La pratique du dhikr répond à une injonction Divine plusieurs fois répétée dans le Coran, sous différentes formes : " Invoque le nom de ton Seigneur et consacre-toi à Lui avec une parfaite dévotion" (LXXIII, 8); " Dis : DIEU (Allâh) et laisse-les (les hommes) à leurs jeux vains" (VI, 91); " Souvenez-vous de Moi et je me souviendrai de vous" ( II, 152), ce verset que l'on peut également traduire : " Mentionnez-moi, et je vous mentionnerai."
Le mot dhikr est lourd de sens. Il signifie à la fois mention, souvenir, commémoration, rappel. Il peut donc s'entendre soit au sens extérieur consistant à mentionner à haute voix le nom de DIEU (ce sera le "dhikr de la langue"), soit au sens intérieur de commémoration en soi du nom et de la présence de DIEU jusqu'à ce que le dhikr prenne possession de l'être tout entier (ce sera le "dhikr du coeur"). Dans l'étape ultime, le soufi se trouvera immergé dans la " Présence sans dualité" (ce sera le "dhikr de l'intime", en rapport avec l'état d'Ihsân parfait).
Dans les tourouq (confrérie), le dhikr est à la fois individuel et collectif. En plus de la récitation quotidienne solitaire, les frères se réunissent régulièrement pour les séances de dhikr collectif.
C'est à l'occasion de ces séances collectives que l'on observe des différences entre les tourouq. Dans certaines - notamment chez les Derqawî et certaines confréries d'Orient - le dhikr collectif est accompagné d'une sorte de danse, ample mouvement rythmique du corps d'avant en arrière, en rapport avec un contrôle du souffle; dans d'autres, c'est la tête qui bouge (en avant et sur les côtés) avec visualisation du souffle en certains points du corps, notamment lors du dhikr de Lâ ilâha ill'Allâh, en rapport avec le symbolisme des différentes syllabes. Ailleurs, au contraire, notamment chez les Tidjani, on s'efforcera à l'immobilité (bien que le mouvement de la tête y soit également connu). La prière Perle de la perfection, en particulier, devra être récitée dans un état d'immobilité totale qu'il ne faut rompre à aucun prix. Signalons encore la danse giratoire particulière aux Mewlevi, disciple de Jalal ed-dîn Roumi.
Comme on le voit, il s'agit surtout de différences extérieures qui correspondent à des tempéraments différents et, parfois, à des héritages culturels différents. Le fond étant pratiquement toujours le même, les musulmans ont ainsi toute chance de trouver, à l’intérieur de l'Islam, la tariqa qui correspond le mieux à leurs affinités ou à leur type de famille spirituelle.
La vertu première du dhikr tient au fait qu'il s'agit, nous l'avons dit, de Noms sacrés tirés du Verbe révélé lui-même, donc porteurs d'une intense énergie spirituelle (1). Cette énergie se trouvera comme actualisée, déployée, par le nombre des répétitions, ce nombre ayant un rapport avec la valeur numérale des lettres qui composent le Nom Divin.
Le grand danger serait toutefois de considérer le dhikr, en raison même de sa puissance, comme une "recette" pour accéder systématiquement à des états extatiques ou supérieurs. C'est d'ailleurs pourquoi il ne doit être pratiqué que sur autorisation expresse d'un moqaddem ou d'un maître. Lorsque le dhikr est collectif, donc plus intense, il doit être effectué sous la direction et le contrôle attentif d'un maître. L'objectif n'est pas de rechercher systématiquement des "états" (hal), mais de se rapprocher de DIEU en se vidant, grâce au dhikr, de tout ce qui n'est pas Lui.
"Tout acte, a dit le prophète, ne vaut que par l'intention" (niyya). Il convient donc d'être très vigilant quant à son intention profonde lorsqu'on se livre à un exercice spirituel tel que le dhikr. Ce dernier est un moyen pour réaliser la purification progressive du coeur et réchauffer la foi, tout comme le souffle de la forge active le feu qui fera fondre le métal. Mais le moyen ne saurait être considéré comme une fin en soi. La seule fin, c'est DIEU, qui doit être adoré pour Lui-même et non pour les dons qu'Il est libre de nous octroyer ou non.
Le dhikr contient en lui-même son propre antidote. La mention perpétuelle du Nom de DIEU, qui mène à percevoir progressivement sa réelle présence, conduit en effet le coeur à s'abaisser et à s'abîmer devant son Créateur et, finalement, comme le demande l'Ihsân, à "vivre sous son regard".
Selon une définition du grand mystique Al-Junayd, le tasawwuf (soufisme) consiste en ce que " DIEU fait mourir l'homme à son moi afin qu'il vive en Lui ". Un autre grand soufi, Abou Yazid al-Bistani, disait : " Je me suis desquamé de mon moi comme un serpent de sa peau."
Cette mort à soi-même est appelée fanâ (littéralement extinction, comme s'éteint la flamme d'une bougie) tandis que la Vie en DIEU et par DIEU, qui est son corollaire, est appelée baqâ : surexistence (continuité, permanence).
" Le rôle des soufi, disait Mohammed Abduh (2), est de guérir les coeurs et d'éliminer tout ce qui voile l'oeil intérieur. Ils s'efforcent d'établir leur demeure en l'Esprit, devant la Face de Celui qui est la très haute Vérité, jusqu'à ce qu'ils soient, par Lui, retirés de tout ce qui est autre, leur essence étant éteinte en Son Essence, et leurs qualités en Ses Qualités" (3).
Mais quelle parole pourrait mieux exprimer cet état de fanâ/baqâ (extinction de soi/vie en DIEU et par DIEU) que ce hadith qudsi ou "hadith saint" dans lequel DIEU, par la bouche du prophète, parle à la première personne, hadith qui a été médité par les soufi de tous les temps :
" Que mon serviteur ne cesse de s'approcher de Moi par des oeuvres surérogatoires (4) jusqu'à ce que Je l'aime. Et quand Je l'aime, Je suis l'ouïe par laquelle il entend, la vue par laquelle il voit, la langue par laquelle il parle, la main par laquelle il saisit. " Une variante ajoute : " Quand Je l'aime Je le tue, et quand Je le tue, c'est Moi qui suis sa rançon."
On pourrait dire que tout le soufisme est basé sur ce hadith, tant pour la méthode (les oeuvres surérogatoires) que pour l'objectif suprême : l'investiture Divine (baqâ) après la mort à soi-même (fanâ).
Certes, avant d'atteindre de tels degrés, il existe bien des étapes intermédiaires et bien des épreuves, sur le chemin où nous guette constamment le Makarou, l' "illusion Divine" (5).
C'est pourquoi l'aide d'un maître est nécessaire. Les limites de chacun dépendront de ses dispositions propres, de la qualité de son effort, et, finalement, de la libre grâce Divine.
Par une attitude de tawakkul (abandon conscient à la volonté Divine), le croyant sincère s'efforce de réaliser en lui, selon la parole de Hallaj (6), une "totale conformité aux décrets de DIEU sur lui" et de vider son coeur de tout ce qui est "autre que DIEU", afin de s'offrir à sa Présence.
Dans un autre hadith qudsi, DIEU dit : " 70 fois par jour (ou 70000 fois, selon une variante), Je regarde dans le coeur de mon serviteur pour y entrer. Hélas, le plus souvent, Je le trouve plein de lui-même, et Je me retire."
Croire que cette mort à soi-même doit nécessairement s'accompagner d'un retrait hors du monde et d'une fuite de ses responsabilités serait cependant une erreur - encore que la retraite spirituelle puisse parfois être nécessaire à une certaine étape. Ce serait contraire à l'esprit même de l'Islam qui se veut totalité et qui engage l'être dans tous ses aspects. L'Islam n'est pas fuite vers le sacré, mais intégration consciente du sacré dans tous les plans de l'existence. Il s'agit de vivre au milieu du monde, là où l'on se trouve, non plus au nom de son ego mais avec DIEU, en DIEU et par DIEU.
" Toute la vie, la vie de chaque jour, doit être remplie de la présence de DIEU et du désir de Le servir" (Ghazali). C'est au coeur même de la vie et de l'action qu'il faut nous tourner intérieurement vers DIEU. Tel est, précisément, l'objet suprême du soufisme : faire participer au Sacré non seulement les pratiques canoniques prescrites, mais, selon la parole d'Hasan el-Basri, "tous les gestes de la vie quotidienne"; " faire de sa propre vie un lieu de la manifestation Divine", disait Ibn el-Arabi.
Un jour, un homme vint trouver Tierno Bokar et lui dit :
- Tierno, je suis inquiet pour moi-même. Je n'ai pas le temps de réciter beaucoup de Coran, ni de pratiquer de longs dhikr, ni de faire beaucoup de retraites spirituelles ou de jeûner en dehors du Ramadan. Qu'adviendra-t-il de mon âme ?
- Que fais-tu dans la journée ? lui demanda Tierno.
- Chaque jour, je travaille dans les champs du matin au soir pour nourrir ma nombreuse famille, répondit le brave homme.
- Sois tranquille, lui dit Tierno. C'est ton travail qui est ta prière. Si tu accomplis ton travail le plus parfaitement possible et dans l'intention de plaire à DIEU qui te l'a imposé, alors, ton travail devient adoration, au même titre que le dhikr ou les jeûnes de ceux qui n'ont rien d'autre à faire.
Il n'y a donc, pour la vie spirituelle, ni époque ni lieux privilégiés. Au sein même du travail le plus astreignant, il est toujours possible d'accomplir chacune de ses tâches " au nom de DIEU" (Bismillâh) (7) et de s'efforcer de vivre chaque instant en sa Présence. Les soufi ne se sont-ils pas appelés eux-mêmes les "fils de l'instant" ?
La vie en DIEU, liée à l'abandon confiant en sa Volonté, est équilibre entre le haut et le bas, entre l'intérieur et l'extérieur qui s'unissent en elle. Selon la parole du prophète :
" Travaille pour la vie de ce monde comme si tu devais vivre mille ans, et pour la vie future comme si tu devais mourir demain."
Que DIEU nous assiste !
source : Vie & enseignement de Tierno Bokar (Amadou Hampaté Bâ)
1. Dans l'un de ses dérivés, le mot dhikr signifie également "énergie".
2. Grand penseur et réformateur musulman, né en 1849, qui fut nommé Mufti d'Egypte en 1899.
3. " Ne dites pas que je suis bon, seul le Père est bon", a dit Jésus.
4. Les oeuvres surérogatoires (ou "supplémentaires") sont celles qui sont accomplies en plus des prescriptions canoniques, en vue de plaire à DIEU.
5. C'est la faculté de différenciation (Ikhlass), qui permet, lorsqu'on croit avoir atteint le but parce que l'on a vécu un "état", d'en percevoir les limites et d'opérer le "lâcher prise" nécessaire pour s'élever (ou se purifier) davantage.
6. Autre grand mystique de l'Islam.
7. La formule Bismillâh (Au nom de DIEU) qui ouvre chaque sourate du Coran, doit être prononcée par les musulmans au moment d'accomplir tout acte, quel qu'il soit, afin de le consacrer à DIEU.
Dans les tourouq (confrérie), le dhikr est à la fois individuel et collectif. En plus de la récitation quotidienne solitaire, les frères se réunissent régulièrement pour les séances de dhikr collectif.
C'est à l'occasion de ces séances collectives que l'on observe des différences entre les tourouq. Dans certaines - notamment chez les Derqawî et certaines confréries d'Orient - le dhikr collectif est accompagné d'une sorte de danse, ample mouvement rythmique du corps d'avant en arrière, en rapport avec un contrôle du souffle; dans d'autres, c'est la tête qui bouge (en avant et sur les côtés) avec visualisation du souffle en certains points du corps, notamment lors du dhikr de Lâ ilâha ill'Allâh, en rapport avec le symbolisme des différentes syllabes. Ailleurs, au contraire, notamment chez les Tidjani, on s'efforcera à l'immobilité (bien que le mouvement de la tête y soit également connu). La prière Perle de la perfection, en particulier, devra être récitée dans un état d'immobilité totale qu'il ne faut rompre à aucun prix. Signalons encore la danse giratoire particulière aux Mewlevi, disciple de Jalal ed-dîn Roumi.
Comme on le voit, il s'agit surtout de différences extérieures qui correspondent à des tempéraments différents et, parfois, à des héritages culturels différents. Le fond étant pratiquement toujours le même, les musulmans ont ainsi toute chance de trouver, à l’intérieur de l'Islam, la tariqa qui correspond le mieux à leurs affinités ou à leur type de famille spirituelle.
La vertu première du dhikr tient au fait qu'il s'agit, nous l'avons dit, de Noms sacrés tirés du Verbe révélé lui-même, donc porteurs d'une intense énergie spirituelle (1). Cette énergie se trouvera comme actualisée, déployée, par le nombre des répétitions, ce nombre ayant un rapport avec la valeur numérale des lettres qui composent le Nom Divin.
Le grand danger serait toutefois de considérer le dhikr, en raison même de sa puissance, comme une "recette" pour accéder systématiquement à des états extatiques ou supérieurs. C'est d'ailleurs pourquoi il ne doit être pratiqué que sur autorisation expresse d'un moqaddem ou d'un maître. Lorsque le dhikr est collectif, donc plus intense, il doit être effectué sous la direction et le contrôle attentif d'un maître. L'objectif n'est pas de rechercher systématiquement des "états" (hal), mais de se rapprocher de DIEU en se vidant, grâce au dhikr, de tout ce qui n'est pas Lui.
"Tout acte, a dit le prophète, ne vaut que par l'intention" (niyya). Il convient donc d'être très vigilant quant à son intention profonde lorsqu'on se livre à un exercice spirituel tel que le dhikr. Ce dernier est un moyen pour réaliser la purification progressive du coeur et réchauffer la foi, tout comme le souffle de la forge active le feu qui fera fondre le métal. Mais le moyen ne saurait être considéré comme une fin en soi. La seule fin, c'est DIEU, qui doit être adoré pour Lui-même et non pour les dons qu'Il est libre de nous octroyer ou non.
Le dhikr contient en lui-même son propre antidote. La mention perpétuelle du Nom de DIEU, qui mène à percevoir progressivement sa réelle présence, conduit en effet le coeur à s'abaisser et à s'abîmer devant son Créateur et, finalement, comme le demande l'Ihsân, à "vivre sous son regard".
Selon une définition du grand mystique Al-Junayd, le tasawwuf (soufisme) consiste en ce que " DIEU fait mourir l'homme à son moi afin qu'il vive en Lui ". Un autre grand soufi, Abou Yazid al-Bistani, disait : " Je me suis desquamé de mon moi comme un serpent de sa peau."
Cette mort à soi-même est appelée fanâ (littéralement extinction, comme s'éteint la flamme d'une bougie) tandis que la Vie en DIEU et par DIEU, qui est son corollaire, est appelée baqâ : surexistence (continuité, permanence).
" Le rôle des soufi, disait Mohammed Abduh (2), est de guérir les coeurs et d'éliminer tout ce qui voile l'oeil intérieur. Ils s'efforcent d'établir leur demeure en l'Esprit, devant la Face de Celui qui est la très haute Vérité, jusqu'à ce qu'ils soient, par Lui, retirés de tout ce qui est autre, leur essence étant éteinte en Son Essence, et leurs qualités en Ses Qualités" (3).
Mais quelle parole pourrait mieux exprimer cet état de fanâ/baqâ (extinction de soi/vie en DIEU et par DIEU) que ce hadith qudsi ou "hadith saint" dans lequel DIEU, par la bouche du prophète, parle à la première personne, hadith qui a été médité par les soufi de tous les temps :
" Que mon serviteur ne cesse de s'approcher de Moi par des oeuvres surérogatoires (4) jusqu'à ce que Je l'aime. Et quand Je l'aime, Je suis l'ouïe par laquelle il entend, la vue par laquelle il voit, la langue par laquelle il parle, la main par laquelle il saisit. " Une variante ajoute : " Quand Je l'aime Je le tue, et quand Je le tue, c'est Moi qui suis sa rançon."
On pourrait dire que tout le soufisme est basé sur ce hadith, tant pour la méthode (les oeuvres surérogatoires) que pour l'objectif suprême : l'investiture Divine (baqâ) après la mort à soi-même (fanâ).
Certes, avant d'atteindre de tels degrés, il existe bien des étapes intermédiaires et bien des épreuves, sur le chemin où nous guette constamment le Makarou, l' "illusion Divine" (5).
C'est pourquoi l'aide d'un maître est nécessaire. Les limites de chacun dépendront de ses dispositions propres, de la qualité de son effort, et, finalement, de la libre grâce Divine.
Par une attitude de tawakkul (abandon conscient à la volonté Divine), le croyant sincère s'efforce de réaliser en lui, selon la parole de Hallaj (6), une "totale conformité aux décrets de DIEU sur lui" et de vider son coeur de tout ce qui est "autre que DIEU", afin de s'offrir à sa Présence.
Dans un autre hadith qudsi, DIEU dit : " 70 fois par jour (ou 70000 fois, selon une variante), Je regarde dans le coeur de mon serviteur pour y entrer. Hélas, le plus souvent, Je le trouve plein de lui-même, et Je me retire."
Croire que cette mort à soi-même doit nécessairement s'accompagner d'un retrait hors du monde et d'une fuite de ses responsabilités serait cependant une erreur - encore que la retraite spirituelle puisse parfois être nécessaire à une certaine étape. Ce serait contraire à l'esprit même de l'Islam qui se veut totalité et qui engage l'être dans tous ses aspects. L'Islam n'est pas fuite vers le sacré, mais intégration consciente du sacré dans tous les plans de l'existence. Il s'agit de vivre au milieu du monde, là où l'on se trouve, non plus au nom de son ego mais avec DIEU, en DIEU et par DIEU.
" Toute la vie, la vie de chaque jour, doit être remplie de la présence de DIEU et du désir de Le servir" (Ghazali). C'est au coeur même de la vie et de l'action qu'il faut nous tourner intérieurement vers DIEU. Tel est, précisément, l'objet suprême du soufisme : faire participer au Sacré non seulement les pratiques canoniques prescrites, mais, selon la parole d'Hasan el-Basri, "tous les gestes de la vie quotidienne"; " faire de sa propre vie un lieu de la manifestation Divine", disait Ibn el-Arabi.
Un jour, un homme vint trouver Tierno Bokar et lui dit :
- Tierno, je suis inquiet pour moi-même. Je n'ai pas le temps de réciter beaucoup de Coran, ni de pratiquer de longs dhikr, ni de faire beaucoup de retraites spirituelles ou de jeûner en dehors du Ramadan. Qu'adviendra-t-il de mon âme ?
- Que fais-tu dans la journée ? lui demanda Tierno.
- Chaque jour, je travaille dans les champs du matin au soir pour nourrir ma nombreuse famille, répondit le brave homme.
- Sois tranquille, lui dit Tierno. C'est ton travail qui est ta prière. Si tu accomplis ton travail le plus parfaitement possible et dans l'intention de plaire à DIEU qui te l'a imposé, alors, ton travail devient adoration, au même titre que le dhikr ou les jeûnes de ceux qui n'ont rien d'autre à faire.
Il n'y a donc, pour la vie spirituelle, ni époque ni lieux privilégiés. Au sein même du travail le plus astreignant, il est toujours possible d'accomplir chacune de ses tâches " au nom de DIEU" (Bismillâh) (7) et de s'efforcer de vivre chaque instant en sa Présence. Les soufi ne se sont-ils pas appelés eux-mêmes les "fils de l'instant" ?
La vie en DIEU, liée à l'abandon confiant en sa Volonté, est équilibre entre le haut et le bas, entre l'intérieur et l'extérieur qui s'unissent en elle. Selon la parole du prophète :
" Travaille pour la vie de ce monde comme si tu devais vivre mille ans, et pour la vie future comme si tu devais mourir demain."
Que DIEU nous assiste !
source : Vie & enseignement de Tierno Bokar (Amadou Hampaté Bâ)
1. Dans l'un de ses dérivés, le mot dhikr signifie également "énergie".
2. Grand penseur et réformateur musulman, né en 1849, qui fut nommé Mufti d'Egypte en 1899.
3. " Ne dites pas que je suis bon, seul le Père est bon", a dit Jésus.
4. Les oeuvres surérogatoires (ou "supplémentaires") sont celles qui sont accomplies en plus des prescriptions canoniques, en vue de plaire à DIEU.
5. C'est la faculté de différenciation (Ikhlass), qui permet, lorsqu'on croit avoir atteint le but parce que l'on a vécu un "état", d'en percevoir les limites et d'opérer le "lâcher prise" nécessaire pour s'élever (ou se purifier) davantage.
6. Autre grand mystique de l'Islam.
7. La formule Bismillâh (Au nom de DIEU) qui ouvre chaque sourate du Coran, doit être prononcée par les musulmans au moment d'accomplir tout acte, quel qu'il soit, afin de le consacrer à DIEU.