à l'être doué de vue sensible de découvrir l'ensemble des choses sur lesquelles son éclat se répand; cette "découverte" procède, non de la lumière, mais de son éclat. La lumière n'a d'autre effet que de chasser l'obscurité alors que son éclat provoque la découverte et l'intuition. Tout comme l'obscurité, la lumière est un voile. L'Envoyé d'Allâh - sur lui la Grâce et la Paix ! - a dit au sujet de son Seigneur - qu'Il soit exalté ! - : "La lumière est Son Voile"; il a dit également : "Allâh possède soixante-dix - ou soixante-dix mille - voiles de lumière et de ténèbres". Lorsqu'on lui demanda - sur lui la Grâce et la Paix ! - : "As-tu vu ton Seigneur ?", il répondit : "Lumière ! Comment le verrais-je ?" En même temps, il a déclaré que la "patience", qui correspond au jeûne et au pèlerinage, était un "éclat lumineux". En effet, elle éclaircit pour toi ce qui était confus, tout comme l'éclat de la lumière te permet de percevoir les choses.


Le jeûne n'a pas de semblable


L'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - a mentionné une parole de son Seigneur - qu'Il soit exalté ! - disant : "Tout acte du Fils d'Adam lui appartient à l'exception du jeûne car celui-ci est à Moi et c'est Moi qui en paie le prix". Il a dit aussi à quelqu'un : "Adonne-toi au jeûne car il n'a pas de semblable".  Le jeûne apparaît ainsi comme une qualification "samadânienne" exprimant la transcendance à l'égard de la nécessité de se nourrir propre à la créature. Dès lors que le serviteur désire - conformément à l’exigence de la Loi sacrée énoncée dans la Parole Divine : "Le jeûne vous a été prescrit comme il a été prescrit à ceux qui étaient avant vous" (cor. 2, 183) - revêtir une qualification qui n'appartient pas à sa constitution véritable, Allâh lui dit : "Le jeûne est à Moi" et non pas à toi, c'est à dire : "Je suis Moi Celui à qui il ne sied pas de manger et de boire. Puisque c'est en  cela que le jeûne consiste et puisque tu t'y introduis du fait que Je te l'ai prescrit " c'est Moi qui en paie le prix". C'est donc comme s'Il avait dit : "Et c'est Moi qui en paie le prix puisque la qualification de transcendance à l'égard de la nourriture et de la boisson M'implique nécessairement; toi, au contraire, tu t'en revêts alors qu'elle ne correspond pas à ton être véritable et qu'elle ne t'appartient en aucune manière; tu t'en pares dans l'état de jeûne et elle t'introduit auprès de Moi.  La "patience" consiste, en effet, à contenir son âme et tu l'as contenue sur Mon Ordre à l'égard de ce qu'implique ta réalité propre en matière de nourriture et de boisson". C'est pourquoi Il a dit encore : "Deux joies appartiennent au jeûneur : l'une, quand il rompt son jeûne...", cette joie concerne uniquement son esprit animal, "... l'autre, quand il rencontre son Seigneur" : cette joie là concerne son "âme parlante" et son "noyau seigneurial" car le jeûne amène à la rencontre d'Allâh, c'est à dire à la contemplation.

Le jeûne plus parfait que la prière.

Le jeûne est plus parfait que la prière rituelle car il entraîne la rencontre d'Allâh et Sa contemplation. La prière est un entretien, non une contemplation. Elle implique nécessairement un voile; Allâh a dit en effet : "Il n'appartient pas à la créature humaine qu'Allâh lui parle si ce n'est par inspiration ou de derrière un voile" (cor. 42, 51). C'est ainsi qu'Allâh a parlé à Moïse et c'est pour cette raison que ce dernier Lui a demandé la Vision. "S'entretenir", c'est échanger des paroles. (C'est pourquoi) Allâh dit : " J'ai partagé la prière rituelle en deux moitiés entre Moi et Mon serviteur et ce qu'il demande est à Mon serviteur; lorsque le serviteur dit : "Louange à Allâh, le Seigneur des mondes", Allâh dit : "Mon serviteur M'a louangé", etc." Le jeûne, en revanche, ne se partage pas. Il appartient (tout entier) à Allâh et nullement au serviteur. Bien plus, le serviteur ne reçoit son "salaire" que par le fait même qu'il appartient à Allâh !

Il y'a ici un secret sublime. Nous avons déjà dit que la "contemplation" et l' "entretien" ne sont pas compatibles. En effet, la contemplation provoque perplexité et stupeur (baht) alors que la parole vise à la compréhension : quand une parole se présente à toi, ton attention se porte sur ce qui est dit - peu importe ce dont il s'agit - non sur celui qui parle. Comprends donc le Coran et  tu comprendras al-Furqân ! (1)
Telle est la différence entre la prière rituelle et le jeûne... Quant à ce que nous avons dit à propos du fait qu'Allâh "paie le prix" du jeûne par la joie que le jeûneur éprouve au moment où il rencontre son Seigneur, le secret correspondant se trouve dans la Sourate Yûsuf : " Celui dans le sac duquel il sera trouvé servira lui-même de prix" (Cor. 12, 75).

source : Textes sur le jeûne - Ibn'Arabi

1. Le Cheikh semble vouloir identifier ici le Furqân à l'aspect "compréhensible" du Coran.

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