Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle le monde de la dignité, de la sérénité et de la fermeté; la ruse (makr), les énigmes et les secrets, et d'autres choses de ce genre. Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le monde de la confusion, de l'impuissance, de l'incapacité et les trésors du labeur; et cela est le ciel suprême (1).
Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révélera les Jardins : les degrés des marches qui montent jusqu'à eux, la manière dont ils se joignent, et dont ils se comparent l'un à l'autre par les plaisirs qu'ils offrent. Et tu es arrêté sur le chemin étroit et emporté au bord de l'Enfer, et d'en haut tu regardes les marches qui y descendent, la manière dont elles se joignent, et dont elles se comparent l'une à l'autre par leur dureté. Il te révèle les œuvres qui correspondent à ces deux lieux. Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle l'un des sanctuaires où les esprits s'absorbent dans la Vision Divine. En elle ils sont enivrés et égarés. Le pouvoir de l'extase les a conquis, et leur état te fait signe.
Et si tu ne t'arrêtes pas à ce signe, une lumière se révèle, dans laquelle tu ne vois rien d'autre que ton propre reflet. Dans cette lumière tu es saisi d'un extrême ravissement et des transports de l'amour, en elle tu trouves une félicité Divine qui t'était jusqu'alors inconnue. Tout ce que tu as vu précédemment t'apparaît petit, et tu te balances comme une lampe (2).
Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle la forme originelle des fils d'Adam. Et les voiles se soulèvent. Et les voiles descendent (3). Et ils lancent une louange particulière que tu reconnais en l'entendant, et tu ne succombes pas (4). Tu vois ta forme au milieu d'eux, et c'est elle qui te permet d'identifier le moment où tu te trouves.
Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le Trône de miséricorde (sarir al-rahmaniyya). Tout s'y trouve. Si tu le considères tu y trouveras la totalité de ce que tu connaissais, et plus encore : il ne reste aucun monde, aucune essence, que tu n'y reconnaisses. Cherche-toi : si cela convient, tu trouveras ta destination, le lieu où tu te trouves et la limite de ton degré, et le Divin Nom de ton Seigneur et où résident ta part de gnose et de sainteté - la forme de ton unicité.
Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle la Plume, le premier Intellect, le maître et l'enseignant de toute chose. Tu examines sont tracé et connais le message qu'elle porte et témoignes de son inversion, de la réception et de la particularisation des vastes [connaissances] qui découlent de l'ange al-Nuni (5).
Et si tu ne t'arrêtes pas, Il révèle celui qui fait se mouvoir cette Plume, la main droite de la vérité (6).
Et si tu ne t'arrêtes pas, tu es déraciné (7), puis retiré (8), puis effacé, puis écrasé (9), puis oblitéré.
Quand les effets du déracinement et de ce qui le suit sont achevés, tu es affirmé (10), puis rendu présent, puis rendu capable de demeurer, puis réuni, puis assigné. Et les robes d'honneur que [ton degré] requiert te sont conférées, et elles sont nombreuses.
Puis tu reprends ton chemin et examines tout ce que tu as vu sous des formes différentes jusqu'à ton retour au monde de tes sens terrestres et limités. Ou [tu te tiens solidement] là où tu as été absent; et la destination du chercheur dépend de la route qu'il suit.
Parmi [ceux qui terminent ce voyage] se trouvent ceux à qui a été confiée Sa Parole, et parmi eux se trouvent ceux à qui Sa Parole n'a pas été confiée. Et tous ceux à qui une Parole a été confiée, qu'elle qu' Elle soit, deviennent héritiers du prophète de ce langage*. C'est ce que veulent dire les gens de cette voie lorsqu'ils disent que tel homme est Moïse ou Abraham ou Enoch. Parmi eux se trouve quelqu'un à qui l'on a confié deux, trois ou quatre Paroles, ou même plus. Celui qui a été rendu parfait se voit confier la totalité des Paroles, et il procède particulièrement de Mohammed.
Alors qu'il est à sa destination, aussi longtemps qu'il n'entreprend pas le retour, le chercheur est appelé "celui qui s'arrête" (waqif). Ceux qui s'arrêtent incluent ceux qui sont absorbés par cet état, comme par exemple Abu-'Iqal et d'autres. En lui [Dieu] les prend et en lui ils sont ressuscités (11). La classification waqif inclut également ceux qui sont renvoyés (mardudun). Ceux-là sont plus parfaits que ceux qui sont absorbés (mustahlikun). Si [un chercheur] se trouve absorbé dans une position supérieure à celle d'où revient [un autre chercheur], alors on ne dit pas que celui qui revient est supérieur. La condition qui permet d'établir une comparaison est la ressemblance mutuelle entre eux deux. Si cette condition existe, celui qui revient vit, après être descendu de la position de celui qui a été absorbé, de telle sorte qu'il atteint le degré de celui-là même, et le surpasse en approchant, le surpasse en descendant, et la surpasse dans le développement et la réception du savoir.
En ce qui concerne ceux qui reviennent, on distingue parmi eux deux types d'hommes.
Il y' a celui qui retourne à lui-même seul; il est celui qui descend, dont nous avons parlé. Ce type d'homme est le gnostique, 'arif, parmi nous. Il revient vers le perfectionnement de soi par une autre route que celle qu'il avait prise. Parmi eux se trouve aussi celui qui est renvoyé à la Création avec le langage du chef et du guide. Il a hérité son savoir, il est L' 'alim.
Les convocateurs et les héritiers ne sont pas tous en la même position, mais la position de leur convocation les réunit, et certains surpassent les autres en degré. Comme l'a dit : Dieu le Très-Haut : " Nous avons fait en sorte que certains de ces messagers excellent plus que les autres" (Coran 2: 253). Au nombre des héritiers se trouvent des convocateurs qui expriment la Parole de Moïse, de Jésus, de Sem, de Noé, d'Isaac, d'Ismaël, d'Adam, d'Enoch, d'Abraham, de Joseph et d'Aaron, et d'autres encore; ce sont les soufis. Ils sont les adeptes des états, comparés aux maîtres que nous comptons parmi nous (12). Parmi [les héritiers] on trouve aussi des convocateurs qui expriment la Parole de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient sur lui); ce sont les Malamiyya, les adeptes de la permanence et de la réalité.
Et quand ils convoquent la Création devant Dieu le Très-Haut, parmi eux se trouve celui qui les appelle de la porte de fana' dans la réalité de la servitude, ('ubudiyya) (13). [Il est fait allusion à ce fana'] lorsqu'Il dit (puisse-t-Il être exalté) : " Je t'ai créé auparavant quand tu n'étais rien" (Coran 19: 9). Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la servitude, qui est humilité et indigence, et que l'étape de servitude requiert. Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature miséricordieuse; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature conquérante; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature Divine, qui est la quatrième porte et la plus sublime (14).
Sache que la prophétie et la sainteté participent à trois choses : une, à la connaissance sans savoir acquis; deux, à l'action faite par l'himma, l'intention du cœur, en ce qu'on a coutume de croire seulement réalisable par le corps, ou qui est même irréalisable par le corps; trois, à la vision du monde des images dans le monde sensoriel. Les deux diffèrent uniquement dans le mode par lequel elles s'adressent aux gens, car le discours du saint est autre que le discours du prophète (15).
Ne suppose pas que l'ascension du saint est égale à l'ascension du prophète. Il n'en est rien, parce que l'ascension requiert des actions particulières. Si les saints et les prophètes prenaient part aux mêmes affaires en vertu d'une ascension identique, les saints seraient identiques aux prophètes, ce qui n'est pas notre cas (16). Bien que les deux classes aient un point commun - les étapes de la prise de conscience Divine - l'ascension des prophètes se fait par la lumière fondamentale elle-même, tandis que l'ascension des saints se fait par ce que cette lumière accorde providentiellement (17).
Quoique, par exemple, ils [un saint et un prophète] puissent tous deux se trouver à l'étape de la Confiance, cette étape ne présenterait pas le même aspect dans les deux cas. La supériorité ne se trouve pas dans la prise de confiance, mais dans l'aspect qu'elle revêt. Les aspects de la confiance dépendent de ceux qui exercent cette confiance, et le cas reste le même dans chaque état et dans chaque étape de fana' et de baga', l'union et la séparation, l'harmonie et la discorde, et ainsi de suite.
Et sache que chaque saint de Dieu le Très-Haut reçoit ce qu'il reçoit par la médiation spirituelle du prophète dont il suit la Voie sacrée, et c'est en cette étape qu'il se livre à la contemplation. Et il y a ceux qui le savent, et ceux qui l'ignorent et disent : " Dieu m'a dit"; mais ce n'est rien d'autre que la nature spirituelle [de leur prophète]. Et il y a des secrets propres à Sa subtilité mais ces pages, qui ne visent qu'à fournir une introduction, sont trop brèves pour en traiter.
Parmi les saints de la communauté de Mohammed - le Rassembleur des états des prophètes, la paix et la bénédiction soient sur lui - il peut se trouver un héritier de l'état de Moïse, mais il tient son héritage de la lumière de Mohammed, non de la lumière de Moïse.
Son état procède de Mohammed, tout comme l'état de Moïse procédait de Mohammed. Parfois un saint, à l'approche de la mort, semble prêter attention à Moïse ou à Jésus. Les gens ordinaires et ceux qui ne détiennent pas la connaissance imaginent qu'il est devenu juif ou chrétien, puisqu'il mentionne ces prophètes au moment de mourir, mais [en fait cette allusion] découle de la prise de conscience puissante qui caractérise cette étape. Toutefois le qutb appartient directement au cœur de Mohammed. Et nous avons rencontré des hommes appartenant au cœur de Jésus - parmi lesquels compte le premier cheikh que tu as rencontré - et des hommes appartenant au cœur de Moïse, et d'autres appartenant au cœur d'Abraham, et d'autres [ayant des appartenances similaires]. Et cela demeurera un secret pour tous sauf pour nos amis.
Sache que Mohammed (la paix et la bénédiction soient avec lui) est celui qui a donné à tous les prophètes et les messagers la position qu'ils occupent dans le Monde des Esprits, jusqu'à ce qu'il soit envoyé dans le corps (18). Nous l'avons suivi, [héritant ainsi sa conduite directe dans le monde temporel]. Les prophètes qui en ont porté témoignage, ou qui descendent après lui (19), se joignent à nous, et les saints des prophètes qui ont précédé [sa naissance physique] reçoivent également [leur héritage spirituel] de Mohammed. Ainsi les saints de Mohammed partagent avec les prophètes une transmission directe qui vient de lui. A cause de cela il est dit dans le hadith : " Ceux de cette communauté qui ont la connaissance sont comme les prophètes d'Israël."
Et Dieu le Très-Haut a dit à notre propos "... afin que vous soyez les témoins du peuple" (Coran 22: 78); et Il a dit, au sujet des Messagers: " Et en ce jour nous susciterons dans chaque communauté un témoin qui se lèvera d'entre eux et contre eux" (Coran 16: 89).
Aussi sommes-nous, les prophètes et nous, les témoins de leurs successeurs. Aussi, dans la retraite, consacre l'himma à l'héritage entier de Mohammed.
Sache que le sage véritable, longanime et parfait, est celui qui traite chaque condition et chaque moment de la manière appropriée, et ne les mêle pas. C'est l'état de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient avec lui) car il se trouvait à deux portées de flèches ou moins de son Seigneur; et alors il s'éveilla parmi ses gens et en parla à ceux qui étaient présents; les polythéistes ne le crurent pas, car il ne portait aucune trace [de son ascension], et son apparence était la même que la leur. Ce fut impossible même pour Moïse qui, quand la marque de la [Révélation Divine] lui apparut, se voila la face.
Tout chercheur connaîtra inévitablement l'impact des états, et la fusion des mondes entre eux, mais le développement, à partir de cette étape, vers l'étape de la sagesse Divine apparaissant dans les principes extérieurs habituels est pour lui une obligation. La transcendance de l'ordre habituel deviendra son secret, si bien que les événements qui dépassent l'ordinaire l'accompagneront naturellement. Il ne cessera de dire à chaque souffle : " Seigneur, accrois mon savoir pendant que la sphère céleste se meut grâce à Ton souffle," (20) et doit s'efforcer de faire en sorte que ce moment soit Son souffle. Lorsque l'influence du Moment se manifeste, il la recevra. Qu'il se garde de s'éprendre de [l'influence du Moment], mais qu'il s'en souvienne, car cela lui sera nécessaire s'il instruit. La plupart des cheikhs se voient retirer le rôle de professeur parce qu'ils ont simplement négligé de se souvenir de ce que nous avons mentionné, et qu'ils s'en abstiennent totalement.
Le Moment (21) s'allonge et se rétrécit selon la présence de celui qui y prend part. Il y a ceux dont le Moment est une heure, un jour, une semaine, un mois ou une année, ou à qui cela n'arrive qu'une fois en toute une vie. Et, [inclus] dans l'humanité, se trouve celui qui ne connaît aucun Moment. Car celui qui tourne son attention vers les souffles tient les heures en son pouvoir, et tout ce qui est au-delà; et celui dont le Moment est la présence des heures perd la notion des souffles; et celui dont le Moment est les jours perd les heures; et celui dont le Moment est les semaines perd les jours; et celui dont le Moment est les années perd les mois; et celui dont le Moment est l'existence perd les années; et quiconque n'a pas de Moment n'a pas d'existence et perd sa vie après la mort. Il ne prolonge pas son himma animale. Et l'élévation personnelle indique l'étroitesse du Moment et la petitesse du savoir.
Celui qui n' a pas de Moment en est privé seulement pendant la durée de sa maladie, aussi longtemps qu'il est gouverné par sa nature animale. Car il est impossible à la porte du monde invisible et à ses secrets de rester ouverts alors que le cœur les désire ardemment (22). En ce qui concerne la porte de la connaissance contemplative de Dieu, elle ne s'ouvre pas tant que le cœur se tourne vers quoi que ce soit qui appartienne au monde, visible ou invisible.
Et sache à propos de ces choses [qui nous sont] confiées [par Dieu - les devoirs de la Loi sacrée]: si une personne les recherche et les met à exécution, sans viser (himma) à aucune entreprise supérieure, sinon [dans l'espoir d'atteindre] le Paradis - elle est le fidèle, le compagnon de l'eau et la niche de prière. En revanche, si son intention est liée à ce qui est au-delà de l'adoration sans qu'elle y soit préparée, rien ne lui sera révélé et son intention ne lui profitera pas. Au contraire, une semblable personne ressemble à un malade. Ses forces et ses possibilités sont complètement anéanties, et avec elles la volonté, himma, et la capacité d'agir sont sérieusement endommagées. Comment pourrait-elle raisonnablement attendre ce que recherche son himma ? La préparation à la perfection, par l'himma et bien d'autres choses encore, est nécessaire (23).
Et s'il atteint l'essence de la réalité, et que son intention est dissoute - et la réalisation de ce qui se trouve au-delà n'a pas de limite - celui qui est parvenu au but dit : " Cela ne convient qu'ainsi, et ce seulement dans l'intérêt de l'étonnement que suscite le lever des voiles." Car par la connaissance qui émane de la contemplation il vient à se tourner vers ce qui est au-delà de chaque apparence : la Vérité au-delà des apparences. Car Celui qui est apparent, bien qu'Il ne soit qu'un dans Son essence, est infini dans Ses aspects. Ils sont Sa trace en nous (24).
Et pourtant celui qui sait connaît une soif éternelle, le désir et le respect s'attachent à lui à jamais. Et pour que cela se reproduise que les ouvriers œuvres, et pour que cela se reproduise que les prétendants s'affrontent.
Et la bénédiction de Dieu soit avec notre Maître Mohammed, et sur sa famille et ses compagnons; et la paix. Et loué soit Dieu, Seigneur des Mondes.
source: Voyage vers le Maître de la Puissance (Ibn'Arabi)
* Chaque prophète manifeste un aspect particulier du discours Divin, et "parle" dans le "langage" de cet aspect, représentant une Parole. Les saints qui réalisent cette relation parfaite sont donc les héritiers des prophètes qui les premiers l'ont rendue manifeste. Le prophète Mohammed, en tant que Sceau ou Accomplissement des prophètes, contient en lui la totalité de ces paroles prophétiques.
Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle la forme originelle des fils d'Adam. Et les voiles se soulèvent. Et les voiles descendent (3). Et ils lancent une louange particulière que tu reconnais en l'entendant, et tu ne succombes pas (4). Tu vois ta forme au milieu d'eux, et c'est elle qui te permet d'identifier le moment où tu te trouves.
Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te révèle le Trône de miséricorde (sarir al-rahmaniyya). Tout s'y trouve. Si tu le considères tu y trouveras la totalité de ce que tu connaissais, et plus encore : il ne reste aucun monde, aucune essence, que tu n'y reconnaisses. Cherche-toi : si cela convient, tu trouveras ta destination, le lieu où tu te trouves et la limite de ton degré, et le Divin Nom de ton Seigneur et où résident ta part de gnose et de sainteté - la forme de ton unicité.
Et si tu ne t'arrêtes pas, Il te révèle la Plume, le premier Intellect, le maître et l'enseignant de toute chose. Tu examines sont tracé et connais le message qu'elle porte et témoignes de son inversion, de la réception et de la particularisation des vastes [connaissances] qui découlent de l'ange al-Nuni (5).
Et si tu ne t'arrêtes pas, Il révèle celui qui fait se mouvoir cette Plume, la main droite de la vérité (6).
Et si tu ne t'arrêtes pas, tu es déraciné (7), puis retiré (8), puis effacé, puis écrasé (9), puis oblitéré.
Quand les effets du déracinement et de ce qui le suit sont achevés, tu es affirmé (10), puis rendu présent, puis rendu capable de demeurer, puis réuni, puis assigné. Et les robes d'honneur que [ton degré] requiert te sont conférées, et elles sont nombreuses.
Puis tu reprends ton chemin et examines tout ce que tu as vu sous des formes différentes jusqu'à ton retour au monde de tes sens terrestres et limités. Ou [tu te tiens solidement] là où tu as été absent; et la destination du chercheur dépend de la route qu'il suit.
Parmi [ceux qui terminent ce voyage] se trouvent ceux à qui a été confiée Sa Parole, et parmi eux se trouvent ceux à qui Sa Parole n'a pas été confiée. Et tous ceux à qui une Parole a été confiée, qu'elle qu' Elle soit, deviennent héritiers du prophète de ce langage*. C'est ce que veulent dire les gens de cette voie lorsqu'ils disent que tel homme est Moïse ou Abraham ou Enoch. Parmi eux se trouve quelqu'un à qui l'on a confié deux, trois ou quatre Paroles, ou même plus. Celui qui a été rendu parfait se voit confier la totalité des Paroles, et il procède particulièrement de Mohammed.
Alors qu'il est à sa destination, aussi longtemps qu'il n'entreprend pas le retour, le chercheur est appelé "celui qui s'arrête" (waqif). Ceux qui s'arrêtent incluent ceux qui sont absorbés par cet état, comme par exemple Abu-'Iqal et d'autres. En lui [Dieu] les prend et en lui ils sont ressuscités (11). La classification waqif inclut également ceux qui sont renvoyés (mardudun). Ceux-là sont plus parfaits que ceux qui sont absorbés (mustahlikun). Si [un chercheur] se trouve absorbé dans une position supérieure à celle d'où revient [un autre chercheur], alors on ne dit pas que celui qui revient est supérieur. La condition qui permet d'établir une comparaison est la ressemblance mutuelle entre eux deux. Si cette condition existe, celui qui revient vit, après être descendu de la position de celui qui a été absorbé, de telle sorte qu'il atteint le degré de celui-là même, et le surpasse en approchant, le surpasse en descendant, et la surpasse dans le développement et la réception du savoir.
En ce qui concerne ceux qui reviennent, on distingue parmi eux deux types d'hommes.
Les convocateurs et les héritiers ne sont pas tous en la même position, mais la position de leur convocation les réunit, et certains surpassent les autres en degré. Comme l'a dit : Dieu le Très-Haut : " Nous avons fait en sorte que certains de ces messagers excellent plus que les autres" (Coran 2: 253). Au nombre des héritiers se trouvent des convocateurs qui expriment la Parole de Moïse, de Jésus, de Sem, de Noé, d'Isaac, d'Ismaël, d'Adam, d'Enoch, d'Abraham, de Joseph et d'Aaron, et d'autres encore; ce sont les soufis. Ils sont les adeptes des états, comparés aux maîtres que nous comptons parmi nous (12). Parmi [les héritiers] on trouve aussi des convocateurs qui expriment la Parole de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient sur lui); ce sont les Malamiyya, les adeptes de la permanence et de la réalité.
Et quand ils convoquent la Création devant Dieu le Très-Haut, parmi eux se trouve celui qui les appelle de la porte de fana' dans la réalité de la servitude, ('ubudiyya) (13). [Il est fait allusion à ce fana'] lorsqu'Il dit (puisse-t-Il être exalté) : " Je t'ai créé auparavant quand tu n'étais rien" (Coran 19: 9). Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la servitude, qui est humilité et indigence, et que l'étape de servitude requiert. Et parmi eux se trouve celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature miséricordieuse; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature conquérante; et celui qui appelle de la porte de l'attention à la nature Divine, qui est la quatrième porte et la plus sublime (14).
Sache que la prophétie et la sainteté participent à trois choses : une, à la connaissance sans savoir acquis; deux, à l'action faite par l'himma, l'intention du cœur, en ce qu'on a coutume de croire seulement réalisable par le corps, ou qui est même irréalisable par le corps; trois, à la vision du monde des images dans le monde sensoriel. Les deux diffèrent uniquement dans le mode par lequel elles s'adressent aux gens, car le discours du saint est autre que le discours du prophète (15).
Ne suppose pas que l'ascension du saint est égale à l'ascension du prophète. Il n'en est rien, parce que l'ascension requiert des actions particulières. Si les saints et les prophètes prenaient part aux mêmes affaires en vertu d'une ascension identique, les saints seraient identiques aux prophètes, ce qui n'est pas notre cas (16). Bien que les deux classes aient un point commun - les étapes de la prise de conscience Divine - l'ascension des prophètes se fait par la lumière fondamentale elle-même, tandis que l'ascension des saints se fait par ce que cette lumière accorde providentiellement (17).
Quoique, par exemple, ils [un saint et un prophète] puissent tous deux se trouver à l'étape de la Confiance, cette étape ne présenterait pas le même aspect dans les deux cas. La supériorité ne se trouve pas dans la prise de confiance, mais dans l'aspect qu'elle revêt. Les aspects de la confiance dépendent de ceux qui exercent cette confiance, et le cas reste le même dans chaque état et dans chaque étape de fana' et de baga', l'union et la séparation, l'harmonie et la discorde, et ainsi de suite.
Et sache que chaque saint de Dieu le Très-Haut reçoit ce qu'il reçoit par la médiation spirituelle du prophète dont il suit la Voie sacrée, et c'est en cette étape qu'il se livre à la contemplation. Et il y a ceux qui le savent, et ceux qui l'ignorent et disent : " Dieu m'a dit"; mais ce n'est rien d'autre que la nature spirituelle [de leur prophète]. Et il y a des secrets propres à Sa subtilité mais ces pages, qui ne visent qu'à fournir une introduction, sont trop brèves pour en traiter.
Parmi les saints de la communauté de Mohammed - le Rassembleur des états des prophètes, la paix et la bénédiction soient sur lui - il peut se trouver un héritier de l'état de Moïse, mais il tient son héritage de la lumière de Mohammed, non de la lumière de Moïse.
Son état procède de Mohammed, tout comme l'état de Moïse procédait de Mohammed. Parfois un saint, à l'approche de la mort, semble prêter attention à Moïse ou à Jésus. Les gens ordinaires et ceux qui ne détiennent pas la connaissance imaginent qu'il est devenu juif ou chrétien, puisqu'il mentionne ces prophètes au moment de mourir, mais [en fait cette allusion] découle de la prise de conscience puissante qui caractérise cette étape. Toutefois le qutb appartient directement au cœur de Mohammed. Et nous avons rencontré des hommes appartenant au cœur de Jésus - parmi lesquels compte le premier cheikh que tu as rencontré - et des hommes appartenant au cœur de Moïse, et d'autres appartenant au cœur d'Abraham, et d'autres [ayant des appartenances similaires]. Et cela demeurera un secret pour tous sauf pour nos amis.
Sache que Mohammed (la paix et la bénédiction soient avec lui) est celui qui a donné à tous les prophètes et les messagers la position qu'ils occupent dans le Monde des Esprits, jusqu'à ce qu'il soit envoyé dans le corps (18). Nous l'avons suivi, [héritant ainsi sa conduite directe dans le monde temporel]. Les prophètes qui en ont porté témoignage, ou qui descendent après lui (19), se joignent à nous, et les saints des prophètes qui ont précédé [sa naissance physique] reçoivent également [leur héritage spirituel] de Mohammed. Ainsi les saints de Mohammed partagent avec les prophètes une transmission directe qui vient de lui. A cause de cela il est dit dans le hadith : " Ceux de cette communauté qui ont la connaissance sont comme les prophètes d'Israël."
Et Dieu le Très-Haut a dit à notre propos "... afin que vous soyez les témoins du peuple" (Coran 22: 78); et Il a dit, au sujet des Messagers: " Et en ce jour nous susciterons dans chaque communauté un témoin qui se lèvera d'entre eux et contre eux" (Coran 16: 89).
Aussi sommes-nous, les prophètes et nous, les témoins de leurs successeurs. Aussi, dans la retraite, consacre l'himma à l'héritage entier de Mohammed.
Sache que le sage véritable, longanime et parfait, est celui qui traite chaque condition et chaque moment de la manière appropriée, et ne les mêle pas. C'est l'état de Mohammed (que la paix et la bénédiction soient avec lui) car il se trouvait à deux portées de flèches ou moins de son Seigneur; et alors il s'éveilla parmi ses gens et en parla à ceux qui étaient présents; les polythéistes ne le crurent pas, car il ne portait aucune trace [de son ascension], et son apparence était la même que la leur. Ce fut impossible même pour Moïse qui, quand la marque de la [Révélation Divine] lui apparut, se voila la face.
Tout chercheur connaîtra inévitablement l'impact des états, et la fusion des mondes entre eux, mais le développement, à partir de cette étape, vers l'étape de la sagesse Divine apparaissant dans les principes extérieurs habituels est pour lui une obligation. La transcendance de l'ordre habituel deviendra son secret, si bien que les événements qui dépassent l'ordinaire l'accompagneront naturellement. Il ne cessera de dire à chaque souffle : " Seigneur, accrois mon savoir pendant que la sphère céleste se meut grâce à Ton souffle," (20) et doit s'efforcer de faire en sorte que ce moment soit Son souffle. Lorsque l'influence du Moment se manifeste, il la recevra. Qu'il se garde de s'éprendre de [l'influence du Moment], mais qu'il s'en souvienne, car cela lui sera nécessaire s'il instruit. La plupart des cheikhs se voient retirer le rôle de professeur parce qu'ils ont simplement négligé de se souvenir de ce que nous avons mentionné, et qu'ils s'en abstiennent totalement.
Le Moment (21) s'allonge et se rétrécit selon la présence de celui qui y prend part. Il y a ceux dont le Moment est une heure, un jour, une semaine, un mois ou une année, ou à qui cela n'arrive qu'une fois en toute une vie. Et, [inclus] dans l'humanité, se trouve celui qui ne connaît aucun Moment. Car celui qui tourne son attention vers les souffles tient les heures en son pouvoir, et tout ce qui est au-delà; et celui dont le Moment est la présence des heures perd la notion des souffles; et celui dont le Moment est les jours perd les heures; et celui dont le Moment est les semaines perd les jours; et celui dont le Moment est les années perd les mois; et celui dont le Moment est l'existence perd les années; et quiconque n'a pas de Moment n'a pas d'existence et perd sa vie après la mort. Il ne prolonge pas son himma animale. Et l'élévation personnelle indique l'étroitesse du Moment et la petitesse du savoir.
Celui qui n' a pas de Moment en est privé seulement pendant la durée de sa maladie, aussi longtemps qu'il est gouverné par sa nature animale. Car il est impossible à la porte du monde invisible et à ses secrets de rester ouverts alors que le cœur les désire ardemment (22). En ce qui concerne la porte de la connaissance contemplative de Dieu, elle ne s'ouvre pas tant que le cœur se tourne vers quoi que ce soit qui appartienne au monde, visible ou invisible.
Et sache à propos de ces choses [qui nous sont] confiées [par Dieu - les devoirs de la Loi sacrée]: si une personne les recherche et les met à exécution, sans viser (himma) à aucune entreprise supérieure, sinon [dans l'espoir d'atteindre] le Paradis - elle est le fidèle, le compagnon de l'eau et la niche de prière. En revanche, si son intention est liée à ce qui est au-delà de l'adoration sans qu'elle y soit préparée, rien ne lui sera révélé et son intention ne lui profitera pas. Au contraire, une semblable personne ressemble à un malade. Ses forces et ses possibilités sont complètement anéanties, et avec elles la volonté, himma, et la capacité d'agir sont sérieusement endommagées. Comment pourrait-elle raisonnablement attendre ce que recherche son himma ? La préparation à la perfection, par l'himma et bien d'autres choses encore, est nécessaire (23).
Et s'il atteint l'essence de la réalité, et que son intention est dissoute - et la réalisation de ce qui se trouve au-delà n'a pas de limite - celui qui est parvenu au but dit : " Cela ne convient qu'ainsi, et ce seulement dans l'intérêt de l'étonnement que suscite le lever des voiles." Car par la connaissance qui émane de la contemplation il vient à se tourner vers ce qui est au-delà de chaque apparence : la Vérité au-delà des apparences. Car Celui qui est apparent, bien qu'Il ne soit qu'un dans Son essence, est infini dans Ses aspects. Ils sont Sa trace en nous (24).
Et pourtant celui qui sait connaît une soif éternelle, le désir et le respect s'attachent à lui à jamais. Et pour que cela se reproduise que les ouvriers œuvres, et pour que cela se reproduise que les prétendants s'affrontent.
Et la bénédiction de Dieu soit avec notre Maître Mohammed, et sur sa famille et ses compagnons; et la paix. Et loué soit Dieu, Seigneur des Mondes.
source: Voyage vers le Maître de la Puissance (Ibn'Arabi)
* Chaque prophète manifeste un aspect particulier du discours Divin, et "parle" dans le "langage" de cet aspect, représentant une Parole. Les saints qui réalisent cette relation parfaite sont donc les héritiers des prophètes qui les premiers l'ont rendue manifeste. Le prophète Mohammed, en tant que Sceau ou Accomplissement des prophètes, contient en lui la totalité de ces paroles prophétiques.
- " monde de la confusion". Il en a fait un monde de "confusion et d'impuissance" parce que la lumière de la nature indicible de l'être de Dieu (huwiyya) l'englobe, et personne ne peut le voir ni le percevoir à travers l'intensité de Sa Lumière. Et la contemplation de la nature de l'être lègue la vie, ainsi qu'on ne peut le nier.
- " Et si tu te balances comme une lampe" dans le souffle de la brise. Sache (que Dieu t'accorde sa miséricorde) que ce lieu est une étape qui exige le plus extrême courage de celui qui cherche la vérité. Car s'il y parvient et que cette singularité se manifeste à lui, et que cette lumière dont le cheikh a parlé s'élève devant lui, il croit être arrivé dans la Présence de l'Unité (ahadiyya) et avoir triomphé dans la révélation essentielle. Cela est imputable à la félicité Divine qu'il trouve en cette étape, et au fait que toute autre réalité différente de la sienne en est absente. Donc, O chercheur qui chemine sur ces sentiers, si tu parviens à cette révélation, ne t'y attache pas, et ne la désire pas malgré la félicité et le ravissement qu'elle te procure.
- " Et les voiles se soulèvent. Et les voiles descendent" sur "les formes des fils d'Adam". Et c'est parce que quand le premier d'entre nous [Adam] a désobéi à Dieu le Très-Haut, sa forme s'est altérée. Un voile qui venait du Nom al-Sattar, Celui qui pose le voile, est descendu entre [la forme altérée d'Adam] et toutes les autres formes de sorte que celle-ci ne surent pas ce qui était arrivé à l'homme, et ne connurent pas l'altération dont sa transgression l'avait marqué. Lorsqu'il se repentit, sa forme redevint ce qu'elle était auparavant. Aussi le voile fut-il levé et les autres formes virent Adam dans son état originel. Cela grâce à la miséricorde et à la générosité de Dieu...
- " Une louange particulière que tu reconnais en l'entendant." Et c'est " Exalté soit Celui qui révèle le beau et dissimule le laid."
- " Et si tu ne t'arrêtes pas," c'est à dire, au Trône du Miséricordieux, " Il te révèle... le Premier Intellect" qui est le premier enseignant, et la première existence du monde de l'enseignement et de l'inscription. C'est le directeur et l'origine de toute chose par permission et ordre de Dieu le Très-Haut. C'est donc "le maître de toute chose", "toute chose" signifiant le Trône, l'Âme et l'Univers. Car l'Intellect transmet à l'âme tout ce qui est reçu de Dieu le Très-Haut. Quand le Trône est appelé une "Tablette", l'Intellect est la Plume (al-qalam) qui écrit sur elle; quand il est appelé une Âme, l'Intellect est son maître. Ainsi l'Intellect est son "professeur". " Tu examines son tracé" au travers des réalités du monde et de la réalité de sa position, et tu connais "le message qu'elle porte... Et témoigne de son inversion" dans le sens où c'est une Plume qui écrit sur Tablette. Car, lorsque tu écris avec une plume, elle est inversée. Et tu témoignes "de la réception" des vastes connaissances [comme lorsqu'une plume est remplie d'encre,] et de la "particularisation des vastes [connaissances]" sur la Tablette "qui découlent de l'ange al-Nuni." Pour ce qui est d'apprendre Son langage, ils sont comme les éléments gouvernants et gouvernés d'une construction génitive. Sache que le cheikh a écrit dans son livre 'Uglat al-mustawfiz qu'il n'existe aucun médiateur entre l'Intellect et le Créateur, gloire Lui soit rendue, bien qu'il soit dit qu'entre eux se trouve un ange du nom de al-Nuni ["comme la lettre nun," la lettre abrégée qui ouvre la Soixante-dixième Sourate du Coran, intitulée la Plume,] qui comprend la connaissance universelle et est comparée à un encrier, l'Intellect à une plume, et l'Âme à une tablette. Cela n'est pas correct. L'Intellect, en ce qui concerne la compréhension de la connaissance dans son essence, est appelé al-Nuni; et le fait d'activer les détails de cette connaissance en les écrivant sur la Tablette est appelé la Plume.
- " Et si tu ne t'arrêtes pas" c'est à dire, à ce Maître de toute chose qu'est la Plume supérieure, " Il révèle celui qui fait se mouvoir" cette Plume. C'est "la main droite de la Vérité", qui représente les attributs de Sa Beauté, car ils sont nécessaires pour que le monde existe. C'est pourquoi ils activent la Plume. Aussi comprends; si Dieu le veut, tu seras guidé correctement. Et si tu ne t'arrêtes pas à cela Il te relève les Anges ravis créés à partir du Nuage. Et si tu ne t'arrêtes pas à cela, Il te relève le Nuage dans lequel notre Maître existait avant d'avoir créé le monde* et la Parole, le message du Sublime, avant qu'Il nous introduise à sa réalité. Le cheikh, que le Dieu Très-Haut lui accorde sa faveur, a dit : " Le Nuage est le siège du nom "le Seigneur" (al-Rabb) de même que le Trône est le siège du nom "le Miséricordieux" (al-Raham). Le Nuage est la première des choses. En lui apparaissent les conditions de l'espace et le degré de Celui qui n'entre ni dans le lieu ni dans le degré. C'est de lui que s'est manifesté la couche la couche inférieure [de toutes les existences possibles], si bien qu'il reçoit les essences abstraites de l'incarnation (al-ma'ani al-jismaniyya) des mondes sensoriel et imaginal. C'est un existant exalté dont l'essence abstraite est la Vérité; c'est la vérité par laquelle toute chose est créée, et qui n'est d'autre que Dieu le Très-Haut. C'est l'entité dans laquelle les formes originelles de tout être sont fixés de manière immuable. Elle reçoit la réalité des possibilités et la condition du lieu et du rang de degré, et le nom "le Site". Et de la terre à ce Nuage il n'existe aucun Nom représentant Dieu le Très-Haut hormis des Noms d'action. Dans le monde entier, intelligible et perceptible, il n'existe nulle trace d'autre chose." Et sache que si tu ne t'arrête pas au Nuage, Il te révèle le Souffle du Miséricordieux (al-nafas al-rahmani). C'est la source du Nuage. Et si tu ne t'arrête pas à cela, Il te révèle le côté des Noms de Transcendance. Puis les Noms d'actions s’effacent. Tu acquerras la connaissance de la négation, et sera honoré par-dessus la totalité du monde. Et tu sauras quel degré t'est nécessaire.
- " Et si tu ne t'arrêtes pas" tu seras élevé à l'unicité essentielle et "effacé" en ce lieu. Le cheikh a dit : "L'effacement (mahw) est pour les élus, que Dieu leur accorde sa bénédiction, l'effacement des caractéristiques habituelles, le déracinement des défauts, et de ce que le Réel voile et nie. Il - qu'Il soit exalté - a dit: " Dieu extirpe et établit ce qu'Il a choisi" (Coran 13:39). Par conséquent Il établit l'effacement. Chez les légistes, le terme correspondant est "abrogation". C'est une abrogation Divine. Dieu le Très-Haut élève [celui qu'Il a choisi] et l'efface lorsque s'est produit une détermination dans l'existence et l'être positifs. En soi, cela signifie la fin de l'intervalle alloué à son existence, et le franchissement de la frontière qui continue jusqu'à "un temps fixé" (Coran 6:2). Car Il a dit : " Tout dure jusqu'à un temps fixé et reste établi jusqu'à un moment déterminé" (Coran 20:129). Ensuite Il élimine cette fin, mais non sa forme essentielle ('ayn), car Il dit : " durer jusqu'à un temps fixé" [et les formes essentielles n'ont pas d'existence dans le temps]. Et quand arrive le temps fixé sa "continuité" (ou "flux") cesse, mais sa forme originelle demeure."
- " Puis retiré." Le cheikh a dit : " L'absence (gayba) est pour les gens l'absence de cœur dans la connaissance de ce qui passe dans le monde, leur attention se concentrant sur ce qui les impressionne. Quand il ne s'agit que de cela, ce n'est que l'absence dans une manifestation Divine. Il n'est pas correct que l'absence soit due à une chose créée qui suscite l'émotion; [ce devrait plutôt être] parce qu'on est [véritablement] occupé, absent des conditions de ce monde. Et c'est en cela que le Groupe [des gens de Vérité] se distingue des autres, parce que l'absence [en elle-même] existe virtuellement dans tous les groupes. L'absence qui caractérise ce groupe est due à la concentration qu'impose la vérité, et se fait au dépend de la création, aussi en ce qui les concerne [l'absence] est noble et louable. " Et les gens de Dieu le Très-Haut connaissent des degrés différents d'absence, quoique ceux-ci soient tous dus à la concentration imposée par la vérité. L'absence des gnostiques est absence avec la vérité, de la vérité; l'absence du reste des gens de Dieu le Très-Haut est absence avec la vérité, de la Création. L'absence des plus grands parmi ceux qui connaissent Dieu est absence avec la Création, de la Création, parce qu'ils ont pris conscience qu'il n'est pas d'existence autre que Dieu, qui donne forme aux déterminations possibles des formes originelles immuables."
- " Puis écrasé". C'est une expression qui désigne la disparition des structures de ta réalité, opérée par le pouvoir dominant de la révélation de l'Unicité essentielle.
- " Tu es affirmé". Le cheikh, que Dieu lui accorde Sa bénédiction, a dit: "L'affirmation [ou la fixité; ithbat] est l'ordre prédestiné du monde dans sa totalité. Aussi quiconque cherche l'abrogation de l'ordre habituel viole assurément l'adab, la règle de la bonne conduite, et se montre ignorant. Ce que certains appellent la dislocation de l'habitude est en soi une habitude, puisque la constante dislocation de l'habitude est une habitude. " Aussi la coutume n'est-elle pas oblitérée si ce n'est dans son affirmation. Mais [pour que ce soit le cas,] celui entreprend cette affirmation doit être en contact avec le Réel, et ce doit être pour sauvegarder ce contact qu'il établit les principes coutumiers. Car son Ami les a institués par amitié et consentement. Comment peut-on être Son ami, entretenir une relation avec Lui, et décider malgré Lui d'éliminer ce que la Sagesse a jugé bon d'affirmer ? Surtout du fait que celui qui prend part à cette étape sait certainement que Dieu se montre "sage et omniscient" dans ce qu'Il établit et suscite. Il affirmera donc ce que son Ami affirme. S'il ne le fait pas, et cherche l'oblitération [de ce que Dieu a affirmé], c'est un querelleur. Quiconque te cherche querelle n'est pas ton ami, et tu n'es pas le sien. Un tel homme est proche de l’intransigeance. Mais l'ami de l'affirmation est perpétuellement en rapport avec la Vérité, de sorte qu'il affirme les principes coutumiers et Lui porte témoignage en les affirmant. Il n'est pas établi fermement dans son [amitié] s'il cherche l'abrogation, [même momentanée,] des lois et non leur oblitération."
- " Alors" que celui qui est parvenu "à sa destination" est maintenu solidement là où sa quête a pris fin, "il est appelé" celui qui s'arrête" (al-waqif)" - le saisi, le consumé, et il se voit attribuer la moitié de la perfection, "la venue sans le retour", "aussi longtemps qu'il ne revient pas". Lorsqu'il revient, la perfection de la perfection lui est attribuée. "Ceux qui s'arrêtent" désigne ceux qui parviennent à la destination vers laquelle les dirigeaient leurs prédispositions. Car il n'est pas de fin autrement qu'en relation avec le début. L'existence d'une finalité absolue est inimaginable; autrement la réalité serait renversée. " Ceux qui sont absorbés par cet état" qui est la fin de leur route, "comme par exemple Abu-Igal" al-Maghribi, parmi les grands qui ont touché au but, "et d'autres" comme Abu-Yazid Bistami qui, en arrivant parmi les chercheurs de la Présence, fut honoré de la robe de vice-régent et d'ambassadeur, et auquel il fut dit : " Sors vers Ma création en prenant Ma forme, et quiconque te voit, Me voit..." "en lui" représentant cet état où ils sont où ils sont absorbés, "[Dieu] les prend et en lui ils sont ressuscités" parce qu'une personne meurt comme elle a vécu, et est ressuscitée comme elle est morte.
- " Ils sont adeptes des états, comparés aux maîtres parmi nous," qui sont adeptes des stations.
- " Ubudiyya." Sache que l'Ubudiyya, la servitude, est la caractéristique essentielle du serviteur. C'est l'essence de la pauvreté, donc de la possibilité. L'ubudiyya est l'attention portée sans partage à la contemplation qui convient au serviteur, son observance continuelle en chaque état, révélation, divulgation, contemplation, et étape. Et le service est ce qui découle des exigences de la servitude. Le fana' dans L’ubudiyya est la non-existence de la contemplation considérée [de la position de] la suzeraineté, et une concentration égale sur tous les aspects [|du Réel qui se présentent].
- " La plus sublime" parce qu'elle englobe [toutes] les portes... et convoque à la totalité des Noms.
- " Les deux diffèrent uniquement dans le mode par lequel ils s'adressent aux gens, car le discours des saints est autre que le discours du prophète." Le saint s'adresse à tous ceux qui sont derrière et le suivent. Le prophète s'adresse à tous ceux qui sont devant lui en raison d'une autorité fondamentale, et non parce qu'ils le suivent. Et le saint s'exprime en se tenant derrière le voile de son prophète, tandis que le prophète s'exprime sans voile, c'est à dire, sans la médiation d'un autre prophète.
- " Ce n'est pas notre cas" parce que celui qui suit, dans la mesure où il suit, n'atteint jamais la position de celui qui le précède. Et il n'est un saint que dans la mesure la mesure où il suit, car sa sainteté est l'essence de son acte de suivre.
- " L'ascension des prophètes se fait par la lumière fondamentale," c'est à dire la connaissance Divinement révélée. "Fondamentale" parce qu'elle se répand sur eux depuis l'origine et non ultérieurement, et ce ne sont des prophètes que s'ils montent par cette lumière. " Tandis que l'ascension des saints se fait par ce que cette lumière accorde providentiellement" à une prédisposition à la sainteté, "par cette lumière," qui tombe sur quiconque se tient en-dessous. Un niveau de sainteté ne possède la lumière fondamentale que dans la mesure attribuée à sa forme originale. La prédisposition à la sainteté n'est rien d'autre que cela. La capacité des saints s'accroît par l'effort humain. Ainsi le saint ne monte que par la force de cette lumière fondamentale qui lui est accordée à la mesure de ce qu'il a mérité. Cette ascension se fait par la lumière, parce que l'ascension de la Vérité est obscure aux yeux des gnostiques. Cette lumière est la connaissance révélée par laquelle Il les éclaire. Elle est donnée aux prophètes sans préparation. Par suite, la qualité de prophète ne peut être gagnée. Le cheikh l'a dit, c'est ainsi qu'il pense. Et elle est donnée aux saints uniquement parce qu'ils l'ont méritée, par des œuvres qu'ils ont reçues du prophète. Les œuvres de l'esprit n'ont aucune part dans cette préparation, car la sainteté se gagne par les œuvres de la Loi sacrée, et non par celles de la réflexion.
- " Sache que Mohammed", en étant, [comme il est dit dans le célèbre hadith,] prophète alors qu'Adam se trouvait entre l'eau et l'argile, "est celui qui a donné à tous les prophètes et les messagers" leur science, leurs Voies sacrées, et leurs "stations" et états "dans le Monde des Esprits" parce qu'il est le gardien des secrets Divins. Car son esprit est le premier Intellect, trésorier du Divin et principe du monde de l'enregistrement et de l'inscription, la réalité de la première détermination qui est à l'origine de toute détermination. Aussi selon le Nom "le Caché", par sa réalité et son esprit il est le dispensateur de tout ce qui est donné. Selon le Nom "le Manifeste", tous ceux qui dispensent des dons sont ses ambassadeurs et ses disciples. Ils reçoivent de lui au Nom du Caché, et régissent le monde au Nom du Manifeste. Et ainsi leur domination ne cessa pas "jusqu'à ce qu'il fut envoyé dans le corps," le corps physique, aux [races] "noires et rouges", [c'est à dire à toute l'humanité].
- "... les prophètes qui en ont porté témoignage" à l'époque de son apparition dans la chair, comme Khidr, que la paix soit avec lui, qui selon le cheikh est l'un des prophètes, et qui a rencontré le Messager, dans le monde matériel, en a reçu des dons, et l'a suivi. Cette expression ne fait ne fait référence à rien que la tradition sacrée contredise, [ce qui veut dire qu'il ne faut pas y voir une remise en question de la dignité de Mohammed en tant que dernier des prophètes,] car cela ne serait correct ni selon l'enseignement transmis ni selon l'intuition. " Ou qui descendent" du ciel "après lui"," c'est à dire après Mohammed. Il s'agit de Jésus, que la paix soit avec lui, qui descendra à la fin des temps, gouvernera par notre Loi, tuera le pourceau, brisera les croix, et appellera les hommes à la communauté de Mohammed, la paix et la bénédiction soient sur lui. Il est le Sceau de la sainteté générale.
- " Des événements qui dépassent l'ordinaire l'accompagneront naturellement." [Il possédera] la pleine conscience de tous les états à mesure qu'ils viennent à exister. Cela est nécessaire à l'"équilibre exact des plateaux de la balance" (Coran 55:9) et la non-existence de "poids et de mesures courts." "Il ne cessera de dire à chaque souffle..." des souffles du Miséricordieux, dont l'objet est une création renouvelée; ou en interprétant autrement, à chaque souffle humain - et c'est l'interprétation la plus évidente. " Pendant que la sphère céleste se meut grâce à Ton souffle." Le cheikh a dit : " Alors tu connaîtras l'enseignement soufi selon lequel la sphère céleste opère sa révolution par le souffle du monde, le monde qui est respiré. C'est à dire que la cause de sa révolution est l'existence de ce souffle; par cette révolution, Dieu renouvelle le souffle."
- " Le Moment" (waqt) est une expression qui désigne ton état dans le temps. Cet état ne s'attache ni au passé ni à l'avenir. C'est un existant entre deux inexistants. Et si ton Moment est la source de ton état, tu es le fils de ton Moment, et ton Moment détermine ce que tu es, parce qu'il existe et que tu n'existes pas, tu es illusoire et il est affirmé. Si ton Moment est obéissance, et la contemplation qui sied à la servitude quel que soit l'état, tu es alors au nombre de ceux qui demeurent. Dans le cas contraire, tu es alors au nombre de ceux qui sont éphémères. Dans le premier cas ton Moment est la proximité, dans le second c'est une distance; mais en tout cas, le Moment te délivrera inévitablement son expérience. Si ton Moment est proximité, ton expérience viendra de la Présence de la proximité; et si ton Moment est distance, ton expérience dérivera de la Présence de la distance. Et quiconque se lamente sur le passé et remplit le moment présent du passé, est de ceux qui sont rendus distants. Car il laisse glisser ce que l'état actuel exige, en s'absorbant dans ce qui ne reviendra pas. C'est l'essence de la non-existence. Et quiconque s'occupe de l'avenir se trouve dans la même situation.
- " Alors que le cœur les désire ardemment" parce que le désir obsédant (shahwa), comme a dit le cheikh, est un désir naturel limité. Par conséquent ce désir ne s'attache à rien si ce n'est par l'inclination d'un élan naturel. Si quelqu'un découvre en lui une inclination qui n'est pas due à un élan naturel - comme par exemple un penchant pour les significations abstraites, les hautes essences spirituelles, la perfection et la vision et la connaissance de Dieu - il n'a pas besoin de s'écarter de cette inclination. Mais si son inclination le porte vers ces choses pour le plaisir que lui procurent ces imaginations trompeuses, alors cette [même inclination] est l'attachement du désir obsédant. C'est [une attirance] fondée sur la forme. Car l'imagination, quand elle a fait corps avec ce qui n'a pas de forme - et cela découle de l'action de la nature - cesse tout simplement. ... Le cheikh a dit : " La volonté est un attribut spirituel Divin et naturel... Si l'inclination est liée à l'immatériel sans imagination... c'est une inclination de la volonté, non d'un désir naturel. Car le désir obsédant n'a pas prise sur les entités indépendantes de la matière, mais la volonté est liée à tout objet en rapport avec l'âme et l'intellect, que cet objet attire [l'appétit] ou pas. Le désir obsédant est seulement lié à l'âme qui obtient un plaisir particulier."
- " Himma et bien d'autres choses encore" - un culte externe, qui est la perfection de son extérieur.
- " Et si" le chercheur est doté de la préparation que nous avons décrite, et qu'"il atteint l'essence de la réalité" - l'essence de la réalisation dans la forme - " et que son attention est dissoute" - c'est à dire sa volonté est une branche qui dérive de la volonté de Dieu. Dieu le Très-Haut a dit : " Et tu ne désireras pas autre chose que ce que Dieu désire" (Coran 66: 30). Si Dieu n'avait pas voulu que le chercheur de vérité parvienne à Lui, il n'y serait jamais parvenu. Il y a plus de passages à ce sujet dans le Coran qu'on n'en peut citer, et parmi eux se trouvent celui-ci " Il se tourna vers eux afin qu'ils se tourne vers Lui" (Coran 9: 118) et cet autre : " Il les aime tant qu'ils Lui rendent cet amour" (Coran 5: 54). Car la réalité est la négation des vestiges de tes attributs par Ses attributs, puisqu'Il agit à travers toi, en toi, par toi, et que toi tu n'es pas. " Et il n'existe pas de créature vivante excepté celle qu'Il saisit par sa mèche de devant" (Coran 11: 56). La dissolution de l'himma est l'essence de la réalisation de l'être humain dans sa forme, [c'est à dire, dans sa véritable forme humaine par essence,] parce que ses attributs sont à ce moment l'essence des attributs Divins. Aussi comprends bien. Et sache que le voyage vers Dieu est limité, parce qu'il suppose de traverser la distance illusoire [qui sépare l'homme et Dieu,] et qui est l'essence du monde. Et pour ce qui est du voyage en Dieu, qui est la connaissance de Lui dans Ses attributs, il est infini; parce que Ses attributs - qu'Il soit exalté - n'ont pas de fin. C'est pourquoi le voyage vers Dieu a un terme, " et le voyage vers ce qui se trouve au-delà n'a pas de limite". Celui qui est arrivé déclare par la voix de "celui qui est arrivé", celui en qui certains des aspects de Dieu, Ses Noms, se sont révélés, " Il ne convient pas" que Dieu existe dans la limite de son essence "autrement qu'ainsi" - que ce qu'est devenu celui qui a atteint au but. * On demanda au prophète: " Où se trouvait Dieu avant la création du monde ?" Il répondit : " Dans un nuage. Il n'y avait pas d'espace ni au dessus ni au dessous."
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