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lundi 27 mars 2017

L'amour de Dieu pour les repentants - Ibn Arabi

L'amour que Dieu porte à ceux qui ne cessent de revenir à Lui par  le repentir provient de cette conformité.*

L'attribut Divin : Celui-qui-ne-cesse-de-revenir (vers Ses serviteurs) est du nombre de Ses Noms parfaits. C'est ainsi que Dieu dit à Son propre sujet : En vérité, Lui, Dieu, est Celui-qui-ne-cesse-de-revenir (tawwâb) (Coran IX, 104). Il dit des repentants : Dieu aime ceux qui reviennent (à Lui) repentants (Coran II, 222). En définitive, n'aime que Son Nom et Son Attribut et Il aime Son serviteur du fait qu'il s'en trouve qualifié. Mais alors, celui-ci est décrit par cette qualité seulement dans la mesure où l'Être Vrai la lui décerne, étant donné qu'Il revient vers Son serviteur en chacun de ses états blâmables qui l'éloignent  de Lui et qu'on nomme péché, désobéissance et transgression. Quand le serviteur, auquel un de ses semblables a fait du tort, lui rend un bienfait pour le mal qu'il lui a causé, sans lui tenir rigueur de son mauvais comportement, ce serviteur, donc, est lui aussi nommé : celui qui revient (tawwâb) tant qu'il retourne à Dieu de cette manière. Toutefois, seul celui qui ignore que Dieu est avec lui en tout en tout état peut valablement revenir vers Dieu. C'est pourquoi Dieu s'adresse aux êtres de cette manière : " Vous retournez à Dieu pour telle chose" mais seulement quand ils sont inattentifs au fait que Dieu est avec eux en tout état, ainsi qu'Il l'a consigné dans Son Livre : Et Lui est avec vous où que vous soyez (Coran LVII, 4). Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire (Coran L, 16).

Si tu retournes à Dieu à la suite d'une reddition de comptes ou d'une remise en question, tu fais preuve d'un repentir réel qui te conduit d'une condition à une autre.
C'est parce que tous les états sont dans la Main de Dieu que le repentir ou retour (rujû') Lui revient dans cette façon de considérer le problème. Celui qui retourne à Dieu passe, en définitive, de la transgression à l'agrément et de la désobéissance à l'obéissance. Tel est donc bien le sens à donner à l'amour que Dieu porte aux repentants.

Si donc tu es de ceux qui pardonnent un mauvais comportement que quelqu'un a eu à ton égard, Dieu revient à toi en pardonnant la disposition coupable que tu as pu avoir à Son endroit. Il revient ainsi vers toi par le bienfait.

Connais dès lors les réalités intimes des choses !
Comprends aussi les significations principielles attachées aux paroles que Dieu adresse à Ses serviteurs et discerne enfin les multiples degrés hiérarchiques (marâtib) pour que tu sois du nombre de ceux qui connaissent Dieu et Sa Parole !

Cet amour que Dieu a pour les repentants est énoncé à la fin du verset mentionnant l'inconvénient résultant de l'indisposition mensuelle des femmes (cf. Coran II, 222).

Le Prophète - sur lui la grâce et la paix - a dit : En vérité, Dieu aime le séducteur repentant", c'est-à-dire l'être éprouvé et qui veut que Dieu l'examine par ceux-là mêmes de Ses serviteurs à qui il a fait du tort. Aussi revient-il vers eux en usant de bienfaits à leur égard en compensation des torts qu'il leur a causés puisqu'il revient (vers ceux-là qu'il persécutait). Toutefois, Dieu ne peut les éprouver par les désobéissances ! Gardons-nous de Lui attribuer un tel comportement même si tous les actes en tant que tels doivent Lui être rapportés, car ils ne deviennent des transgressions qu'en vertu de la sentence (hukm) de Dieu qui en décide ainsi. Tous les actes de Dieu sont donc parfaits en tant que tels. Comprends bien cela !

*voir l'article concernant : De l'amour pour le Prophète Mohammed et de la conformité à lui sur mon blog : http://mourades.blogspot.fr/


Source : Traité de l'amour - Ibn Arabi

dimanche 10 janvier 2016

De l'Unicité (al-Wâdiyah) - 'Abd Al-Karîm Al-Jîlî

L'Unicité est une révélation de l'Essence

Qui apparaît comme synthèse à cause de la distinction de mes qualités.
Tout en Elle est unique et différencié en même temps.
Admire donc la multiplicité essentiellement une !
En Elle, celui-ci est cela même, et ce qui s'en va est comme ce qui vient.
Elle est la Réalité Divine (al-haqîqah) de la multiplicité
Contenue dans la Solitude (al-wahdah) Divine sans dispersion.
Par Elle tout se retrouve dans le principe de chaque chose.
Et sous ce rapport la négation (an-nafy) est égale à l'affirmation (al-ithbât).
La " Discrimination " (al-furqân) essentielle est Sa forme totale.
Et la multiplicité des Qualités apparaissant en Elle est comme celles des versets (dans le livre sacré).
Récite-le donc, et lis en toi-même le secret de [Son livre];
Car c'est toi le " Modèle évident " (al-imâm al-mubîn) et c'est en toi que se cache " Le Livre caché" (al-kitâb al maknûn).
Sache que le mot " Unicité " (al-wâhidiyah) désigne la révélation suivante de l'Essence : l'Essence apparaît comme Qualité et la Qualité comme Essence, en sorte que, sous ce rapport, chaque Qualité Divine se présente comme la détermination essentielle (al-'ayn) de chacune des autres.
Ainsi, par exemple, le Vengeur (al-muntaqim) y est Dieu même, et Dieu est le vengeur même; d'autre part, le Vengeur y est le Bienfaisant (al-mun'îm) même; pareillement, l'Unicité se manifeste Elle-même dans la grâce (an-ni'mah) et se manifeste essentiellement dans la vengeance; la grâce, qui est un aspect de la miséricorde (ar-rahmah), se présente ainsi comme l'essence même de la vengeance qui, elle, est un aspect du châtiment même; et d'autre part, la vengeance, qui n'est autre que le châtiment, se montre comme  aspect de la grâce qui s'identifie à la miséricorde. Il en est ainsi en vertu de l'apparition de l'Essence dans les Qualités dans leurs effets.

En toute chose où l'Essence se manifeste selon la loi de l'Unicité (al-wâhidiyah), Elle est la détermination essentielle de toute autre chose; mais ceci ne se réfère qu'à l'aspect Divin de l'Unicité, non pas à l'Essence en tant qu'Elle donne à tout réel ce qui lui revient de réalité, car ce serait là la révélation de l'Essence même.

La distinction entre l'Unité (al-ahadiyah), l'Unicité (al-wâhidiyah) et la " Qualité de Divinité " (al-ulûhiyah) consiste en ce que, dans l'Unité, rien des Noms et des Qualités ne se manifeste; elle se rapporte donc à l'Essence pure dans son actualité immédiate, tandis que dans l'Unicité les Noms et les Qualités et leurs activités se manifestent, mais par égard à l'Essence seulement, non pas en mode séparatif, de façon que chacune y est la détermination essentielle de l'autre. Quant à la " Qualité de Divinité ", les Noms et les Qualités s'y manifestent selon ce qui est propre à chacun d'eux; le Bienfaisant y est le contraire du Vengeur et vice-versa. Il en est de même des autres Noms et Qualités; l'Unité, cependant, apparaît dans la " Qualité de Divinité " suivant ce qu'exige la loi de l'Unité même et suivant ce qu'exige la loi de l'Unicité, de sorte que la " Qualité de Divinité ", qui englobe en sa révélation les lois de toutes les révélations, donne à tout réel ce qui lui revient de réalité.

L'Unité correspond à la parole Divine : " Dieu était et aucune chose avec Lui" (hadîth qudsî), et l'Unicité à la suite : " et Il est maintenant tel qu'Il était".

Dieu dit : " Toute chose est périssable sauf Sa Face " (Coran XXVII, 88).
C'est pour cela que l'Unité est supérieure à l'Unicité, puisqu'elle est l'Essence pure, et que la " Qualité de Divinité " est supérieure à l'Unité, puisqu'elle lui donne sa réalité; car la loi de la " Qualité de Divinité " consiste en ce qu'elle est le suprême des Noms, le plus complet, le plus noble et le plus excellent; sa supériorité sur l'Unité est comme la supériorité du tout sur la partie, tandis que la supériorité de l'unité sur les autres révélations de l'Essence est comme celle de la racine sur les branches. Quant à la supériorité de l'Unicité sur le reste des révélations, elle est comme celle de l'Union sur la séparation.

Recherche donc ses significations en toi-même et médite-les !

Source: De l'homme universel ('Abd Al-Karîm Al-Jîlî)

dimanche 1 juillet 2012

Le prophète initiateur et les deux pèlerins 3 Ibn Arabi

La " Science des lettres " et le mystère du Verbe existentiateur : KN !

... Pendant ce temps, l'adepte se tient auprès des "fils de la tante", selon le bon plaisir de DIEU. Tous deux se chargent de l'éclairer quant à l'authenticité de la mission prophétique du Maître " Envoyé de DIEU ", en lui démontrant la nature incomparable du Coran, puisque de son rang sublime jaillissent le Prône Divin et les sentences bien mesurées, que de sa magnificence s'écoulent les bonnes paroles, que toutes choses s'y interpénètrent et qu'il exprime " l'Unique Concept métaphysique" à travers les multiples formes de la manifestation.
L'adepte obtient encore la faculté de discerner le niveau où survient la rupture des lois ordinaires. De cette demeure, il apprend la "science de la haute  magie", science fondé sur la mise en action des "lettres" et des "verbes", non pas sur le recours aux fumigations d'encens, aux sacrifices sanglants et autres offrandes de ce genre. Il apprend la vertu éminente des paroles sacrées et ce que sont les "Synthèses des Verbes". Il perçoit ce q'est l'essence métaphysique de KN ! (Sois !) dont l'individuation concrète procède du Logos de l'Impératif Divin, certes pas la parole du passé, ni du futur, ni de la circonstance. Et voici qu'il discerne l'épiphanie des deux lettres (Kâf et Nûn) dont est formé ce verbe (KN !), pourtant composé de trois lettres. Et il réalise pourquoi en est oblitérée la troisième, celle du milieu qui se trouve placée dans la position intermédiaire entre la lettre Kâf et la lettre Nûn, à savoir la lettre Waw dont l'essence est toute spirituelle. C'est elle qui donne au monde l'influx générateur de la constitution créaturelle, alors même que son essence déjà s'en est retirée.

Les miracles de Jésus.

Ainsi l'adepte apprend de ce ciel le " Mystère de la Genèse " et le fait que Jésus ressuscite les morts, qu'il produit la forme de l'oiseau, puis souffle dans cette forme si bien que, devenu oiseau, il s'envole (cf. 3.49; 50. 110). Est-ce donc "avec la permission de DIEU ?) (3. 49). Ou bien est-ce parce que Jésus  a façonné la création de l'oiseau et a soufflé dedans ? C'est "avec la permission de DIEU !". De plus, à quel verbe d'entre les verbes prononcés in concreto se rapporte sa parole : " avec ma permission" (coran 5. 110), et "avec la permission de DIEU" (3. 49) ? L'agent de l'opération, est-ce (le verbe) " yakûn" (il devient) ? Ou est-ce (le verbe) "tanfukhu" (tu souffles) ? Pour les hommes de DIEU, l'agent est "yakûn" (3. 49), alors que pour les affirmateurs des causes et pour les maîtres des états mystiques, l'agent est " tanfukhu " (5. 110). Eh bien, celui qui pénètre en ce ciel et va se co-associer à Jésus et à Jean-Baptiste, il sait cela de source certaine. Mais cela échappe fatalement au théoricien, je veux dire que savourer une telle gnose est hors de sa portée.


Jésus " Maître de l'Alchimie ".

Jésus est l' "Esprit de DIEU " (Rûh Allah) et Jean-Baptiste détient la "Vie". Or, de même que l' " Esprit" et la "Vie" sont indissociables, de même ces deux prophètes, Jésus et Jean-Baptiste, sont inséparables, étant donné que tous deux supportent ensemble la charge de ce mystère. Car en vérité, Jésus détient les deux voies de la Science alchimique. ( La première voie est) celle de "la production" qui consiste pour Jésus dans l'acte de créer l'oiseau d'argile et dans l'acte de souffler. La forme de l'oiseau fut produite par ses deux mains, et son envol par la vertu du souffle qui est l'âme. Telle est la "voie de l'oeuvre démiurgique" dans la Science de l'Alchimie, et que l'on a exposé au début du traité. Quant à la seconde voie, elle consiste à "supprimer les maux". C'est alors Jésus guérissant l'aveugle et le lépreux de la cécité et de la lèpre qui constituent les maux dont ils ont été frappés dans le sein maternel et qui sont parmi les impondérables du processus de la génération. Partant de là, cet adepte peut acquérir la " Science de la proportion et de la balance naturelle et spirituelle", puisque Jésus réunit les deux en sa personne.  

L'inspiration prophétique émanant du deuxième ciel.

A partir de ce ciel, l'âme de l'adepte obtient la "vie cognitive" par laquelle sont revivifiés les coeurs, comme il est dit : "celui qui était mort, nous le ramenons à la vie" (6. 122). C'est une demeure céleste qui tient rassemblées en son sein toutes espèces de choses, et en elle se tient l'ange préposé à la garde de l'embryon durant le sixième mois. C'est encore de cette demeure céleste qu'émane la souveraine inspiration accordée aux scribes et orateurs de DIEU, non pas aux poètes. Et comme il appartenait au prophète Mohammed d'accomplir les "synthèses des Verbes", c'est du haut de cette demeure céleste qu'il fut interpellé et qu'on lui énonça (ce verset) : " Nous ne lui avons point enseigné la poésie" (36. 69). Car Mohammed a été envoyé pour dégager le sens explicite, tandis que la poésie vient du sentiment. Sa teneur est la somme, non l'analyse. C'est donc le contraire de la pleine clarté. 

Sur la génération spontanée de certaines créatures produites par la magie Divine.

De là encore, on peut connaître l'origine des bouleversements que subissent les choses. De là effusent les états mystiques qui sont conférés à leurs destinataires. Chaque fois que dans le monde élémentaire surgissent les "enchantements de Noms Divins", ils proviennent de ce ciel. Quant aux "phylactères", c'est d'une autre demeure céleste qu'ils proviennent. Mais lorsqu'ils reçoivent l'existence, leurs esprits procèdent bien de ce ciel, non pas leurs formes spécifiques qui sont les supports de leurs esprits.
Aussi, lorsqu'on est capable de maîtriser la science de telles créatures et de leur communiquer très rapidement la vie - alors que normalement leur condition est de ne la recevoir qu'à travers un laps de temps considérable - ce pouvoir vient de la " Science de Jésus", et non de l'ordre qui a été révélé en cette sphère céleste ou dans la course de son astre (Mercure).
Et cela relève de l' "aspect Divin particulier" qui est étranger à la voie ordinaire (de la génération) propre à la science naturelle, laquelle nécessite un processus temporel relatif dépendant en fait du "processus ontologique particulier"...

L'adepte étant instruit, Mercure retourne s'occuper du théoricien. 

Une fois que l'adepte a effectivement obtenu ces connaissances, Mercure s'en retourne vers son hôte (le théoricien). Et reportant son attention sur celui-ci, elle lui octroie en tenant compte de sa capacité, la science inscrite dans son parcours céleste, et par laquelle elle gouverne les corps qui lui sont subordonnés dans le monde élémentaire; mais pour ce qui est (de la science) des esprits, elle ne lui communique rien. Cela terminé, le visiteur de Mercure lui demande son congé et il s'avance vers son compagnon l'adepte, puis tous deux repartent en quête du troisième ciel. Le théoricien est alors entre les mains de l'adepte comme l'est le serviteur entre celles de son maître. Et le voilà bien forcé de reconnaître son pouvoir, d'admettre la haute lignée de son Instructeur et d'apprécier la sollicitude que ce Personnage lui avait témoignée en lui offrant de devenir son disciple.

Troisième ciel : Joseph et Vénus

Les pouvoirs et les dons spirituels du prophète Joseph

Lorsque les deux pèlerins frappent au troisième ciel, il s'ouvre et tous deux y accède. L'adepte est reçu par Joseph - la paix soit sur lui, et le théoricien est reçu par la planète Vénus. Cette dernière l'installe, puis lui tient le même discours que lui avaient adressé les planètes précédentes employées au service des prophètes. Et cela fait qu'il s'attriste encore davantage, cependant que la planète Venus se porte vers Joseph près duquel se tient l'adepte, son hôte (en ce ciel). Le prophète communique à celui-ci le lot de sciences dont DIEU l'a personnellement investi, sciences se rapportant aux formes de la typification spirituelle et de l'imagination active, car Joseph était passé maître dans l'art d'interpréter les rêves. DIEU déposa entre ses mains "la terre qu'Il créa du surplus de l'argile d'Adam". Il lui présenta le jardin du Paradis; il lui soumit les "corps des esprits lumineux et ignés" ainsi que des "entités métaphysiques supra célestes".

De toutes ces choses, DIEU révéla à Joseph les balances exactes, les proportions et les relations. Il lui fit voir les " années sous les apparences des vaches", lui montrant les années fécondes dans les "vaches grasses" et les années stériles dans les "vaches maigres". Il lui fit voir la "gnose" sous l'apparence du "lait" et la constance dans la religion sous l'aspect des entraves de la prison. DIEU ne cessa de l'instruire sur le principe de la corporisation des idées et relations métaphysiques sous l'apparence du monde sensible et des organes de la perception. Il révéla à Joseph le sens de l'herméneutique concernant tout cela, car en vérité ce ciel est celui où les formes spirituelles reçoivent leur conformation achevée et leur agencement harmonieux.

Le parfait ouvrage de l'être et l'harmonieuse constitution du corps humain.

De ce ciel émane l'assistance qui inspire les poètes, révèle la métrique et donne la maîtrise de l'art poétique. En émanent encore les "formes géométriques" configuratives des corps physiques, formes-types dont la représentation à l’intérieur de l'âme relève du ciel qui surplombe celui-ci. De ce (troisième) ciel, on apprend ce que signifie le parfait ouvrage et la rigoureuse ordonnance. L'on apprend à discerner la beauté vertueuse aux traits tout imprégnés de la Sagesse, ainsi que la beauté séditieuse accordée à une complexion spécifique. En ce ciel se tient le cinquième "Substitut (Divin)" qui préside à l'élaboration de la goutte de sperme dans la matrice durant le cinquième mois.



De l'ordre que DIEU révéla en ce ciel résulte la distribution des (quatre) arcanes élémentaires situés sous la concavité de l'orbe de la lune. Le Très-Haut plaça l'arcane de l'air entre le feu et l'eau. Il plaça l'arcane de l'eau entre l'air et la terre. S'il n'y avait eu cette sage répartition apte à déclencher le processus de transformation des éléments, si de ces éléments n'avaient point procédé les génitures terrestres qui en sont issues, et qu'au sein de celles-ci n'étaient point apparues de transformations, comment alors la "goutte de sperme" eût-elle été concevable, alors que durant la spermatogenèse elle se transforme en chair, en sang, en os, en veines, en nerfs ? C'est encore à partir de ce ciel que DIEU a reparti dans la constitution du corps humain les quatre humeurs selon le meilleur agencement et le plus admirable ouvrage. Puis il a préposé comme auxiliaire de la perception de l' "âme gouvernante" la bile jaune, après laquelle vient le sang, et après le sang le phlegme, et après le phlegme la bile noire qui est la teinture de la mort. Sans cette ingénieuse répartition des humeurs (dans la complexion humaine), comment le médecin obtiendrait-il le concours de la nature, lorsqu'il veut éliminer les maux dont souffre le corps, ou lorsqu'il désire le conserver en bonne santé ?

Les deux "causes" et les deux "piliers".

De ce ciel surgissent les quatre fondements sur lesquels repose le siège de la conscience, de même que le corps physique repose sur les quatre humeurs. Il s'agit des deux causes et des deux piliers : la cause du lourd et celle du léger, le pilier de la séparation et celui de la réunion. Le pilier de la séparation entraîne la dissolution (composé humain), celui de la réunion entraîne sa constitution. La cause du léger donne le Pneuma, celle du lourd donne le corps matériel. De cette somme est fait l'homme. Alors, examine attentivement ce qui a mené à bonne fin l'existence de ce monde, macrocosme et microcosme.
Lorsque les deux personnages ont fini d'assimiler ces connaissances, et que l'adepte a obtenu en plus du théoricien le surcroît de la Science Divine qui lui est conféré de par l' "aspect particulier", comme cela s'était déjà produit dans chacun des cieux précédents, alors tous deux repartent en quête du " Ciel médian" qui est le coeur de tous les cieux.
à suivre...

mercredi 27 juin 2012

Le Prophète initiateur et les deux pèlerins 2 - Ibn Arabi

L'ECHELLE DES CIEUX ET LES SEPT PROPHÈTES 

Premier ciel : Adam et la lune

L'adepte est reçu par Adam, le théoricien par l'entité spirituelle de la lune. Déception du théoricien évincé des connaissances d'Adam.

Lorsqu'enfin ils en ont terminé avec les exigences du règne de la nature élémentaire, les deux hommes n'empruntant plus désormais à celle-ci que le strict nécessaire à la conservation du corps - de ce corps pour l'existence, l'équilibre et la préservation duquel ils obtinrent cette âme individuelle dont la vocation est de rechercher la Connaissance de DIEU, et que DIEU préposa tout spécialement au Khalifa du corps - alors nos pèlerins émergent de l' "empire des passions" inhérent à la nature élémentaire, et voici que la Porte du Ciel de ce monde s'ouvre devant eux. Le disciple (de l'Instructeur) est accueilli par Adam qui lui souhaite la bienvenue et l'installe à ses côtés. Le théoricien indépendant est reçu par l'entité spirituelle (rûhânîya) de la lune qui l’installe chez elle. Aussitôt, le théoricien qui est l'hôte de la lune voit qu'elle est se trouve au service d' Adam, comme le vizir auquel DIEU a ordonné de lui être soumis. Il voit accumulée auprès de la lune une profusion de sciences, mais dont le domaine est restreint aux contrées situées au-dessous d'elle, et il constate que la lune n'a nulle connaissance de ce qui la surplombe, car de cela  il ne reste qu'une faible trace dans les régions sous-jacentes. Il remarque alors qu'auprès d' Adam réside une connaissance de ce qui est au-dessous de la lune, ainsi qu'une connaissance des localités supérieures placées au dessus d'elle. Et le théoricien voit Adam en train de communiquer à son hôte (l'adepte) le savoir qu'il possède, et que la lune est incapable de lui révéler, à lui. De plus, il apprend qu' Adam n'a accueilli l'adepte que grâce à l'intercession de cet Instructeur qui est le Prophète. Aussitôt, le théoricien s'attriste profondément et il se repent de n'avoir pas voulu suivre la voie que ce Prophète lui montrait. Il se met à croire en lui et se dit que s'il revient du présent voyage, il lui faudra nécessairement suivre ce Prophète, et pour cela, entreprendre un nouveau voyage.

Adam enseigne à l'adepte les Noms Divins et l' " aspect Divin particulier" qui est l' " Élixir des gnostiques".

Quant à l'adepte, cet hôte d'Adam, son bon "père" lui enseigne les Noms Divins selon l'exacte mesure qu'il le voit capable de supporter de par sa complexion naturelle. En effet, la constitution corporelle élémentaire marque de son empreinte les âmes (humaines) individuelles, or toutes ne se situent pas à un seul niveau lorsqu 'elles  reçoivent les connaissances. Telle âme reçoit ce que ne peut recevoir telle autre. En ce premier ciel, l'adepte est instruit par Adam sur l' "aspect Divin particulier" qui est propre à tout existant autre que DIEU et le dissimule à la connaissance tout en étant la raison et la cause de ce qu'Il devient concevable (par l'homme). Le théoricien ne peut pas connaître cet aspect Divin en principe. La connaissance d'un tel aspect, c'est la Science de l’Élixir en Alchimie naturelle. Il s'agit de l' "Élixir des Gnostiques", et je n'ai rencontré personne qui en soit instruit excepté moi-même. Au reste, si je n'avais pas reçu l'ordre d'aviser ce peuple - ou plutôt les serviteurs de DIEU - je me garderais bien d'en parler.

Les sciences spirituelles et naturelles émanant du premier Ciel.

Puis donc, nos deux pèlerins apprennent ce qui revient à cette (première) sphère concernant le pouvoir que DIEU lui a assignée afin qu'elle gouverne les quatre éléments de la Nature et les génitures terrestres. Ils apprennent ce que DIEU a révélé en ce ciel concernant l'ordre qui lui est particulier, selon la parole Divine : " Il a révélé en chaque ciel son ordre propre" (coran 41. 12). Mais le théoricien, étant l'hôte de la lune, n'apprend de cela que ce qui a trait aux influx physiques et aux transformations que subissent les corps composés relevant de la nature élémentaire. L'adepte lui, a le privilège de connaitre ce qui dans ce ciel relève de la Science Divine octroyée aux âmes individuelles : quelle est la relation de l' Être Divin à l'égard de celle-ci, quelles formes appartenant à la sphère de la lune sont imprimées dans les âmes, à partir d'où cette constitution humaine fut seule jugée apte au Khalifa, et nommément Adam qui en reçut l'investiture, lui et le maître de ce ciel. En outre, l'adepte réalise quelle forme est appelée à revêtir le Khalifa de la Science Divine, tandis que le théoricien réalise le Khalifa de la nature élémentaire qui détermine l'agencement des corps physiques, ainsi que les causes efficientes de la croissance parmi les corps qui subissent ces effets.

Le mi'râj comparé à l'état de rêve et les angoisses du théoricien.

Tout ce qu'obtient le théoricien, l'adepte l'obtient également, mais tout ce qu'obtient l'adepte, le théoricien ne peut l'obtenir. Alors son désarroi augmente, il accumule tristesse sur tristesse. Et lorsque son voyage ayant pris fin, il réintégrera son corps, il ne pourra l'admettre pour vrai. C'est que, durant ce voyage, notre homme se trouve comme le dormeur qui rêve pendant son sommeil. Sachant pertinemment qu'il a dormi, il se dit : " cela n'est pas vrai !" lorsqu'il se réveille pour reprendre ses activités, et le voilà délivré de son anxiété. En fait, il est tenaillé par l'angoisse à l'idée que ce qui lui est arrivé dans son voyage (rêve) s'empare de lui pour de bon. Après quoi, le malheureux est incapable de progresser plus avant, et c'est précisément ce qui le tourmente. Il n'en va pas de même pour l'adepte, car ce dernier contemple cette progression (ou ascension mentale) en y adhérant intimement, puisqu'il l'expérimente sous cet " aspect particulier" que seul connaît celui qui l'éprouve personnellement.

Le septième " Substitut Divin " et l'embryogenèse humaine.

En ce premier ciel se trouve le septième " Substitut Divin" chargé de veiller sur la goutte de sperme en gestation dans les matrices, où cette constitution humaine est destinée à apparaître. Il y veille au cours du septième mois qui suit la chute de la semence dans l’utérus. Durant ce mois, le bébé est au stade du foetus. Il se développe et grandit dans le sein de sa mère pendant la croissance de la lune, il dépérit et sa gestation dans le ventre maternel diminue pendant la phase décroissante de la lune. C'est là un signe, car si l'enfant naît au cours de ce septième mois, il n'a pas assez de force pour survivre comme celui qui naît au cours du neuvième mois.
Après avoir séjourné dans ce ciel autant qu'il plaît à DIEU, ils reprennent leur voyage, chacun des deux prend congé de son hôte et ils gravissent l' "échelle des esprits" jusqu'au deuxième ciel.

Deuxième ciel : Jésus, Jean-Baptiste et Mercure

Réception des pèlerins en ce ciel et discours de Mercure à l'adresse du théoricien.

Lorsqu'ils frappent au deuxième ciel, celui-ci s'ouvre et ils y accèdent. L'adepte fait halte chez Jésus - la paix soit sur lui - auprès duquel, se trouve Jean-Baptiste, " fils de sa tante ". Le théoricien descend chez Mercure. Après l'avoir accueilli et gracieusement installé en sa demeure, Mercure  s'excuse auprès de lui et lui déclare : " Ne me retiens pas plus longtemps, car je suis au service de Jésus et de Jean-Baptiste. Voici que ton compagnon de voyage (l'adepte) est descendu chez eux, aussi dois-je me tenir à leur disposition pour savoir ce qu'ils m'ordonnent de faire au sujet de leur hôte. Lorsque j'en aurai terminé avec lui, je reviendrai vers toi". Alors le théoricien s'attriste encore plus profondément et regrette fort de n'avoir pas suivi la voie de son compagnon ni embrassé sa doctrine.

à suivre...
source : l'Alchimie du Bonheur parfait - Ibn Arabi

dimanche 17 juin 2012

La création des âmes et leurs prédispositions (Ibn Arabi)

Apprends que du point de vue de son essence, l'âme se trouve prédisposée à recevoir la marque des " investitures Divines ". Certaines âmes ont reçu une prédisposition les qualifiant pour être investies de la walâya exclusivement, rien ne venant s'y ajouter. D'autres ont bénéficié de la prédisposition que l'on vient d'évoquer, prédisposition s'étendant à tous les niveaux de l'investiture divine, ou limitée à quelques-uns. La cause en est que les âmes ont été créées à partir d'une " mine unique ", comme DIEU déclare : " Il vous a créés d'une seule âme " (coran 4,1). Après avoir bien prédisposé la création du corps, Il dit : " Et j'y insufflai de mon Esprit " ( coran 15,29; 38,72). C'est donc par l'effet d'un " Esprit unique " que s'est accompli le " mystère du Pneuma insufflé dans ce en quoi il fut insufflé ", à savoir l'âme. DIEU déclare encore : " En telle forme qu'Il a voulu, Il t'a façonné" (82. 8), désignant (par "forme") les prédispositions des âmes. Il en alla ainsi en vertu de la prédisposition (des âmes) à recevoir l’Impératif Divin.


Schéma des correspondances alchimiques entre l'homme et le minéral.

Or, étant donné que le principe originel de ces âmes individuelles, c'est l'impeccable pureté eu égard à leur " père ", et qu'elles ne peuvent manifester leur essence propre si ce n'est par le truchement de ce corps naturel, il s'ensuit que la nature est le "second père" dont elles sont issues à l'état de mélange. De telle sorte que l'illumination de la souveraine Lumière dégagée de toute manière n’apparaît point à l’intérieur de ces âmes, ni cette ténèbre fatidique qui est la condition de la Nature. Car la Nature s'apparente à la mine, et l'Âme universelle s'apparente aux sphères célestes ayant la puissance d'agir et des mouvements desquelles résulte la mise en action (de la substance) au sein des Eléments. Le corps (métallique) élaboré dans la mine occupe la même position que le corps humain, et la "vertu spécifique" qui constitue l'esprit de ce corps métallique occupe la même position que l'âme individuelle assignée au corps humain : il s'agit du " Pneuma insufflé " (dans le corps humain). De même que les métaux présentent des degrés distincts en raison  des vicissitudes qui leur sont survenues au cours de leur genèse -- bien qu'ils tendent vers le rang de la perfection grâce à quoi leurs essences propres sont rendues manifestes -, de même l'homme a été créée en vue de la Perfection. Or seuls l'écartent de cette Perfection des maux et des maladies qui lui sont survenus, soit à l'origine de son essence, soit par suite des causes accidentelles. Sache bien cela !
source : l'Alchimie du bonheur parfait - Ibn Arabi

mercredi 2 mai 2012

L'expression visible du Réel

De toute éternité, le Bien-Aimé dévoila Sa beauté dans la solitude de l'invisible; il contemplait dans le miroir Son propre visage, il manifestait Sa grâce à Lui-même.
Il était à la fois le spectateur et le spectacle; nul autre oeil que le Sien n'avait vu l'univers.
Tout était Un, il n'y avait ni dualité, ni affirmation de "mien" ou "tien".
La vaste orbe du ciel, avec ses milliers de mouvements, était caché en un seul point.
La création reposait dans le sommeil du non-être, telle un enfant avant son premier souffle.
Les yeux du Bien-Aimé, voyant ce qui n'était pas, contemplèrent le non-existant comme existant.
Bien qu'Il contemplât dans Sa propre Essence Ses attributs et Ses qualités dans toute leur perfection,
cependant, Il désira que dans un autre miroir elles pussent être offertes à Sa vue,
et que chacun de Ses attributs éternels soit manifesté en une forme différente.
C'est pourquoi Il créa les verdoyants du temps et de l'espace, et le jardin de ce monde qui donne la vie,
afin que chaque branche, chaque feuille, chaque fruit témoigne de Ses diverses perfections.
Le cyprès donna une idée de Sa noble stature, la rose, des nouvelles de Son aspect plein de grâce.
Chaque fois que la beauté apparut, l'amour se présenta à côté d'elle; chaque fois que la beauté brilla dans une joue rose, l'amour à cette flamme alluma son flambeau.
Chaque fois que la beauté demeura dans de sombres tresses, l'amour vint et trouva un coeur prisonnier de ses chaînes.
La beauté et l'amour sont comme le corps et l'âme; la beauté est la mine et l'amour la pierre précieuse.
Ils ont toujours été ensemble depuis les origines; ils n'ont jamais voyagé autrement que de compagnie...
... La substance unique, considérée comme absolue et dépourvue de tout phénomène, de toutes limitations et de toutes limitations et de toute multiplicité, c'est là le Réel - al-Haqq. Par ailleurs, considérée sous Son aspect de multiplicité et de pluralité, sous lequel Il Se manifeste lorsqu 'Il est revêtu des phénomènes, Il est l'univers créé tout entier. C'est pourquoi l'univers est l'expression extérieure visible du Réel, et le Réel est la réalité intérieure et invisible de l'univers. L'univers, avant d'être manifesté à la vue extérieure était identique au Réel; et le Réel, après cette manifestation, est identique à l'univers.
Djâmi
source : anthologie du soufisme - Eva de Vitray

mardi 24 avril 2012

Les soufis d'Andalousie ( Ad-Durrat al-fâkhirah)

Ce shaykh s'était tourné vers Allâh en assistant aux séances (majlis) du shaykh Abû ' Abdallâh b. al-Hawwâç, que j'ai rencontré et avec lequel j'ai lié une véritable amitié; je ne parlerai pas de lui ici, car il n'entre pas dans la catégorie des personnes considérées dans cet ouvrage.
Al-'Uryani était connu pour pratiquer le dhikr aussi bien pendant la veille que pendant le sommeil; moi-même j'ai souvent observé sa langue remuer dans l'invocation alors qu'il était endormi. Ses états spirituels étaient intenses, et les gens de l'endroit étaient si mal disposés envers lui que l'un des notables de la communauté parvint à le faire bannir.
C'est ainsi qu'il arriva chez nous à Séville.
Suite à leur action, Allâh envoya aux gens de cet endroit un djinn, nommé Khalaf, qui pénétra dans la maison du notable en question et l'en chassa par force. Ce djinn demeura sur place et appela les gens de l'endroit. Arrivés à la maison, ils entendirent la voix du djinn demander à l'un deux si quelque chose avait disparu de sa maison, et s'il suspectait quelqu'un  de l'avoir pris. L'homme ayant répondu par l'affirmative aux deux questions, le djinn lui dit que ses soupçons n'étaient pas fondés, et que le nom du vrai coupable était Untel, qui était épris de sa femme et avait commis l'adultère avec elle. Le djinn lui ordonna d'aller s'en assurer lui-même, et il put constater que tout ce que le djinn lui avait dit était vrai. Le djinn continua de cette façon à leur dévoiler, ainsi qu'à leurs enfants, maux et vices cachés jusqu'à ce qu'ils fussent réduits au désespoir. Lorsqu'ils le  supplièrent de les laisser en paix, il leur répondit que c'était 'Abdallâh (al-'Uryanî) qui leur avait infligé sa présence. Il resta parmi eux pendant six mois, après quoi ils vinrent trouver al- 'Uryanî et le supplièrent de revenir dans leur ville, implorant son pardon pour ce qu'ils lui avaient fait. Le shaykh revint sur sa décision et partit avec eux pour les délivrer du djinn. La chose devint célèbre dans tout Séville.
Un jour que j'étais avec lui, il demanda quelque chose à boire. L'une de ses disciples se leva lui apporta sur un plateau en cuivre une cruche avec un bouchon de cuivre. Lorsqu'il le vit, il s'écria : " Je ne désire pas boire ce qui est contenu entre deux choses maléfiques." Je lui apportai alors une autre cruche. Allâh faisait de chaque chose que lui communiquaient ses sens un moyen de lui enseigner quelque sagesse.
source : les soufis d’Andalousie (Ibn Arabi)